Sylvie MOUYSSET*
LA PESTE DE 1628 EN ROUERGUE
Qu'est ce que la peste pour un homme du XVIIe siècle ? Aujourd'hui, après les découvertes du docteur Yersin en 1894, nous connaissons les « ingrédients » de ce « mal qui répand la terreur » : un bacille, une puce, un rat, tel est le trio infernal qui s'établit dans un théâtre préparé à l'avance par la famine, un climat plus humide et plus chaud qu'à l'accoutumée et une hygiène déplorable sinon inexistante. Au XVIIe siècle, si l'on donne la parole au médecin villefranchois Durand de Monlauseur, la peste a une toute autre origine : « Vrayement maladie aveugle parce qu'elle n'épargne personne et qu'elle est incogneue après tant d'expérience ; maladie aussi divine à cause qu'elle a tant de rapports à la justice de Dieu, que tout ce que l'on peut dire de certains de ses effets, de sa nature et de ses qualitez n'est autre sinon qu'elle est un grand fléau de Dieu, et s'il faut parler avec l'Ecriture, qu'elle vient à nous immédiatement du ciel »1. La peste est ainsi la manifestation violente de l'ire divine ; elle est expédition punitive de Dieu contre tous les pécheurs. Elle se traduit par une « intempérance de l'air ». L'air devient irrespirable, il empeste.
Si l'on reste longtemps dans l'ignorance de ses origines, il y a des siècles qu'on raconte les effets de la maladie. Le texte le plus ancien retrouvé en Rouergue date de 1348, pendant la trop célèbre Peste Noire. Sous la plume de Gilbert de Cantobre, évêque de Rodez, nous conservons un poignant et
Agrégée d'histoire, attachée d'enseignement et de recherche à l'Université de Toulouse-Le Mirail, Sylvie Mouysset a publié La peste en Rouergue au XVIIe siècle (Pont-les-Bains, Pour le pays d'Oc, 1992). Elle prépare une thèse sur « Élites et pouvoirs consulaires à Rodez aux XVIe et XVIIe siècles ».
* 18, rue Sarrus, 12000 Rodez.
1. Durand de Monlauseur, Manifeste de ce qui s'est passé en la maladie de la peste à Villefranche de Rouergue avec quelques questions curieuses de cette même maladie, Toulouse, R.Colomier, 1629, 117 p.