Descartes-Roberval, une relation tumultueuse

Vincent Jullien (*)

Comment rendre compte des relations qu'entretinrent Descartes et Roberval sans devoir faire le récit des principales discussions scientifiques de la première moitié du xvne siècle, ainsi d'ailleurs que la description des groupes et institutions qui en furent le cadre? Je ne vois en effet pas un seul sujet de mathématique ou de physique, traité entre 1620 et 1650, dans lequel ils n'interviennent pas, sinon tous deux, du moins l'un d'entre eux; et c'est, en règle générale, pour s'opposer l'un à l'autre. Comme il n'est pas question ici d'analyser ou même d'exposer les termes de ces discussions, je me bornerai à rassembler les informations concernant leurs rapports personnels directs (ou quasi directs), et suggérer quelques interprétations raisonnables de leurs oppositions.

Le ton est donné par Marin Mersenne qui écrit à Ismael Boulliaud en 1646 que « ces deux personnages se méprisent si fort l'un l'autre que c'est une chose merveilleuse ». Nous verrons que lui-même ne fut pas pour rien dans cette animosité. En contrepoint, on retiendra cependant l'appréciation d'Adrien Baillet selon qui « si l'amitié de M. de Roberval avec M. Descartes était chancelante et sujette aux révolutions que produisaient les mouvements divers du cœur de M. de Roberval, leur estime réciproque était au moins toujours égale, et toujours aussi parfaite (1) ».

Je donne, très rapidement quelques indications biographiques concernant Gilles Personne (de) Roberval afin de le situer par rapport à Descartes. Il est né en 1602 près de Beauvais, sans doute dans un milieu extrêmement modeste. On ne sait rien de son enfance et de sa jeunesse, sinon qu'il « débarque » à Paris dans les années 1620 doté d'une excellente formation : latin, grec, mathématiques, physique, etc. Peut-être était-il au