Couverture fascicule

Du nouveau à propos du vitrail suisse

[article]

Année 2011 169-2 pp. 165-166
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bilan précis du grand chemin parcouru pour parvenir à une plus juste évaluation d’une «des plus belles expressions de la peinture monumentale » et travailler de concert avec les ateliers de restaurations. conscient de la précarité des équipes de recherches actuelles, il conclut par une triple incitation à enseigner, à se confronter aux autres disciplines de l’histoire de l’art, et à rendre accessible aux non initiés des synthèses nouvelles ; gageons que le dossier préparé par des membres du Corpus vitrearum

international, dont il est ici rendu compte va contribuer à conforter cette ligne de conduite. Si la mission du Corpus vitrearum, spécialement celle du Recensement des vitraux anciens de la France, consiste à repérer et à étudier un patrimoine fragile – travail préalable indispensable à tout autre – les résultats obtenus sont désormais si riches qu’ils peuvent tenir lieu de socle à des recherches thématiques originales. L’ouvrage de Laurence riviale, Le vitrail en Normandie entre Renaissance et Réforme (1517-1596), paru en 2007 dans la série Études, en est l’illustration éclatante 1. par les sujets relevés, comme par leur traitement iconographique et formel, il apparaît que le vitrail fut, en ces temps difficiles, l’un des arts où se manifestèrent le plus clairement les débats religieux. La précoce réaction catholique observée en normandie montre, – ou rappelle –, l’existence d’une puissante réforme pré-tridentine, souvent oubliée. Le numéro n° 167/ 2010-1 de la Revue de l’art

livre à son tour trois articles sur ce thème. Le sort du vitrail dans les grands épisodes iconoclastes de la réforme protestante a souvent retenu l’attention des spécialistes, sans qu’aucune interprétation pleinement satisfaisante et surtout comparatiste en soit jamais proposée. nombre de travaux ont ainsi relevé la survie étonnante de grandes verrières, offertes à la vue de tous et fragiles, qui échappèrent à la destruction alors même que les édifices dans lesquels elles se trouvaient étaient l’objet d’entreprises systématiques d’abolition ou de transformation du décors, du mobilier et des ornements liturgiques. ce fut notamment le cas dans la ville de rouen, prise et occupée par les protestants des mois durant en 1562 et théâtre de scènes d’iconoclasme de grande ampleur, mais où furent épargnés des vitraux importants au contenu pourtant incompatible avec la foi réformée qui célébrait les saints et les sacrements catholiques. on ne peut donc que se réjouir de la parution simultanée dans le n° 167-1 de la Revue de l’art de trois articles consacrés au sort contrasté du vitrail au xvie siècle en angleterre, aux pays-Bas et en Suisse, c’est-à-dire dans des territoires passés, plus ou moins rapidement, à une réforme radicale de type zwinglio-calvinien bien plus hostile à l’image de religion que ne l’avait été la réforme luthérienne. cet éclairage croisé permet en effet de faire justice de quelques-unes des interprétations traditionnellement avancées pour expliquer la conservation, complète ou partielle, de vitraux à sujet religieux par-delà le changement confessionnel et la transformation des églises en temples, en écoles, en universités ou en hôpitaux. david King pour l’angleterre et Brigitte Kurmann-Schwarz pour la Suisse, et plus spécifiquement pour zürich et Berne, soulignent ainsi parfaitement les limites des explications trop générales, qu’elles soient théologiques ou économiques. de fait, les hésitations des injonctions royales anglaises ou de zwingli sur ce qui constitue ou non une idole – la vénération dont elle est l’objet ? son sujet ? son caractère bi ou tridimensionnel ? – ne dévoilent qu’une partie des enjeux à l’oeuvre dans les épisodes iconoclastes : des images explicitement désignées comme idoles restent parfois très longtemps en place ; d’autres, considérées comme indifférentes ou sans danger particulier, sont renversées sans délai. L’intérêt de ces trois études – même si l’article consacré aux pays-Bas s’avère peut-être plus décevant en raison de quelques imprécisions ou raccourcis dans l’analyse des positions théologiques – est évident. il réside en bonne part dans le choix d’épisodes peu nombreux mais bien documentés, dans lesquels on parvient à observer le déploiement de stratégies extrêmement variées qui dépendent bien entendu d’enjeux politiques et religieux généraux, mais aussi de rapports de force locaux et par exemple de la présence de prélats actifs, de grands seigneurs bienveillants et amateurs d’art ou encore de donateurs sourcilleux sur leurs droits et ceux de leurs ancêtres et peu décidés à se laisser dicter leur conduite. c’est dans ce jeu subtil entre idéaux de la réforme et rapports de force concrets qu’il est possible de comprendre les chemins divergents qu’emprunte l’abolition des idoles : destruction rapide et complète ici, sélectivité savante là, qui frappe les symboles et les rites du catholicisme mais préserve les scènes vétérotestamentaire comme dans l’église Saint-andré de norwich, et ailleurs encore, renouveau paradoxal de l’art du vitrail avec de nouveaux sujets qui plaisent aux pouvoirs protestants (le renversement des idoles par Josias à earsham dans le norfolk ; projet de vitrail de niklausManuel sur le même sujet ; vitraux héraldiques et moralisants). il ne fait aucun doute que ces études jettent une lumière nouvelle sur la crise iconoclaste du xvie siècle : celle-ci n’apparaît plus tant comme un coup d’arrêt brutal dans l’art du vitrail que comme une phase violente et délicate de réaménagement profond au cours de laquelle de nouvelles façons de voir et de concevoir l’espace liturgique et politique s’élaborent. – david King, «Le vitrail anglais et la réforme. destruction, préservation et continuité à norwich » , Revue de l’art, n° 167/ 2010-1, p. 41-50 ; zsuzsanna van ruyven-zeman, «Le vitrail hollandais et la réforme » , ibid., p. 51-59 ; Brigitte Kurmann-Schwarz, «Le vitrail en Suisse au temps de la réforme. destructions, conservation et nouvel essor » , ibid., p. 61-69. olivier cristin université de neuchâtel, Suisse

