L'ÉGLISE ABBATIALE DE MORIMOND
II est, des lieux chargés d'histoire qu'un sort injuste semble avoir voués à l'oubli et à l'abandon. Rien n'emplit de nostalgie comme la vue du vallon où s'élevait jadis Morimond (1). Les frères de Goncourt, qui étaient de la région, en avaient été frappés et ils pouvaient écrire : « II ne reste plus de la magnifique abbaye que de quoi faire la plus belle propriété mélancolique de France. »
On peut, en effet, difficilement imaginer que, dans le décor de belles futaies aujourd'hui vidé de son contenu, se dressait un établissement religieux qui couvrit une grande partie de l'Europe de son rayonnement et de ses fondations. Hors de pauvres témoins, dont le délabrement ajoute à la tristesse, les démolisseurs n'ont rien laissé des bâtiments et en. ont emporté les pierres au loin.
Morimond, abbaye engloutie, n'a pas suscité, jusqu'à une date toute récente, l'intérêt des chercheurs et des historiens. Alors que le plan des abbatiales de Cîteaux, de Clairvaux et de la Ferté, cependant effacées du sol, nous était connu, on ne savait rien de celui de Morimond. On avait tenté de le reconstituer à l'aide d'une description fort vague d'un historien local, l'abbé Dubois, qui s'est d'ailleurs révélée fausse. Pour l'architecture, on demeurait dans une semblable ignorance. Ainsi, dans l'étude du développement des constructions cisterciennes, manquait-on d'un élément de base déci- sif (2).
(1) Département de la Haute-Marne, canton de Montigny-le-Roi, commune de Fresnoy-en- Bassigny. Le lieu est porté sur la carte Michelin n° 62.
(2) Une bibliographie exhaustive de Morimond a été donnée, à la suite de leur substantiel article sur l'abbaye, par Jacques Laurent et Ferdinand Claudon, dans Abbayes et prieurés de l'ancienne France, tome XII, 3e partie (diocèses de Langres et de Dijon). Le nombre des références est considérable, mais on ne doit pas s'y tromper : certaines de celles-ci n'ont trait qu'à de minces articles ou à des études où Morimond ne figure que secondairement. En fait, le seul ouvrage conséquent qui ait été consacré à l'abbaye est celui de l'abbé Dubois : Histoire de l'abbaye de Morimond, dont trois éditions ont successivement paru, en 1851, 1852 et 1879. C'est un livre plein de mérites, pour lequel l'auteur a réuni une documentation importante et a eu même accès à des sources que nous ne retrouvons plus aujourd'hui. Mais malheureusement on ne saurait s'y reporter qu'avec prudence, car il contient des assertions sans fondement et des erreurs importantes, notamment sur le plan et l'élévation architecturale.
L'histoire des débuts de Morimond a été récemment traitée, avec une large documentation et une critique sûre, par le P. Leopold Grill, auteur de l'article Morimond, sœur jumelle de Clairvaux, dans le
