Liste onomastique libyque Nouvelle édition

Gabriel Camps t

Comme la première parue dans REPPAL VII-VIII, cette deuxième liste onomastique n'est qu'une liste et n'a pas la prétention d'être autre chose, c'est-à-dire un instrument de travail regroupant 984 noms colla- tionnés, au fil des ans, lors de la lecture des auteurs anciens latins et grecs ou de la consultation des différents corpus épigraphiques. Bien que cette deuxième liste compte près de cinquante noms supplémentaires qui m'avaient échappé lors de la première rédaction, je n'ai pas l'audace de penser qu'elle soit complète et dépourvue d'erreurs. Elle est cependant la liste la plus longue jamais constituée sur le sujet. L'un des rares auteurs ayant porté son attention sur l'onomastique paléoberbère au cours de ces dernières années, E. Frézouls, annonçait, en 1989, qu'on n'identifiait pas plus de 250 à 300 noms libyques, mais ce nombre était déjà largement dépassé dans les listes données par K. Jongeling dans son étude intitulée Names in neo- punic inscriptions. Alors que cet auteur partait de l'épigraphie punique et libyque, ma démarche se fit en sens inverse puisque la source choisie était latine.

J'ai donc retenu dans l'onomastique des provinces romaines d'Afrique durant l'antiquité, des origines au VIIe siècle ap. J.-C, les noms qui me paraissaient proprement africains. Il était relativement facile d'écarter ceux d'origine grecque ou latine ; il fut plus délicat de faire le partage entre les noms puniques et les noms libyques. Si parmi les premiers, ceux qui possèdent des racines ou des préfixes bien connus (Abd/Bod ; Baal/Bal ; Safan ; Nam ; lam, etc.) sont facilement reconnaissables, d'autres furent libycisés ou latinisés, oblitérés par la fréquence de leur emploi et par l'adjonction de désinences libyques ou qui paraissent libyques. Je les ai retenus malgré leur

origine punique vraisemblable tels sont les nombreux Gudul/Gudulus/Guddem, ou Matho/Mathin/Matan. J'ai de même retenu certains noms commençant par Bar bien que ce préfixe indique la filiation en hébreu, car il peut, dans la transcription latine, être confondu avec le préfixe berbère Var, à valeur négative, qui entre dans la composition de nombreux anthropo- nymes et théonymes.

Considérant qu'il est plus facile de retrancher que d'ajouter, je me suis montré assez laxiste dans la quête des noms propres africains : j'ai en particulier retenu des hapax et les noms dont je n'ai pas su reconnaître une possible origine exotique ; j'espère toutefois avoir pu écarter la plupart des noms danubiens, germaniques et celtes, voire syriens, surtout lorsqu'ils étaient portés par des auxiliaires des cohortes ou des ailes.

Parmi les sources exploitées, il en est une, la Johannide de Corippe qui s'est révélée d'une richesse extrême. Les anthroponymes de ce poème épique, le dernier écrit en langue latine en Afrique, avaient été collationnés dès 1868 par L. Godard (RAf, XII, p. 203- 209). Us sont au nombre de 130, c'est dire que la Johannide fournit à elle seule près du huitième de cette liste onomastique ; aucune autre source littéraire ou épigraphique n'apporte une contribution comparable. Malheureusement, il paraît invraisemblable que Corippe ait connu les noms d'un aussi grand nombre de chefs et de simples guerriers maures ; il est sûr que notre auteur a puisé certains de ces noms dans ses souvenirs littéraires et qu'il en a inventé d'autres de toutes pièces. Mais si ces anthroponymes « maures » furent ainsi forgés, ils le furent par un Africain habitué aux consonances et au vocabulaire libyques. J'ai donc pensé que les noms donnés par Corippe, dont

Antiquités africaines, t. 38-39, 2002-2003, p. 211-257

© CNRS EDITIONS, Paris, 2005