1. Lire ci-dessous dans la rubrique «Bibliographie » , la recension de l’ouvrage par Jean-François Luneau, p. 184-185.

du nouveau à propoS du vitraiL SuiSSe.

– Le grand succès dans l’alsace des xvie et

xviie siècles des vitraux dits suisses est depuis longtemps connu. Les oeuvres attribuées à une dynastie de peintres verriers venus de zug à Strasbourg, les Lingck ou Lingg, comptent parmi les meilleurs de ces petits panneaux civils. Les travaux de roger Lehni 1 ont permis de documenter deux générations d’artistes, Barthélemy, père de Lorenz, de hans-conrad et de Barthélemy le Jeune, nés à Strasbourg, respectivement en 1582, 1593 et 1597. Les 115 vitraux du cloître de la chartreuse deMolsheim semblent être le principal ensemble auquel contribuèrent, entre 1622 et 1631, plusieurs membres de la dynastie. ces oeuvres ont pour l’essentiel disparu en 1870 lors de l’incendie de l’église des dominicains de Strasbourg, où ils avaient été remontés après la révolution. dès lors, la production des Lingg se trouvait réduite à peu de chose. L’identification d’une partie considérable du fonds graphique de l’atelier de Lorenz et de Barthélemy le Jeune à la Staatliche Kunstsammlung de carlsruhe renouvelle la question en profondeur. cet ensemble graphique, probablement acheté à Strasbourg au cours des années 1630 par le margrave Georg Friedrich, ou par son fils Friedrich v de Badedurlach, contient, outre les projets faits dans l’atelier, de nombreux autres dessins ou copies de dessins réunis pendant le temps de son activité. plusieurs documents confirment des attributions déjà proposées, pour le vitrail de la tribu de l’ancre, conservé au musée historique de Strasbourg, par exemple, et en permettent d’autres. L’un des plus grands mérites de ce fonds est de souligner les liens unissant l’atelier Lingg et des maîtres comme tobias Stimmer, ou christoph Murer, dans l’atelier duquel, à 165 Chronique

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