Elsevier

Bulletin du Cancer

Volume 98, Issue 2, February 2011, Pages 184-198
Bulletin du Cancer

Impact cognitif, émotionnel et comportemental d’un résultat BRCA1/2 incertain : revue de la littératureCognitive, emotional and behavioral impact of an uncertain outcome after study of BRCA1/2: review of the literature

https://doi.org/10.1684/bdc.2011.1309Get rights and content

Résumé

Contexte

Les avancées récentes de l’oncogénétique ont permis le développement de tests de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire. Lorsqu’aucune mutation délétère n’a pu être identifiée sur les gènes BRCA1 ou 2, le cas index (première personne testée dans une famille à risque génétique) se voit remettre un résultat incertain : négatif non contributif ou détection d’un variant génétique de signification clinique inconnue. De la mise en évidence de ce type de résultat a découlé l’étude de leur impact psychologique chez les femmes concernées.

Objectif

L’objet de cet article est de synthétiser les résultats des études portant sur l’impact de la remise d’un résultat génétique BRCA1/2 incertain sur les réactions émotionnelles (détresse générale ou spécifique au cancer), cognitives (perception du risque) et comportementales (décisions de prise en charge médicale) des consultantes. Il s’agit également de déterminer les facteurs notamment liés à l’histoire médicale personnelle ou familiale pouvant modifier cet impact.

Méthodologie

Une revue de littérature a été menée à partir d’une recherche par mots-clés sur les bases de données PubMed et PsycINFO (breast*, BRCA*, genetic*, familial, mutation, heredit*) croisés avec des termes liés à l’impact psychologique et au statut de mutation. Les articles retenus sont des études quantitatives centrées sur l’impact psychologique du résultat incertain de test génétique, comparé à l’impact consécutif au résultat positif ou négatif du test ciblé, ou encore au refus du test.

Résultats

Les résultats des huit articles sélectionnés suggèrent de manière générale une moindre détresse émotionnelle et une perception du risque, de prédisposition ou de développer un cancer, moins élevée face au résultat génétique incertain par rapport au résultat positif. Les intentions de surveillance mammaire restent optimales, indiquant l’absence de « fausse réassurance », tandis que la demande de chirurgie prophylactique apparaît comme moins fréquente. Néanmoins, des facteurs de risque de réactions psychologiques inadaptées peuvent être mis en évidence tels qu’une détresse clinique préexistant au test, une histoire personnelle de cancer ou de nombreux antécédents familiaux de cancer.

Conclusion

Les données actuelles semblent indiquer des réactions psychologiques adaptées à la signification clinique du résultat incertain de test génétique. Ces conclusions restent préliminaires compte tenu du nombre restreint d’études réalisées et de leur limitation à des populations aux caractéristiques socioculturelles spécifiques.

Abstract

Background

Recent advances in oncogenetics have enabled the development of tests for predisposition to breast and ovarian cancers. Where no mutation has been identified in the BRCA1 or 2 genes, the proband (first person tested in a family with a genetic risk) can receive an uncertain outcome: negative inconclusive or identification of a variant of unknown clinical significance. From the demonstration of such outcomes, their psychological impact has been studied among women concerned.

Objective

The purpose of this article is to summarize the results of studies about the impact of delivering an uncertain BRCA1/2 genetic result on emotional (general or cancer specific distress), cognitive (perception of risk) and behavioral (decisions of medical care) reactions of consultants. It is also to identify factors particularly associated with personal or familial medical history that may alter this impact.

Methodology

A literature review was conducted from a key word search on the databases PsycINFO and PubMed (breast*, BRCA*, genetic*, familial, mutation, heredit*) crossed with terms related to the psychological impact and mutation status. Included papers are quantitative studies focused on the psychological impact of the uncertain genetic test result, compared to the impact resulting from positive or true negative result, or from test refusal.

Results

The results of the eight selected articles generally suggest a less emotional distress and a lower perceived risk of predisposition or to develop cancer facing uncertain genetic result compared to positive result. Intentions of breast cancer surveillance are optimal, indicating the absence of “false reassurance”, while demand for prophylactic surgery appears to be less frequent. Nevertheless risk factors of inappropriate psychological reactions may be highlighted as pretest clinical distress, a personal cancer history or multiple family history of cancer.

Conclusion

Current data suggest psychological reactions adapted to the clinical significance of uncertain genetic test results. These findings are preliminary given the small number of studies and their restriction to populations with similar sociocultural characteristics.

Introduction

La recherche en oncogénétique des deux dernières décennies a permis d’identifier des mutations génétiques constitutionnelles délétères prédisposant à certains types de cancer. Dans le contexte de survenue des cancers du sein et de l’ovaire, deux gènes de prédisposition ont été identifiés, les gènes BRCA1 et BRCA2 (abréviation pour BReast CAncer), respectivement localisés sur les chromosomes 17 [1] et 13 [2]. Chaque individu est porteur de ces deux gènes. Dans leur version non mutée, ils ont un rôle majeur dans la réparation de certaines altérations de l’ADN et, parlà, un effet antitumoral. En revanche, lorsqu’ils sont mutés, ces gènes sont responsables d’une augmentation majeure du risque tumoral chez la femme.

