ENTRE LITURGIE ET SACRALITE
ENQUÊTE SUR LA NATURE ET LA FONCTION DES CALICES DURANT LE HAUT MOYEN ÂGE
L'abbaye parisienne de Saint-Martin-des-Champs abritait dans son trésor avant la Révolution un vase sacré millénaire, connu aujourd'hui sous le nom de calice de Grimfridus x. Son exceptionnelle longévité s'explique sans aucun doute par l'emploi du laiton par les orfèvres du haut Moyen Age, parallèlement aux métaux précieux. Le laiton, substitut de l'or, a-t-il été dans l'orfèvrerie religieuse un phénomène marginal ou au contraire répandu ? Etait-il réservé au clergé mineur ? Les calices avaient-ils des fonctions autres que liturgiques ? La recherche d'éléments de réponse a nécessité une enquête dans des domaines aussi variés que l'histoire de l'art, des sciences, du christianisme et de la liturgie chrétienne, des trésors d'églises. Enfin, il convient de s'interroger sur l'assimilation d'objets sacrés à des reliques de saints, comme ce fut le cas pour le calice de Grimfridus, attribué autrefois au bienheureux Chro- degang de Sées, évêque martyr du viiie siècle.
Peut-on dater l'apparition du laiton dans les objets sacrés ?
Il paraît bien difficile de répondre à cette question, puisque sauf exceptions, les calices en métal non précieux sont généralement ignorés des inventaires d'églises du haut Moyen Age 2 et que les trouvailles archéologiques sont particulièrement rares. Seulement quatre calices carolingiens en laiton nous sont parvenus : le calice de Tassilon, 3 le plus célèbre, exécuté vers 777, le
1. Du nom du prêtre dédicant. Ce calice, replacé pour la première fois dans son contexte historique, a été l'objet d'une publication récente : Elisabeth Frutieaux, « Une pièce d'orfèvrerie oubliée d'origine prénormande : le calice de Grimfridus », dans Aspects de l'art religieux dans l'Orne au Moyen Age. Bulletin de la Société historique et archéologique de l'Orne, t. 117, noe 1-2 (1998), p. 23-33. 2. Les objets en métal précieux constituant une réserve monétaire bien connue, seuls ces derniers sont recensés à des fins d'inventaire, par des clercs ou des moines remplissant l'office de trésorier. 3. Le calice de Tassilon est le plus grand de cette série avec ses 26,6 cm de hauteur. On peut toujours le voir dans le trésor de l'abbaye de Kremsmtinster, en Autriche. La publication de référence est celle de Gunther Haseloff, Der Tassilokelch, Miinchen, 1951.
R.H.É.E, t. 85, 1999 p. 225 à 246.
