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Noms et adjectifs suffixés dans le Testament de Villon (éd. A. Longnon - L. Foulet, Paris, Champion)

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Année 1993 56 pp. 42-45
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NOMS ET ADJECTIFS SUFFIXES DANS LE TESTAMENT DE VILLON (éd. A. Longnon - L. Foulet, Paris, Champion)

Gaston ZINK

Chez Villon le mot est roi, comme chez tout poète digne de ce nom. C'est de lui qu'il tire ses effets, des plus cocasses aux plus poignants, et il en joue avec d'autant plus d'aisance qu'il possède la connaissance lexicale la plus fine qui soit, non seulement celle des termes et des sens qui nourrissent la communication courante et banale mais, au-delà, celle des réseaux de valeurs et de connotations que les mots tissent secrètement entre eux et qui leur font dire plus qu'ils ne signifient stricto sensu. Or, les dérivés, aux suffixes évocateurs parce que connus, entrent pour une large part dans ce vocabulaire poétique. En nous en tenant aux seuls noms et adjectifs du seul Testament, nous avons dénombré plus de cinquante formations qui englobent plus de cinq cents noms. C'est assez dire leur importance et justifier notre choix.

La suffixation constitue l'un des deux ou trois procédés lexicaux dont on dispose dans notre langue pour tirer, en le dérivant, un mot nouveau d'un mot déjà existant. A la différence de la dérivation impropre, qui procède par transfert (de catégorie, ici : amans, commis, issue... : p. prés./pass. > subst.), ou de la dérivation inverse, qui procède par amputation (d'une flexion pour obtenir un radical pur, ici : atour(s), esme, laiz...), la dérivation suffixale part d'un radical dépouillé (pris à une catégorie quelconque : n., vb., adj.) auquel elle adjoint un affixe. La base fournit la notion, le suffixe, tout en signalant la nouvelle catégorie, dote cette notion d'une expression particulière (agentive, collective, factitive, etc.) et, en quelque sorte, l'habille. C'est le mode de dérivation privilégié du français dès l'origine.

I. Dérivés nominaux

Le concept de base est pris en charge (et actualisé) par un animé ou un inanimé concret/abstrait. La variété des actualisations possibles explique l'abondance des suffixes. Nous nous attacherons aux plus représentatifs, en eux- mêmes et par rapport à l'oeuvre (1).

1. Nomina agentis

Deux suffixes, complémentaires par le genre, -eur et - esse, ont spécialement pour rôle de signifier l'agent du procès et connaissent de ce fait, le premier surtout, un large emploi.

-eur, tiré de dérivés latins en -torem, est l'aboutissement de deux cheminements : l'un savant, par voie d'emprunt

direct, qui lui assure la forme élargie -teur: auditeurs, collateur, directeurs, exécuteurs (exsecutores), promoteur, serviteur, l'autre populaire, dans lequel -f se conserve en appui consonantique : debteurs (deb(l)tôres), mais s'efface entre voyelles maintenues : -atôrem > -ëeurCR, CS -(i)ere < -âtor: emperiere(s) masc. 394, le Bon Fouterre (sur fotre < futueré). A l'époque de Villon, après la réduction des hiatus, -eeur, distinct de -(t)eurà l'origine, se confond entièrement avec lui : empereur, pécheur (peccatôrem), pescheurs (piscatôres), porteur (*porta- tôrem), prescheur (predicatôrem). Et c'est -eur, pris à -teur a date ancienne, aux deux sources ensuite, que le français utilise dans ses propres créations, en le fixant à une base de préférence verbale, suivant l'exemple du latin : chevaucheur, contrerolleur, escumeurs, hasardeur, mouveurs, pipeur, procureur, ribleurs, scelleur, sonneurs, tailleur, trompeur, vanteurs ; plus rarement au nom : bateleurs (bastel : gobelet de jeu), bienfaicteur, hayneurs. Le féminin étymologique de -ëeur : -(er)rlz (type pecheriz

< peccatrfcem) a déjà cédé la place à deux suffixes marginaux : -eresse, formé sur -esse (ci-dessous) : pécheresse, jangieresse, et -iere, pris au féminin de -ier (-arium) : emperlere 874, qui, à leur tour, s'effaceront devant -euse.

-esse (< -ïssa < grec) s'utilise hors des corrélations avec -eur. Introduit par la langue religieuse : abesse (< -eese

< abbatissa), il s'est rapidement étendu à des féminins de tout ordre : maistresse, princesse, Déesse (sur dea lat., à côté de dieuesse).

2. Dénominatif

-art soit à l'oubli de son origine d'avoir fonctionné en français comme un suffixe. Il s'agit, au départ, de l'adjectif hard: dur, fort, que les Germains utilisaient comme élément final de composés anthroponymiques tels que Gari-hard : forte lance > Glrart Ragin-Hard : conseil avisé > Renaît > regnars (n. co. substitué à goupil) et dont la langue commune a fait une finale simplement dénominative, à usages multiples : ethniques : Picart ; dépréciatif, à des degrés divers : bastart (germ. *bast : mariage double ?), coquart: jeune prétentieux, musars, paillart - arde (d'ap. tait de), pillart, raillart, roquart: vieux cheval égrotant (rok, onomatopée d'effort), viellart; sans

1. Les termes cités le sont sous la forme que le texte leur donne (en premier s'il y a reprise) et le plus souvent sans référence, par souci d'alléger la présentation.

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