Des pontifes païens aux pontifes chrétiens.
Transformations d'un titre :
entre pouvoirs et représentations*
Françoise Van Haeperen Aspirant F.N.R.S.
Contrairement à une idée encore souvent admise Q) qui a été justement réfutée par quelques savants, Léon le Grand (440-461) ne reprit pas le titre païen as pontifex maximus, que l'empereur Gratiën avait abandonné quelques décennies auparavant (2). Le terme pontifex fut toutefois utilisé en de nouveaux sens par les chrétiens, dès le début du 3e s. Le dossier de la reprise du titre pontifex par les chrétiens suscita quelques précieuses investigations, il y a plus de vingt ans. Depuis, les chercheurs disposent d'un accès plus aisé et plus rapide aux sources chrétiennes, grâce aux CD-Roms(3). En outre, une connaissance plus approfondie des pontifes païens, acquise dans le cadre de ma thèse de doctorat, permet d'envisager sous un autre angle certains problèmes et certains textes. Il me semble donc intéressant de reprendre la question des transformations de sens du titre pontifex.
Après avoir développé deux exemples illustrant la complexité de ces transformations, je présenterai les premières attestations des nouvelles acceptions chrétiennes de ce terme et leur diffusion, grosso modo jusqu'au premier tiers du 5e s. : à ce moment, les nouvelles acceptions chrétiennes de ce substantif de plus en plus utilisé par les auteurs chrétiens apparaissent déjà bien implantées. Les définitions, les contextes sémantiques récurrents et les traductions grecques des divers sens chrétiens revêtus par le terme pontifex retiendront mon attention, afin de mieux cerner ensuite les charges de sens qui s'y attachent. Des textes mettant en scène des pontifes païens comparés
* La matière de cet article a fait l'objet d'une communication à Bruxelles, en mars 2002, lors de l'assemblée annuelle de la Société pour le progrès des études philologiques et historiques. Je dédie cet article à la mémoire de ma grand-mère qui en écouta les premières ébauches.
(1) K.ZIEGLER, Pontifex dans KP, 4, 1972, col. 1048; R-Schilling, Ce que le christianisme doit à la Rome antique dans REL, 62, 1984, p. 321 ; B.Aland, Pontifex maximus dans Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, II, Paris, 1990, p. 2086.
(2) R. Schieffer, Der Papst als pontifex maximus dans Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte. Kanonische Abteilung, 57, 1971, p. 300-309; P. Stockmeier, Die
Übernahme des Ρ ontif ex-Titels im spätantike Christentum dans Konzil und Papst. Historische Beiträge zur Frage der höchsten Gewalt in der Kirche, éd. G. von Schwaiger, Munich, 1975, p.84; I.Kajanto, Pontifex maximus as Title of the Pope dans Arctos, 15, 1981, p. 37-52.
(3) Cetedoc Library of Christian Latin Texts, 4e éd., éd. P. Tombeur, Turnhout, 2000.



















