Jean- Yves LE NAOUR*

LA FAUTE AUX « MIDIS » :

LA LÉGENDE DE LA LÂCHETÉ

DES MÉRIDIONAUX AU FEU

La fortune militaire ne sourit guère aux Français en août 1914. Déconcertés par les échecs continuels et par la rapidité de l'avancée allemande, les autorités militaires et surtout le ministre de la Guerre en personne cherchent à comprendre et à expliquer les revers des « pantalons rouges ».

Le 24 août, la nouvelle éclate dans la presse, et les Français sont enfin avertis : l'insuccès de nos armes en Belgique et sur tout le front ne serait que le résultat de la lâcheté des Méridionaux du XVe corps dont la tenue au combat en Lorraine aurait été déplorable. C'est le début d'une funeste légende qui va flétrir pendant toute la durée de la guerre les soldats de Provence puis du Midi dans son ensemble et ouvrir une brèche morale dans l'Union sacrée et l'unité nationale.

L'article par lequel l'opprobre a été jeté est publié sous la signature du sénateur Auguste Gervais, le 24 août 1914, dans Le Matin, l'un des plus grands sinon le plus grand des quotidiens parisiens1 : « Un incident déplorable s'est produit, explique-t-il ; une division du XVe corps, composée de contingents d'Antibes, de Toulon, de Marseille et d'Aix a lâché pied devant l'ennemi. Les conséquences ont été celles que les communiqués ont fait connaîtte. [...] Tout le fruit d'une habile combinaison stratégique, longuement préparée, dont les débuts heureux promettaient les plus brillants avantages, a été momentanément compromis. Malgré les efforts des autres corps d'armée qui participaient à l'opération, et dont la tenue a été irréprochable, la défaillance d'une partie du