Elsevier

Bulletin du Cancer

Volume 100, Issues 7–8, July–August 2013, Pages 737-741
Bulletin du Cancer

Plateformes de biologie moléculaire en oncologie thoracique : quelles recherches, pour qui ?Regional molecular genetics centers in thoracic oncology: what and who should be tested?

https://doi.org/10.1684/bdc.2013.1774Get rights and content

Résumé

La stratégie thérapeutique du cancer bronchique s'oriente de plus en plus vers l'individualisation des traitements, notamment avec l'avènement de thérapies bioguidées. Afin de permettre l'accès de tous les malades à ces traitements, l'INCa a labellisé en 2006 un réseau de 28 plateformes de biologie réparties sur tout le territoire français. Le développement de ces plateformes a été rendu possible grâce à un financement public. L'INCa recommande à ce jour l'analyse de sept biomarqueurs pour tout patient atteint de cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde métastatique ou inéligible à un traitement local. Pour des raisons techniques et financières, il convient de respecter ce cadre. Néanmoins, idéalement, il faudrait pouvoir élargir la réalisation d'une cartographie moléculaire à tous les stades et tous les types histologiques afin, d'une part, d'améliorer nos connaissances en termes de biologie du cancer bronchique et, d'autre part, de permettre à tous les patients l'accès à une stratégie thérapeutique bioguidée.

Abstract

Management of NSCLC patients is more and more individualized especially on the base of bioguided treatments. In order to guarantee an access for all the patients too this type of strategy, the French NCI supports since 2006 a nationwide network of 28 regional genetics center. The financial support is based on public funds. The French NCI recommends today the assessment of seven biomarkers for all stage IV non squamous NSCLC patients. Due to financial and technical reasons, this recommendation must be followed. However, the molecular profiling of lung cancer patients would ideally be extended across all stages and all histological types of the disease in order to improve our knowledge in this field and provides the patient with an opportunity to access a bioguided treatment as frequently as possible.

Introduction

L'avènement des traitements bioguidés impose une nouvelle réflexion autour de l'organisation de la prise en charge des malades présentant un cancer bronchique (CB), notamment à ce jour, un CB non à petites cellules (CBNPC).

En effet, les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) de l'epidermal growth factor receptor (EGFR), géfitinib et erlotinib, ont une AMM dans la prise en charge des malades de stade IV avec une mutation tumorale activatrice de l'EGFR, et ce, dès la première ligne thérapeutique [1, 2]. Le crizotinib bénéficie lui aussi d'une AMM, à partir de la 2e ligne thérapeutique, depuis 2012, pour les malades de stade IV présentant une translocation tumorale EML4-ALK [3].

De plus, de nombreux programmes de recherche clinique, industriels principalement mais aussi académiques, reposent sur une stratégie bioguidée, à laquelle seuls les malades chez lesquels l'anomalie biologique ciblée est présente sont éligibles.

Il est donc important de bénéficier d'une organisation permettant la réalisation de ces analyses biologiques.

Section snippets

Quelles plateformes ?

Un réseau de 28 plateformes a été labellisé par l'INCa en 2006 en vue de la réalisation des analyses génétiques des cancers en France. Ces plateformes, toutes académiques, situées dans des CHU ou des CAC, reposent sur des laboratoires d'anatomie pathologique, des laboratoires de biochimie, des laboratoires de génétique moléculaire ou, parfois, une combinaison de ces structures.

Elles ont pour vocation de réaliser les tests moléculaires innovants pour l'ensemble des patients de la région, quel

Un financement public d'abord

Le financement de ces plateformes a d'abord reposé, en 2007 et 2008, sur des crédits non pérennes d'investissement de 4,7 M€ puis de développement, notamment afin de permettre un recrutement de personnels qualifiés, de 4,0 M€. À la fin de la montée en charge réalisée avec ce soutien, des financements MIGAC ont eu vocation à prendre le relais des financements incitatifs de l'INCa. Ainsi, 7,5 M€ ont été attribués pour la réalisation de ces différentes analyses en 2011 par la DGOS [5].

Un avenir pour le secteur libéral ?

À terme, ces examens ont vocation à être inscrits à la nomenclature : la CCAM pour les examens d'anatomie et cytologie pathologiques et la NABM pour les examens de biologie, pour l'ensemble des biomarqueurs validés [5]. Ils seront alors réalisables par l'ensemble des pathologistes et des biologistes quel que soit leur lieu d'exercice, à condition qu'ils respectent les conditions d'assurance qualité mises en place au sein des plateformes et il est donc probable, que des structures libérales de

Quelles analyses ?

