MISE AU POINT

Points de vue nouveaux

sur l'évolution des paysages agraires

notamment en Europe centrale

En France, la recherche de la genèse des paysages agraires attire moins les chercheurs que vers les années 1930. Si le sujet a été abordé avec succès dans le cadre régional, par plusieurs thèses ou ouvrages récents, il semble progressivement abandonné : difficulté, pour les uns, de tirer des conclusions générales en partant de faits trop isolés, et danger de conclusions généralisantes hâtives; dédain chez d'autres, pour des travaux d'intérêt plus culturel que pratique; recul, pour tous, devant la nécessité d'appuyer cette étude sur une longue recherche historique, qui éloigne le géographe de son domaine propre, le présent. Préoccupations légitimes, mais qui ne résistent pas à l'examen critique. La Géographie générale ne serait jamais née, si nos pères avaient eu peur de généraliser. Généraliser comporte des périls : à nous de savoir les limiter par notre prudence. L'opposition, entre science désintéressée et science appliquée nous apparaît comme un faux problème. Tout le monde sait depuis longtemps que les recherches les plus purement intellectuelles constituent la base la plus solide pour les sciences appliquées. Quant à l'usage nécessaire de l'histoire, ne constate-t-on pas qu'il en est de même en géographie physique, et qu'une morphologie purement descriptive, sans appel à la chronologie, ne parviendrait à aucune explication?

Nos collègues allemands ne méconnaissent pas ces difficultés; ils se posent parfois des interrogations sur l'aptitude des géographes à résoudre les problèmes de genèse. Ils n'en travaillent pas moins sur ces questions avec une ardeur impressionnante. Ils avaient déjà apporté les contributions les plus nombreuses au symposium International de Vad- stena sur les structures agraires (i960) (1). Ils ont, depuis, tenu diverses réunions sur ce sujet, dont la

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plus importante est le Flurgenese Kolloquium, réuni à Gôttingen en 1961 (1). Les revues régionales allemandes continuent à publier de nombreux articles sur ces questions. Peut-être même, les géographes de ce pays en arrivent-ils à oublier que, pour être moindre, la production des autres pays n'est pas négligeable. S'ils citent parfois les Suédois, ils connaissent plus rarement les Britanniques, qui eux-mêmes négligent les apports des Français (2), à peu près ignorés des Allemands (3). Si les Français leur rendent trop souvent la pareille, cette habitude du talion, même inconscient, ne peut être que néfaste pour le progrès scientifique. Cette note n'a d'autre but que d'attirer l'attention, de nos compatriotes sur quelques données importantes révélées par ces travaux.

I. — La discontinuité historique

Une des notions les plus fécondes introduite dans les travaux allemands est celle de Wùstung (desertification) : à diverses périodes de l'histoire, certains territoires cultivés ont été complètement abandonnés et, après un délai plus ou moins long, l'exploitation a repris sur des bases légales, foncières ou économiques absolument nouvelles. Des véritables ruptures de continuité se sont donc produites. Nous ne pouvons donc attribuer la plupart des formes agraires actuelles, ni à l'exclusive influence des facteurs physiques puisque ces formes ont varié suivant les époques, ni au résultat d'une évolution progressive.

Deux grandes périodes de Wiistungen peuvent être identifiées. La première a séparé la Pré-