Mustapha SÉHIMI
RÉVOLUTION FRANÇAISE ET MOUVEMENT NATIONAL MAROCAIN
Dans les années vingt, au Maroc, Lyautey s'opposait à l'affichage de la « Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen» dans les villes parce qu'elle proclamait des principes spirituels jugés contraires à ceux de l'État chérifien. Voilà une première hypothèque; la seconde, plus lourde encore, c'est que « 1789» faisait référence à une matrice d'une autre nature que celle de la loi coranique, de la tradition du sultanat historique dans un pays «protégé» par la France mais relevant de «Dar El Islam».
Dans ces conditions, quel a été l'impact de « 1789 » dans la dialectique protectorat/nationalisme? La capacité messianique des principes proclamés voici deux siècles a-t-elle eu une influence (décisive ou non) sur le mouvement national? Et de quelle manière? Ces interrogations de départ nous conduisent à ordonner un certain nombre d'éléments de réponse en examinant tout d'abord les conditions historiques dans lesquelles s'est fait le «contact» entre les nationalistes et les idéaux des révolutionnaires; puis l'on s'attachera aux traits constitutifs de ce croisement d'idées en particulier pour ce qui est de l'élaboration, de l'expression et de la diffusion d'une culture constitutionnelle et libérale.
L'ancrage
Comme tous les phénomènes culturels, celui de l'influence de la Révolution Française sur le mouvement national marocain ne se fera pas sentir brutalement. Bien au contraire : cela se manifestera d'une manière diffuse. Mais plusieurs zones de
RE.M.M.M. 52/53, 1989-2/3