Selon les résultats d’une méta-analyse récente, la présence d’une mutation délétère du gène BRCA1 confère un risque cumulé à 70 ans de 55 % (50 à 59 %) de développer un cancer du sein et de 39 % (34 à 45 %) de développer un cancer de l’ovaire. En cas de mutation du gène BRCA2, le risque de cancer du sein est de 47 % (42 à 51 %), le risque de cancer de l’ovaire est de 17 % (13 à 21 %) [3]. Rappelons que les mutations BRCA1/2 expliquent moins de 5 % de tous les cas de cancer du sein et moins de 10 % des cancers de l’ovaire [4]. On estime qu’environ une personne sur 500 dans la population générale est porteuse d’une mutation de l’un de ces deux gènes ; mutation qui se transmet selon un mode autosomique dominant, pouvant donner lieu à l’émergence d’une culpabilité liée à la transmission : une mère ou un père porteur a un risque de 50 % de la transmettre à chacun de ses enfants. L’identification de ces altérations génétiques a mené au développement de tests génétiques, permettant d’identifier des familles dans lesquelles se transmettent des mutations des gènes BRCA1 ou BRCA2 et ainsi de dissocier les individus porteurs, à risque significativement plus élevé de cancer du sein et de l’ovaire, des individus non porteurs du facteur de prédisposition génétique. C’est dans ce contexte que des consultations d’oncogénétique ont vu le jour dans un certain nombre de centres de cancérologie. La rencontre avec l’équipe d’oncogénétique est l’occasion de préciser l’indication à la réalisation d’un test, d’en considérer les enjeux et les conséquences. Cette consultation permet d’informer les consultantes sur leur risque individuel et celui de leurs proches ; d’aborder les différentes options existantes en termes de dépistage ou de prévention ; et de les informer de leur rôle de « messager » auprès des autres membres de la famille, dans la transmission de l’information relative à la démarche génétique [5]. Bien qu’il s’agisse d’une démarche initiée à la demande du proposant, première personne de la famille qui se rend à la consultation d’oncogénétique, les informations apportées seront de nature personnelle aussi bien que familiale, puisqu’elles concernent aussi les apparentés de la consultante (descendants, collatéraux, ascendants).

L’analyse génétique est réalisée en premier lieu chez la personne de la famille qui a la plus forte probabilité d’être porteuse du facteur de prédisposition génétique, dénommée « cas index ». Après avoir établi l’arbre généalogique et recensé les différents cas de cancer dans la famille, l’oncogénéticien détermine le cas index, chez qui l’exploration génétique doit être initiée. Une première étude des gènes BRCA1 et BRCA2 requiert plusieurs mois, sous-tendue par l’analyse de l’ensemble des deux gènes. Le délai d’obtention des résultats d’une « étude cas index » est lié à la grande diversité des mutations réparties sur deux gènes de grande taille, qui rend nécessaire leur analyse in extenso. Elle est également liée à l’importance de la liste d’attente, variable cependant d’un laboratoire à l’autre. Ainsi, les résultats sont obtenus dans un délai de trois à neuf mois selon les laboratoires.

Trois types de résultats peuvent être remis. Un résultat positif, retrouvé dans plus de 10 % des cas testés, signe l’identification d’une mutation sur l’un des gènes BRCA1 ou BRCA2, qualifiée de causale ou délétère ; et permet alors de proposer un test ciblé aux apparentés sur cette mutation particulière. Mais deux autres situations sont possibles, qui correspondent à la notion de résultat incertain. Il peut s’agir, en outre, d’un résultat positif incertain, c’est-à-dire de l’identification d’une variation génétique – ou « variant de signification inconnue » – dont on ne connaît pas les effets au niveau de la fonction protéique et par-là du risque de développer un cancer. Un UV est identifié dans environ 10 % des cas1. Il peut enfin s’agir d’un résultat négatif incertain, dans ce cas dénommé « non informatif » ou « non contributif », parce qu’aucune anomalie ou variation du gène BRCA1 ou BRCA2 n’a été identifiée. Le résultat négatif non contributif représente près de 80 % des résultats de test BRCA1/2 et ne permet pas d’exclure l’hypothèse d’une prédisposition génétique dans la famille, en particulier dans les formes familiales réunissant un grand nombre de cas de cancer du sein et/ou de l’ovaire. Il peut notamment s’agir d’une mutation sur un gène encore inconnu ou non testé, ou encore d’une mutation BRCA1/2 restée non détectée [6], les méthodes actuelles d’analyse génétique ne permettant pas de détecter l’ensemble des mutations.

