CATHERINE DELACOUR

avec la collaboration de Alain Desreumeaux, Maria Gorea, Pierre Marsone et Dominique Robcis

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Une paire de bracelets et de boucles d'oreilles en or, un ornement vestimentaire portant une inscription dessinée à la feuille d'or et enrichie d'incrustations dont la plupart ont disparu comme celles des deux boucles/broches qui lui sont associées, deux coupes, dont l'une porte un caractère gravé au fond, un petit plateau à huit lobes en or, un miroir en bronze ainsi qu'une pierre tombale avec croix nestorienne et inscription constituent cet ensemble récemment acquis par le musée Guimet grâce aux dons de la Société des Amis du musée Gui- met et d'un collectionneur privé1.

Provenant d'un même site de Mongolie intérieure, la bannière unifiée de Daerhan Maoming'an, ligue du Wulan- chabu, à l'ouest de Hohhot (fig. 1), ces objets sont d'emblée assez clairement désignés par le miroir, les différents styles d'orfèvrerie et par la présence de la pierre tombale nestorienne comme une production probablement contemporaine de la première moitié de l'époque Yuan (1277-1367). De plus, cette localisation et cette période indiquent que ce mobilier funéraire était destiné à des défunts appartenant ou vivant au sein d'une tribu de nomades sédentarisés répondant au nom de Ôngût (mongol Ônggùd; chin. Wanggu bu). Peu connus en général, ils ont pourtant attiré l'attention des chercheurs occidentaux du fait de la confusion faite par Marco Polo (1254- 1324) entre leur nom et celui de Ong Khan, le chef charismatique de la tribu Kerait - tour à tour allié ou ennemi du futur Gengis Khan, et qui fut à l'origine de la légende du prêtre Jean2 - ainsi que pour avoir été les premiers nestoriens de la région à s'être convertis au catholicisme romain sous la double impulsion du missionnaire franciscain italien Jean de Montecorvino et de l'un de leurs chefs, le roi Georges (chin. Kuolijisi; syr. Giwargïs)3 qui mourut en 1298/99.

Le christianisme nestorien et les Öngüt

Le christianisme nestorien est né d'une dissension concernant la définition de la nature du Christ4. L'évêque Nestorius, patriarche de Constantinople, fut condamné au concile d'Éphèse en 431 pour des raisons de formule christologique. Bien que le concile de Chalcédoine en 451 l'ait lavé de l'accusation d'hérésie, il ne fut cependant pas réhabilité, resta en exil en haute Egypte et y mourut. Mais sa doctrine avait fait des adeptes, en particulier au sein de l'église d'Orient et dans la célèbre école théologique d'Édesse. Trop zélés, ceux-ci furent bientôt rappelés à l'ordre par Antioche et dès lors rompirent avec son patriarche. En Perse, ils entreprirent avec succès de convertir les chrétiens au nestorianisme, faisant ainsi le jeu des souverains en guerre contre les «Grecs». C'était une voie dangereuse, qui leur valut une alternance de périodes de persécutions et de retours en grâce mais dans l'ensemble, ils en tirèrent bénéfice. Le patriarche nestorien siégeant désormais à Bagdad, gérait l'ensemble de la chrétienté nestorienne et put développer le prosélytisme. À la fois moines et marchands, les nestoriens sillonnèrent comme tant d'autres voyageurs les routes menant en Asie centrale et jusqu'en Chine.

Aucun témoignage archéologique cependant ne nous est connu, qui rende compte de cette diffusion avant la stèle de Xi' an rédigée en 78 15. Mais ce qu'elle laisse entrevoir des événements antérieurs et de l'arrivée en Chine du moine A-lo-pen (chin. Aluoben) en 635, lequel venait peut-être de Sogdiane6, permet de penser que la tradition selon laquelle un roi heph- thalite et ses sujets auraient demandé à être convertis en 549 n'est pas une fable7. De plus, comme les Hephthalites furent peu après englobés dans l'empire des Turcs occidentaux, la mention de Turcs faits prisonniers par les Romains en 581 et portant une croix sur le front8 paraît corroborer cette première extension orientale du nestorianisme.

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