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André Leroi-Gourhan et la technique des fouilles
par Paul Courbin
La disparition récente de l'immense préhistorien qu'était André Leroi-Gourhan fournit l'occasion de revenir sur un sujet qui lui a tenu à cœur toute sa vie : la technique des fouilles. En effet, dès 1950, il avait publié à Paris, chez Picard, un manuel, Les Fouilles Préhistoriques. Tous les fouilleurs d'alors se rappellent ce petit volume et sa couverture lie-de-vin : c'est là qu'on pouvait lire, entre autres, qu'en cas de découverte importante, l'archéologue, s'il était vraiment grand, devait d'abord allumer une cigarette... (1). Lui qui, à la fin de sa vie, avouait qu'il ne s'était jamais bien compris lui-même, déclarait en 1961 : « Au fond, je suis un technicien des fouilles ». Son dernier grand chantier, Pincevent, a popularisé le stade final de sa méthode : celle des « grands décapages », qu'il avait mise progressivement au point avec Michel Brézillon et ses coéquipiers. C'est elle qu'on retrouve chez ses disciples, dans le monde entier comme en France même : G. Bailloud, J. Chavaillon en Afrique orientale, F. Hours au Proche-Orient, D. Lavallée dans les Andes, L. Pallestrini au Brésil, Y. Taborin à Étiolles, et tant d'autres.
Pourtant, cette méthode n'avait été pour lui ni la seule, ni la première en date. Lorsqu'il avait fouillé des abris préhistoriques, comme la caverne des Furtins, ou les grottes d'Arcy-sur-Cure, ou encore des nécropoles mérovingiennes comme celle d'Esco- lives, dans l'Yonne (avec R. Kapps), sa technique de fouille était, si l'on peut dire, très « classique » — à ceci près qu'elle était beaucoup plus soigneuse que d'autres. Des photographies anciennes montrent tout le contraire des futurs grands décapages : ainsi à Arcy, il est indiqué qu'un maxillaire se trouve « à dix centimètres derrière une paroi » verticale, non encore explorée, et le crâne de la célèbre « Augustine » à 1 m. Son manuel de 1950 préconise une sorte de
Fig. I - Organisation d'un chantier (1950).
méthode Wheeler avant la lettre (fig. 1). En 1961 encore, il prônait une fouille de dimensions réduites (3 m3), et des sections « qu'on ne fouillerait à aucun prix » (2).
A Pincevent même, A. Leroi-Gourhan a commencé par utiliser les coupes résultant de l'ancienne exploitation de la sablière, et par faire des séries de neuf à dix sondages, de dix mètres en dix mètres, sur trois lignes Ouest-Est, de façon à obtenir des coupes schématiques ; la fouille a d'abord été conduite en tranchées parallèles, avec des banquettes. Dans la section 36 elle-même, il a bel et bien effectué un