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Un mouvement de jeunesse inconnu en Asie Centrale: les jeunes Boukhares entre les idéologies de libération nationale et sociale

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Fait partie d'un numéro thématique : Les mouvements de jeunesse en Europe centrale et orientale
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Un mouvement de jeunesse inconnu

en Asie centrale : les jeunes Boukhares

entre les idéologies de libération nationale et sociale

1. Mot arabe signifiant "jeune, renouveau". Un exposé détaillé sur la réforme de l'enseignement est disponible en français dans l'Encyclopédie de l'Islam.

2. La décision d'une représentation directe du ministère des Affaires Etrangères russe à Boukhara sous la forme d'un agent politique fut prise en 1 885.

Une génération déjeunes hommes de l'émirat de Boukhara rencontre entre 1900 et 1910 les idées, extrêmement neuves dans cette région du monde, de réforme de la société musulmane, de libéralisation politique et de possible redéfinition des liens existant entre leur patrie et la puissance européenne de tutelle, la Russie. Il en naît une quête de renouveau et de formes d'organisation capables de jouer un rôle politique, puis un parti, celui des Jeunes Boukhares, enfin des tendances, mais la dislocation atteint ce groupe, anéanti par le processus de soviétisation de l'Asie centrale en 1924.

L'histoire des Jeunes Boukhares se développe donc sur une très courte période. Elle se place cependant au cœur des interrogations posées par les mécanismes de transformation sociale dans les pays économiquement arriérés et politiquement dominés. L'histoire particulière de ce groupe résulte de conditions sociales, économiques et politiques que l'on peut retrouver jusqu'à aujourd'hui dans d'autres régions de l'Orient musulman. L'approche des balbutiements d'une vie politique moderne au Turkestan à l'époque de la domination tsariste permet donc d'ouvrir une fenêtre sur la question, de nos jours encore brûlante, des rapports du politique et du social dans un Etat musulman à fondement religieux.

Le mouvement des Jeunes Boukhares est un parti politique, formé en 1 91 6, sur le terreau du puissant courant réformateur qui se développe chez les musulmans de Russie depuis les dernières décennies du XIXe siècle. Ce réformisme, resté depuis dans l'histoire sous le nom de jadidisme1, a d'abord pris racine chez les Tatars de la Volga, de Crimée et en Transcaucasie, en Azerbaidjan. Dans ces trois régions en effet plus qu'ailleurs au sein de l'Islam russe, les populations musulmanes étaient confrontées aux mutations sociales et culturelles qu'impliquait leur intégration à un empire russe lui-même rapidement transformé par son expansion industrielle et territoriale et les flux de migration des populations russes qui en résultaient. De plus, l'avancée de l'Etat russe dans les régions citées ci- dessus était fort ancienne, datant du XVIe siècle pour Kazan, de la fin du XVII le siècle pour la Crimée et du début

du XIXe siècle pour la région de Bakou.

Une bourgeoisie musulmane puissante économiquement mais privée d'expression politique suffisante formait dans ces régions plus urbanisées que le Turkestan le berceau du réformisme musulman. Cette pensée "jadid" a irradié tant socialement que géographique- ment pour n'atteindre le Turkestan qu'au tournant de ce siècle, y générant par ses conditions propres les formes locales que la volonté de changement a su inspirer à ses premiers militants tur- kestanais.

L'origine sociale de ses membres - milieux religieux, commerçants ou fonctionnaires, ethnique - Ózbek -, religieuse - musulmans sunnites -, fait des Jeunes Boukhares un exemple spécifique des mouvements de jeunesse qui ont secoué l'édifice politique construit au temps de la Russie impériale, particulièrement en tant que premier parti politique créé en Asie centrale.

Cadre historique

La vie politique au Turkestan traditionnel reflétait l'ordre social des Etats ózbek, fondé sur l'institution de l'apanage. Elle se nourrissait des conflits de pouvoir opposant les dynastes ozbek, théoriquement maîtres de l'attribution des apanages et les détenteurs de ces derniers, qui étaient très souvent en mesure de résister aux prérogatives de leurs souverains.

Dans l'état actuel de la recherche, on ignore tout de ceux des aspects de la vie politique qui pouvaient être liés au fonctionnement de la société. Il faut noter que si l'Asie centrale médiévale et moderne reste peu étudiée et mal connue, son histoire sociale est un des domaines les plus négligés des champs de recherche ouverts à ce jour.

La naissance du jadidisme puis des Jeunes Boukhares est d'ailleurs bien une part de cette histoire sociale, mais l'un et l'autre thème, inégalement étudiés, le sont au plus proche de leur cadre politique et idéologique. En ce qui concerne l'Asie centrale dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l'origine la plus immédiatement repérable des mutations profondes des sociétés locales est constituée par l'expansion coloniale russe.

Cette dernière a commencé en 1853 par la chute de la première forteresse

ôzbek aux mains des armées tsaristes dans la région de la rivière Syr Darya. Les Russes étaient moins de vingt ans après sur les berges de l'Oxus, ou Amu Darya, mitoyens du royaume d'Afghanistan et donc de la zone d'influence des Britanniques dans cette partie de l'Asie.

Cette ultime étape d'une expansion russe, continue depuis des siècles, se différencie nettement du processus de lent gonflement territorial qui l'a précédé par son caractère strictement colonial et par les conditions internationales qui lui sont contemporaines.

Les Britanniques, après avoir tout fait pour arrêter la descente de la frontière vers l'Inde et le Golfe persique, seront également soucieux à partir de 1917 de faire pression sur le cours des événements au Turkestan embrasé par la Révolution, par l'intermédiaire du dernier souverain de Boukhara, protagoniste direct des Jeunes Boukhares.

Pour ménager l'équilibre créé dans la zone d'expansion britannique par le maintien d'un Etat afghan, la Russie avait dû retenir de son côté une formule de domination indirecte dans ses nouvelles possessions du Turkestan. C'est ainsi qu'elle commença par laisser sur leurs trônes les souverains des trois Etats ozbek qui se partageaient l'Asie centrale au moment de la conquête, après leur avoir imposé des traités de protectorat qui entérinaient d'importantes réductions territoriales effectuées au profit des provinces nouvellement constituées et administrées directement par l'Etat russe.

Ainsi, dans le dernier quart du XIXe siècle, le redécoupage de ce qui fut, sur une superficie très comparable, l'empire créé quatre siècles plus tôt par les conquérants ozbeks, de la Caspienne au Pamir et des steppes araliennes à l'Amu Darya, institua des gouvernements généraux en regroupant les anciennes provinces indigènes et conserva deux Etats semi-indépendants, le khanat de Khiva et l'émirat de Boukhara. L'ensemble était supervisé par un gouverneur général résidant à Tachkent, l'Etat russe possédant en plus un représentant particulier à Boukhara en la personne d'un agent politique2.

Le cadre politique et le champ d'action des Jeunes Boukhares a donc été l'émirat de Boukhara sous protectorat russe depuis 1868, privé de Samarkand et du

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