Bulletin de la SOCIÉTÉ

PRÉHISTORIQUE

FRANÇAISE 198? /TOME 84/6

Premiers apports de la Pétro-Ârchéologie à 1 étude des poteries préhistoriques

k# • • •

istoriques armoricaines

par Pierre-Roland Giot et Guirec Querré

La structure géologique et la situation géographique péninsulaire du Massif Armoricain, socle ancien baigné de trois côtés par la mer, constituent des conditions qui se marquent davantage qu'ailleurs dans les caractéristiques des civilisations préhistoriques et protohistoriques qui s'y sont succédé. Sauf aux franges orientales (Basse-Normandie, Bas- Maine, Anjou, Bas-Poitou) les influences des grands bassins sédimentaires s'estompent très vite. Les matières premières des poteries, terres et dégraissants, proviennent le plus souvent des produits d'altération du socle cristallin et paléozoïque. Les quelques petits bassins sédimentaires cénozoïques ont rarement fourni des argiles aux potiers néolithiques et proto- historiques, pour être davantage prisés aux périodes historiques.

Des trois types ď altération, on peut éliminer le plus ancien, la transformation hydrothermale de massifs granitiques donnant des gîtes de kaolin, exploités à l'époque contemporaine, mais inutilisables pour la poterie primitive. Les climats chauds du début du Tertiaire (Éstéoule-Choux, 1970), couvrant le massif d'une carapace latéritique, ont surtout produit des argiles kaoliniques, tandis que la fin de cette ère a vu des climats moins chauds, l'altération produisant alors plutôt des argiles montmorilloniti- ques et autres smectites, ces deux variétés d'argiles se retrouvant dans la sédimentation des petits bassins pliocenes. Les altérations de couverture du Quaternaire sont moins évoluées, et forment un troisième type, avec surtout une fragmentation plus poussée des affleurements rocheux par le froid, et des déplacements des arènes dont la formation a bien entendu commencé également au Tertiaire. Ce sont ces

altérations relativement faibles qui se trouvent avoir donné la plus grande partie des terres et des dégraissants des poteries prénistoriques et protohistoriques.

Ayant commencé, il y a plus de 35 ans, des recherches pétro-archéologiques sur les matières premières lithiques, l'aîné d'entre nous s'est évidemment intéressé aussi à ces roches artificielles que sont les céramiques. Les progrès de la pétrologie et de la géochimie, raffinement des méthodes instrumentales nouvelles avec des possibilités originales ont fait qu'il a été heureux que le second d'entre nous vienne assurer le relais. La présente note résume quelques fruits de cette collaboration. Notre pratique instrumentale a été décrite par ailleurs (Giot et Querré, 1985).

On pense assez naturellement qu'à ces périodes une bonne partie des poteries sont d'origine familiale, locale ou presque locale, en particulier les fabrications les plus grossières et les moins soignées. Une telle supposition demande à être nuancée, les choses peuvent être beaucoup moins simples.

On trouve dans des habitats et dans des sépultures des tessons de poteries avec des spicules siliceux ou sclérites d'épongés siliceuses (Giot et Querré, 1986 b). Nous avons là un indicateur écologique de provenance de l'argile utilisée. Ces spicules proviennent d'argiles marines plio-pléistocènes déposées dans d'anciens estuaires ou golfes de la bordure du Massif Armoricain. On connaît leur utilisation à l'époque gallo-romaine et surtout à l'époque médiévale, où les argiles pliocenes de Saint- Jean-la-Poterie