CONSIDÉRATIONS NUMISMATIQUES SUR LA GUERRE SOCIALE

parJ.-M.EYCHENNE*

Nul ne peut contester l'unanimité des auteurs anciens sur la cause première du déclenchement de la guerre sociale (91-88 avJ.-C.) : le refus de Rome d'accorder la citoyenneté à ses alliés (1). Mais c'est à une autre source que l'on voudrait s'intéresser ici : il s'agit de la série monétaire frappée par les Italiens dans le cours des hostilités. On concevra l'intérêt et l'importance de ce document, le seul qui émane directement des Italiens mais aussi la seule source contemporaine sur la révolte, puisque les principaux textes sur lesquels on reviendra, sont tous postérieurs à l'événement. Aussi, le contraste entre la valeur du document et le peu d'attention qu'il a suscité peut-il étonner à plus d'un titre. Si les manuels reconnaissent peu ou prou l'ambiguïté des buts italiens dans cette guerre, ils ne signalent que rarement la monnaie. Source apparemment mineure, elle n'est utilisée que dans ses aspects spectaculaires, mais jamais dans son ensemble (2). Une raison de ce désintérêt peut être sa qualité de monnaie de propagande, qui l'empêcherait d'être significative des buts des Italiens. Pourtant, si elle demeure un moyen de propagande, elle est aussi un vecteur d'information. Dans ce sens, elle peut être considérée à la fois comme « miroir et moteur » de la société qui la produit (3). Elle fait œuvre de persuasion et reflète en même temps la situation historique (politique, militaire, culturelle, sociale). En outre, une propagande efficace n'est jamais créée ex nihilo : elle se doit de prendre en compte les aspirations des personnes qu'elle invite à réagir. Enfin, est-il besoin d'insister, au vu de notre propre société médiatique, sur la force mobilisatrice de l'image, que le monétaire de l'Antiquité, disposant d'une surface réduite, doit savoir utiliser au mieux.

Pourtant, c'est à partir de la légende que le classement nécessaire de la série monétaire a été effectué. C'est en effet à l'occasion de cette frappe que le terme (X Italia, de Viteliu en osque, fait sa première apparition officielle dans l'histoire. L'étude détaillée des monnaies devra à tout le moins permettre de mieux cerner ce concept antique d'Italia. D'autres monnaies, frappées avec la légende du nom des deux généraux italiens ou sans légende, fondaient ainsi une distribution en quatre catégories (lég. Italia, Viteliu, noms de généraux, sans légende) (4). La réflexion d'E. Bernareggi a permis de condamner un tel classement et d'ouvrir de nouvelles perspectives de recherche (5). Rappelons brièvement que la révision d'E. Bernareggi porte sur la bicéphalité de la coalition qui correspondrait à l'existence de deux ateliers de frappe linguistiquement distincts (6). Cette division présentait l'heureux avantage de concorder avec le texte de Diodore, le seul à décrire l'organisation italienne : une Italie divisée en