Seules deux molécules ont aujourd'hui l'AMM (géfitinib et erlotinib) dans le contexte du traitement bioguidé, dès la première ligne, des cancers bronchiques de stade IV avec mutation tumorale activatrice de l'EGFR [1, 2, 6]. Une seconde molécule dispose aujourd'hui d'une AMM (crizotinib) pour la prise en charge, après échec d'une première ligne, des cancers bronchiques de stade IV avec translocation EML4-ALK [3]. Dans ce contexte, l'identification des malades dont la tumeur présente une de ces

La qualité au centre du process [8]

En apportant une information décisive dans le choix du traitement des patients, les tests déterminant l'accès à une thérapie ciblée ont un impact thérapeutique majeur. Il est donc indispensable de s'assurer de leur qualité afin d'éviter au maximum tout faux positif ou faux négatif qui pourrait limiter les chances du patient ou l'exposer à des effets secondaires inutiles. Des recommandations ont donc été publiées et des audits externes sont en cours. À terme, les plateformes devront être

Peut-on aujourd'hui engager une stratégie d'analyses séquentielles ?

Le caractère exclusif des mutations ou translocations entre elles poussent certains laboratoires à adopter une stratégie séquentielle, c'est-à-dire évaluant d'abord les anomalies biologiques les plus fréquentes (KRas) jusqu'aux plus rares (EML4-ALK), par exemple. Si le caractère exclusif est très probable à l'échelle cellulaire, plusieurs anomalies ne pouvant pas coexister dans une même cellule, il est incertain à l'échelle tissulaire, plusieurs anomalies pouvant coexister dans une même tumeur [

Participer à l'innovation et à la recherche ?

L'objectif premier de la mise en place du réseau de plateforme de biologie des cancers est clairement d'abord sanitaire. Néanmoins, les liens de ces plateformes avec les laboratoires de recherche et les besoins émergents liés au progrès de nos connaissances dans la biologie des cancers justifient, avec le soutien de budgets spécifiques, l'implication des plateformes dans l'accès à l'innovation et à la recherche. Brièvement, de nouveaux biomarqueurs, ouvrant potentiellement la voie à des

Quels malades ?

Dans le contexte économique décrit ci-dessus, et afin de ne pas compromettre les ressources nécessaires aux analyses ayant un impact thérapeutique direct pour les malades à ce jour, il est important de rappeler que les demandes d'analyses biologiques, dans le domaine de l'oncologie thoracique, doivent être limitées aux CBNPC non épidermoïdes de stade IV (ou inéligibles à un traitement chirurgical ou de radiothérapie).

Pas de sélection clinique !

En effet, restreindre les analyses biologiques aux malades présélectionnés cliniquement est un non-sens si l'objectif est d'individualiser les stratégies thérapeutiques sur la base de traitements bioguidés. Cela est d'ailleurs parfaitement démontré pour les mutations activatrices de l'EGFR où une sélection clinique sur la base de l'absence de tabagisme conduirait à manquer 40 % des mutations [14].

Néanmoins, dans l'idéal, tous les malades devraient pouvoir bénéficier d'une cartographie

Une cartographie moléculaire à chaque étape de la maladie ?

À l'image de la théorie darwinienne de l'évolution des espèces, la maladie cancéreuse évoluerait avec une acquisition séquentielle d'anomalie biologique expliquant les procès d'évolution métastatique et/ou de résistance thérapeutique [19]. Dans ce contexte, la répétition des analyses de biologie moléculaire à chaque étape de la maladie est scientifiquement justifiée [20, 21], même si elle est aujourd'hui parfois difficile à mettre en œuvre sur un plan technique (difficultés d'accès aux

Conclusions

La France est dotée d'un outil sans pareil afin de permettre la réalisation des analyses de biologie moléculaire susceptibles de conduire à une individualisation de la stratégie thérapeutique chez les malades présentant un CBNPC de type non épidermoïde de stade avancé. Néanmoins, le challenge ouvert par ce premier pas reste entier afin de généraliser ce type de prise en charge à d'autres types histologiques (CBNPC de type épidermoïde notamment), d'autres stades de la maladie éventuellement

Conflits d'intérêts

aucun.

References (21)

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