LA CITÉ HYDRAULIQUE ANGKORIENNE : EXPLOITATION OU SUREXPLOITATION DU SOL ?
PAR
Bernard Philippe GROSLIER
La « Cité hydraulique » qui apparaît à la fin du ixe siècle dans la plaine de Siemreap constitue pour nous une des caractéristiques essentielles de la période angkorienne car elle assure sa vie économique. Création remarquable en expansion constante jusqu'à la fin du xie siècle, elle semble ensuite se bloquer et finir dans une sorte d'impasse. C'est ce que nous voudrions montrer ici.
J'ai déjà eu l'occasion1 de décrire le système et je n'en rappelerai que les traits essentiels. Installée dans la plaine alluviale parcourue de rivières permanentes, entre le plateau des Kulên — énorme éponge de grès qui forme château d'eau — et la berge septentrionale du Lac, la cité hydraulique est un réseau de canaux et de réservoirs captant les eaux fluviales et la mousson, puis les redistribuant dans des rizières permanentes aménagées à partir de cette ossature. Sans parler des réserves nécessaires aux habitants et au bétail en saison sèche, elle assure sinon partout une culture sous irrigation, du moins un écrêtement des écarts climatiques, donc une sécurité accrue de la production agricole. C'est elle qui a nourri les concentrations humaines requises, entre autres manifestations du pouvoir royal, pour la construction des grands temples d'Angkor.
Données géographiques
Quelles qu'aient été, par ailleurs, les raisons historiques qui ont fait élire la plaine de Siemreap, celle-ci présente des traits uniques qui ont pu, en partie, dicter son exploitation.
Tout d'abord elle constitue, au Nord du Grand Lac, la seule zone de quelque ampleur émergée en permanence, et ceci du fait des Kulên
(1) En dernier lieu B. P. Groslier, Agriculture et religion dans V Empire angkorien. Études rurales, 1974, nos 53-56, pp. 95-117.