MARGUERITE DE VALOIS, MONTAIGNE, L’ «APOLOGIE DE RA Y MOND SEBOND »
À la fin de son panégyrique de Marguerite de Valois, alors que celle-ci était prisonnière à Usson, Brantôme, en un développement topique du genre de l’éloge princier, évoque la clémence de la reine qu’il rattache à l’exercice des vertus chrétiennes :
Ceste Reyne a bien observé sainctement ceste regle, pour se vouloir conformer aux commandements de son Dieu, qu’elle a toujours aymé, craint et servy devottement. Ores que le monde l’a abandonnée et luy faict guerre, elle a pris son recours seul à Dieu, qu’elle sert ordinairement tous les jours, et fort devottement […] car jamais elle ne perd ses Messes, et fort souvent ses Pasques, et list fort en l’Escripture saincte, y trouvant son repos et sa consolation. Elle est fort curieuse de recouvrer tous les beaux livres nouveaux qui se composent, tant en lettres sainctes qu’humaines. 1
En 1581, sur le commandement de la reine, on imprima à Bordeaux un manuel de dévotion2. Cette dévotion s’était sans doute accentuée avec les épreuves. Elle constitua très tôt, aux yeux de ses contemporains, un des traits de la personnalité de la princesse, jointe à la conscience la plus orgueilleuse de son rang, et, sans contradiction, à la galanterie et la séduction. Pour des raisons faciles à comprendre, le dernier trait a été souligné plus que les autres, pour constituer l’essentiel de la légende posthume de la «reine Margot » .
1. Brantôme, «Sur la reine de France et de Navarre, Marguerite » , [ in] Recueil des Dames, poésies et tombeaux, éd. É. Vaucheret, «Bibliothèque de la Pléiade » , Paris, Gallimard, 1991, p. 155. 2. Prières et manuel de dévotion recueilli des Saints Pères et Docteurs de l’Eglise catholique. Auquel est sommairement compris tout ce qu’un Roy chrestien doibt croire, Bordeaux, S. Millanges, 1581 ; L. Desgraves, Bibliographie des ouvrages imprimés à Bordeaux au XVIe siècle et par Simon Millanges (1572-1623), «Bibliotheca bibliographica Aureliana » , t. 37, Baden Baden, V. Koerner, 1971, n° 65. L’ouvrage a peut-être été publié à l’occasion de la venue de la reine à Bordeaux pour la procession du Saint Sacrement, en janvier 1581 ; voir J. Boucher, Deux épouses et reines à la fin du XVIe siècle : Louise de Lorraine et Marguerite de France, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1995, p. 229-267, en particulier p. 261.
