DROIT ET FAMILLES
RECOMPOSEES
Râle familial, statuts
Irène THERYet Marie-Josèphe DHAVERNAS *
L'objectif général de ce travail était de présenter une analyse exploratoire des comportements et des représentations de la figure beau-parentale, en les mettant en relation avec l'état actuel du droit, afin en particulier d'éclairer une question souvent évoquée, mais jamais encore étudiée, celle des "attentes de droit" des beaux-parents dans les familles recomposées.
Les enjeux et hypothèses de la recherche
Les enjeux sociaux et idéologiques
Ils paraissent assez évidents, si l'on songe à la tradition de méfiance et de stigmatisation à l'égard de ce "faux-parent" que serait le beau-parent. Les termes "parâtre" et "marâtre" ne sont-ils pas tombés en désuétude à cause des connotations péjoratives que ces mots, qui ne les contenaient pas à l'origine, ont peu à peu acquises ? La plupart des études soulignent la persistance des préjugés. Cependant, il nous semble qu'on peut faire l'hypothèse que la défiance actuelle à l'égard du beau- parent n'est pas seulement un héritage du passé. Ce que l'on redoutait autrefois, c'était
ce que nous avons appelé "les substituts menaçants du mort" (la marâtre étant supposée "naturellement" dépourvue d'instinct maternel).
Aujourd'hui, on peut se demander si ce n'est pas tout à fait autre chose qui est redouté : trop de pouvoir, trop d'aisance à "capter" l'enfant, de la part de celui qui partage son existence de tous les jours. C'est moins par défaut d'attachement, que par excès de pouvoir, que le beau-parent désormais inquiète. Dans la vie quotidienne de l'enfant, il occupe une place qui le promeut à un rôle de type parental au moment-même où le parent non-gardien en perçoit toute l'importance, puisque sa propre identité de parent peut être menacée. Les chiffres donnent raison à cette crainte. En effet, jamais la dilution des liens de l'enfant à l'un de ses parents n'a été aussi massive. Plus de la moitité des enfants de parents divorcés perd contact avec le parent non-gardien (le père dans la plupart des cas). La réticence à reconnaître le rôle beau- parental exprime paradoxalement l'inquiétude issue d'une expérience inattendue : celle de l'insoutenable légèreté de la filiation et spécialement de la filiation paternelle. Mais peut-on entériner sans plus y réfléchir l'idée d'une alternative et d'une rivalité indépassables entre parent et beau-parent, entre père non-gardien et beau-père ? N'y a-
* Chercheurs au Centre de recherche interdisciplinaire de Vaucresson (C.R.I. V.) avec la collaboration de Danielle Herlido, Gérard Rosset et Laurence Boudouard. (1) Le beau-parent dans les familles recomposées CNAF 1991. Quelques modifications de présentation sont de la rédaction.
RECHERCHES ET PREVISIONS n* 27
37