Figures

Chargement...
Couverture fascicule

Odilon Redon et ses critiques

[article]

Une lutte pour la production de la valeur

Fait partie d'un numéro thématique : Histoires d’art

restrictedrestricted Cet article contient des illustrations pour lesquelles nous n'avons pas reçu d'autorisation de diffusion (en savoir plus)

Avant de procéder à toute mise en ligne, les responsables des revues sollicitent les auteurs d'articles et d'illustrations pour obtenir leurs autorisations. Dans cet article, la personne disposant des droits sur les illustrations a dû refuser la diffusion libre et gratuite de son travail. Nous avons donc apposé des masques permettant de dissimuler l'illustration (et donc de satisfaire la demande de l'ayant droit) et de laisser un accès libre au texte de l'article.

doc-ctrl/global/pdfdoc-ctrl/global/pdf
doc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/textdoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/imagedoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-indoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/zoom-outdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/bookmarkdoc-ctrl/global/resetdoc-ctrl/global/reset
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
Page 25

Dario Gamboni

ODILON ET SES

une lutte

pour la production de la valeur

«Qu'on me permette d'affirmer que, sans mes notes, le poème de Shade est dépourvu de toute réalité humaine (...). Il est probable que mon cher poète n'aurait pas souscrit à cette déclaration, mais pour le meilleur ou pour le pire, c'est le commentateur qui a le dernier mot».

Vladimir Nabokov, Feu pâle.

L'aspect conflictuel des rapports d'Odilon Redon avec la critique a souvent été relevé, mais considérant le contenu de la polémique plutôt que ses causes et ses enjeux, on y a vu généralement une lutte menée par l'artiste contre les malentendus suscités par ses commentateurs. Les historiens de l'art, prenant naturellement le parti de l'artiste auquel ils consacraient leur étude, ont invoqué son témoignage contre les interprétations qui avaient été tout d'abord données de son art, pour en dénoncer le caractère subjectif et «littéraire» (1). Si, exceptionnellement, les mêmes présupposés ont pu mener à des conclusions inverses, en particulier dans l'article où Jean Seznec, tout en condamnant lui aussi implicitement l'«art littéraire», donne raison aux critiques et tort à Redon (2), l'opposition n'est que superficielle : dans les deux cas, la production des critiques et celle de l'artiste, l'artiste et les critiques eux-mêmes sont considérés tout à fait séparément, sans que l'on envisage entre eux l'existence de relations dynamiques d'interdépendance et d'interaction.

*Cet article est la version remaniée d'une communication faite le 22 mai 1982 à Cortona, dans le cadre du colloque «Juger et classer : pour une histoire sociale de la perception artistique» (voir MSH Informations. Bulletin de la Fondation Maison des Sciences de l'Homme, 41, sept. 1982, pp. 8-17).

1— Voir surtout la seconde partie de la monographie classique de R. Bacou, Odilon Redon, Genève, 1956, vol. 1, pp. 227-284 : «Points de vue de la critique au sujet de l'œuvre de Redon», ainsi que l'article de J. Rewald, Quelques notes et documents sur Odilon Redon, Gazette des Beaux- Arts, nov. 1956, pp. 81-124. Le même point de vue se trouve repris sans modification dans le petit ouvrage de M. Wilson, Nature and Imagination. The Work of Odilon Redon, Oxford, Phaidon, 1978.

2— J. Seznec, Odilon Redon and Literature, in U. Finke (ed.), French 19th Century Painting and Literature, Manchester, Manchester University Press, 1972, pp. 280-292.

REDON CRITIQUES

Plus récemment, Richard Hobbs a recherché dans les divers textes consacrés à Redon de son vivant des témoignages intrinsèquement valables sur les manières successives (plutôt que concurrentes) dont son art aurait été perçu et «reçu», ainsi que sur l'évolution de sa carrière et les aléas de sa reconnaissance publique (3). A la suite de Sven Sandström (4), il a même affirmé que les critiques de Redon (et, notamment à travers eux, ses publics) avaient dû influencer directement sa production artistique par les attentes et les modes de perception qu'ils exprimaient — point de vue qui s'oppose diamétralement à la thèse fondamentale de Roseline Bacou selon laquelle l'œuvre d'Odilon Redon et son évolution démontreraient de manière exemplaire l'indépendance absolue de l'artiste et la soumission entière de sa conduite à une forme de «nécessité intérieure».

Cependant, Hobbs ne parvient pas à fournir d'explication nouvelle et satisfaisante en ce qui concerne les rapports de Redon avec ses critiques et leur évolution conflictuelle. Cela est dû sans doute au fait que la notion de «fortune critique» à laquelle il se réfère ainsi que sa conception d'une «influence» unilatérale ne suffisent pas à lui faire établir un lien fonctionnel entre l'activité picturale de l'artiste et l'activité littéraire des critiques, changement de perspective qu'autorise le concept de «production de la valeur» (5). De ce point de vue, les objets matériels que produit l'artiste ne deviennent réellement des œuvres d'art que lorsqu'ils ont été reconnus comme tels par des instances compétentes auquel 1'« auteur» lui-même, incapable de s'autolégitimer, ne saurait se substituer. A la production matérielle de l'œuvre s'adjoint donc nécessairement (cette formulation ne devant pas impliquer entre eux d'ordre logique ou chronologique obligé) le travail de production de sa valeur, travail indispensable à l'artiste mais dont la maîtrise lui échappe.

L'intérêt que présente le cas d'Odilon Redon dans cette perspective tient à des particularités chronologiques et typologiques de sa position. La carrière de Redon se déroule en effet entre 1880 et le début de la première guerre mondiale, c'est-à-dire dans la période au cours de laquelle se met en place et se développe le marché moderne de l'art et où le système de relations qui constitue le champ artistique prend peu à peu la forme qui est grosso modo

3-R. Hobbs, Odilon Redon, Londres, Studio Vista, 1977.

4-S. Sandström, Le monde imaginaire d'Odilon Redon, étude iconologique , Lund, Berlingska Boktryckeriet, 1955, et Odilon Redon, a Question of Symbols, The Print Collector's Newsletter, 6, n. 2, 1975-1976, pp. 29-34.

5— Voir P. Bourdieu, La production de la croyance. Contribution à une économie des biens symboliques, Actes de la recherche en sciences sociales, 13, févr. 1977, pp. 4-43, et Lettre à Paolo Fossati à propos de la Storia dell'arte italiana, Actes de la recherche en sciences sociales, 31, janv. 1980, pp. 90-92.

doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw
doc-ctrl/page/rotate-ccwdoc-ctrl/page/rotate-ccw doc-ctrl/page/rotate-cwdoc-ctrl/page/rotate-cw