JOURNAUX DE SAINT-DOMINGUE

PAR

M. -A. MÉNIER et G. DEBIEN

L'histoire de la presse coloniale en est toujours à l'époque de la découverte.

On en est encore à ce premier étonngment qu'on éprouve devant le jaillissement d'une eau abondante jusque là inconnue. Car cette histoire est bien courte qui se place entre le traité de Paris et la fin de l'expédition Leclerc. C'est l'époque en France de la première presse provinciale née, comme celle de Saint-Domingue, au de la guerre de Sept ans, et endormie elle aussi aux premières années du xixe siècle. Mais la comparaison doit s'arrêter là : aux quatre ou cinq journaux que possédait, au plus, chaque province le long de ces trente-cinq années, fait face la cinquantaine des feuilles de Saint-Domingue. Aucun contraste n'est plus éclatant, et j'abandonne ces chiffres à leur propre éloquence.

L'on entrevoit la complexité de cette histoire. C'est la difficulté même de l'histoire de toute presse qui fut vivante, c'est-à-dire souple, mouvante, liée à la fortune de ses rédacteurs-imprimeurs et ici, de plus, soumise à la surveillance d'autorités encore mal habituées à diriger l'opinion. L'on y avance donc un peu à tâtons.

Jusqu'à ces toutes dernières années, c'était en aveugles. L'on n'avait pour se guider que la Bibliographie de la presse périodique de Hatin — de 1866 — fatalement incomplète quant au nombre des journaux et trop sommaire quant à leurs titres. Mais en 1919, dans la Petite Reçue hebdomadaire que publiait M. Doret, et pratiquement inaccessible, le R. P. Cabon, ancien supérieur du Petit Séminaire-Collège du Port-au-Prince, commençait une histoire de la presse en Haïti : Un Siècle et demi de journalisme en Haïti. C'était la première pierre d'une histoire méthodique des de Saint-Domingue. Cette étude s'arrêtait au milieu de la Révolution et nulle autre préoccupation n'y apparaissait que d'y