SUR LA VALEUR ET LORIGINE DU PRÉFIXE LATIN VË-
Dans ces dernières années, quelques études l ont ramené l'attention des latinistes sur un vieux problème de morphologie et de lexicologie : celui qui est posé par la douzaine de noms et d'adjectifs composés à préfixe vë- iuë-) 2. Deux questions, en réalité, y sont imbriquées et se déterminent l'une l'autre : quelle est la signification du préfixe vë- et quels sont les mots où l'on peut sûrement reconnaître son emploi. Il ne semble pas que l'accord soit fait sur ces deux aspects du problème et il ne me paraît pas inutile d'essayer encore une fois de clarifier et de mieux ordonner les faits.
Depuis le temps des Néogrammairiens, une doctrine est devenue traditionnelle sur ce point : c'est celle qui est clairement et prudemment exprimée, par exemple, dans le Dictionnaire étymologique 3 d'A. Ernout et A. Meillet, s.v. uê- : «particule privative ou péjorative qui figure dans quelques composés ... Cf. les préverbes indiquant «point de départ, descente, enlèvement» : skr. ava, v.sl., u, irl. ύα, lat. au- (dans auferô, etc.). Ce préverbe figure au premier terme de composés à valeur
1 Je pense particulièrement à Ch. Guiraud, Les mots latins à préfixe -uè, dans la Revue des Études Anciennes, 77 (1975, paru en 1977), p. 80-87 ; V. I. Abaev, Contribution à l'histoire des mots, 3 : Le Ciel et le Vent ou les plus anciens dieux dans les Mélanges Emile Benveniste, Paris, 1975, p. 3-5 ; L. Deroy, Le préfixe mycénien «we-», dans Ζ/να Antika, 22 (1972), p. 85-89. Parmi les études plus anciennes, on peut encore citer : M. Niedermann, Studien zur Geschichte der lateinischen Wortbildung .· Das Präfix vé-, dans Indogermanische Forschungen, 10 (1899), p. 247-256 ; J. Campos, Vescus y los compuestos de uè-, dans Helmantica 5 (1954), p. 41-48 ; Françoise Bader, La formation des composés nominaux en latin (Paris, 1962), passim.
2 La semi-voyelle bilabiale u est devenue la fricative ν au moins depuis la seconde moitié du ier siècle après J.-C. Sauf dans des cas particuliers où la précision phonétique est requise, j'utilise la notation v, qui correspond à la majeure partie de l'histoire du latin. Veuillent les latinistes qui ont choisi de généraliser la notation u à tous les textes latins, me pardonner cette divergence.
3 Diet. étym. de la langue latine, 4e éd., 3e tir., Paris, 1979.
