PUNIR ET GUERIR En 1819, la prison des philanthropes

«Longtemps la question pénitentiaire n’a été qu’une question d’humanité, de charité, de spéculation. Longtemps ça a été un canevas sur lequel les idéologues des deux mondes se sont amusés à broder leurs théories, un thème à propos duquel les philanthropes de tous les pays ont joué sur tous les tons leurs variations sentimentales. De là cette foule d’écrits où les utopies les plus étranges, où les systèmes les plus fabuleux se sont produits en faveur des criminels et des malheureux prisonniers, au mépris ou au détriment des pauvres gens honnêtes ; de là toutes ces améliorations matérielles apportées successivement dans le régime de nos prisons, améliorations qui ont fait dire à un ministre qu’on ne pouvait aller plus loin sans que la morale publique en fût blessée ». — Moreau-Christophe, 1852. *

Les premiers, les hommes de la Restauration ont tenté de réformer la prison. Vingt ans avant le grand débat pénitentiaire de la Monarchie de Juillet, ils se sont interrogés sur la croissance de la criminalité et sa prévention, sur la finalité de la peine et ses modalités d’exécution. Juristes et médecins dénonçaient publi¬ quement l’organisation carcérale lorsque Decazes, en 1819, décida la mise en œuvre d’une politique des prisons (1). En créant pour la conduire la Société royale pour l’amélioration des prisons, il plaçait cette action sous les auspices de la philanthropie. Alors seule œuvre de bienfaisance de fondation gouvernementale, celle-ci devait être la plus brillante de son temps avant de tomber par la suite dans un injuste oubli (2). On lui doit d’avoir mené la première enquête nationale sur les maisons de répression et préparé en quelques