Dans le cas où la première analyse génétique effectuée dans la famille a permis d’identifier une mutation, il est ensuite possible de proposer aux apparentés du sujet testé de réaliser un test ciblé sur cette anomalie. Les résultats de ce test sont obtenus beaucoup plus rapidement (en quelques semaines) et peuvent prendre deux formes. Un résultat négatif du test ciblé indique clairement l’absence du facteur de prédisposition précédemment identifié dans la famille et permet de rassurer l’apparentée, dont le niveau de risque de cancer du sein revient à celui de la population générale, de l’ordre de 12 % sur la vie. À l’inverse, un résultat positif indique la présence de la mutation familiale et fait alors considérer la personne testée comme à très haut risque de cancer du sein et de l’ovaire [4].

Les individus qui reçoivent un résultat de test génétique positif (le cas index ou les apparentés testés), sont invités à s’engager dans un programme de surveillance clinique et de dépistage des cancers du sein et de l’ovaire, adapté à leur niveau élevé de risque2. Il peut en être de même dans de nombreux cas variants ou négatifs « non contributifs » (chez le cas index), lorsque l’histoire familiale est très évocatrice d’une prédisposition génétique. Ce programme consiste en la réalisation d’examens à intervalles réguliers, tels que la palpation mammaire, la mammographie, l’échographie auxquels s’ajoute l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Pour les femmes porteuses d’une mutation et/ou les femmes ayant une espérance de vie élevée et un risque important d’être atteinte d’un cancer malgré un résultat négatif « non contributifs » ou variant (supérieur à 20 % pour le cancer du sein et à 2 à 3 % pour le cancer de l’ovaire), l’option de la mammectomie et/ou de l’annexectomie prophylactique (ovaires et trompes) pourra être présentée, voire recommandée pour l’annexectomie (généralement à partir de 40 ans) [7]. Dans le cas d’un résultat incertain, les recommandations de chirurgie prophylactique seront principalement fonction de l’histoire personnelle et familiale de cancer. De plus, on observe, face à la préconisation du recours à ces gestes préventifs, une diversité dans les attitudes adoptées par les oncogénéticiens confrontés à la difficulté de l’estimation des risques tumoraux. Le type de résultat génétique reçu apparaît néanmoins décisif en termes de prise en charge médicale adoptée.

La mise à disposition de ces tests génétiques a suscité de nombreuses interrogations quant aux enjeux psychologiques susceptibles d’émerger. Un foisonnement de recherches empiriques jalonne l’évolution des découvertes médicales dans ce domaine. Cependant, leurs conclusions se cantonnent souvent à un cadre de recherche et ne peuvent donc être appliquées directement à la pratique clinique [8].

Or le fait d’appartenir à une famille dont l’histoire est marquée par le cancer, ou encore d’avoir à demander ou à fournir des informations de nature génétique à ses apparentés, peut avoir des conséquences psychologiques, tant en termes de compréhension des informations fournies que sur le versant du retentissement émotionnel. Ce d’autant que la démarche de sollicitation d’un test en oncogénétique apparaît comme principalement liée à des facteurs psychologiques, tels que la peur du cancer [9].

Intéressons-nous d’abord à l’impact émotionnel de la démarche. Celui-ci peut représenter un facteur déterminant de la modalité de prise de décision, que ce soit dans le cadre de la demande d’une consultation d’oncogénétique ou d’un test génétique, le choix d’une surveillance médicale ou celui d’une chirurgie prophylactique. Un certain nombre d’outils d’évaluation sont aujourd’hui à notre disposition pour mesurer l’impact du recours au conseil génétique [10]. La détresse émotionnelle est appréhendée à travers ses manifestations, d’intensité variable, liées de manière spécifique ou non au cancer. À cet effet, nous disposons d’outils standardisés généraux portant sur l’observation d’éléments psychopathologiques (Symptom Checklist-90 Revised [SCL-90] ; Derogatis, 1983) [42], de réactions de stress (Impact of Event Scale [IES] ; Horowitz, 1979) [43], de symptômes anxieux (State Trait Anxiety Inventory [STAI] ; Spielberger, 1979) [44], ou anxiodépressifs spécifiques au contexte somatique (Hospital Anxiety and Depression Scale [HADS] ; Zigmond et Snaith, 1983)[45]. De plus, certains outils d’évaluation de la détresse spécifique au cancer (Distress Thermometer [DT] National Comprehensive Cancer Network [NCCN] ; Holland, 1999) [46] ou des préoccupations relatives au cancer (Cancer Worry Scale ; Lerman et Schwartz, 1993) [47], permettent une investigation plus précise de la population étudiée. Les outils standardisés possèdent des scores seuils permettant de déterminer un état de détresse clinique significative ou limite. Selon ces outils et en fonction des scores seuils établis, des taux de prévalence de détresse psychologiques allant de 27 [11] à 43 % [12] ont été mis en évidence dans la population des femmes à risque.

Diverses hypothèses cliniques peuvent être mises en avant pour comprendre ce taux élevé de détresse. Les individus qui recourent à une consultation d’oncogénétique sont souvent marqués par une histoire familiale comportant de nombreux cas de cancer et/ou de décès par cancer, susceptibles de produire des réactions de deuils non résolus, voire d’évoluer vers des troubles post-traumatiques. Ces éléments psychopathologiques pourraient contribuer à expliquer l’intensité des réactions émotionnelles observées [13].

Si l’on se penche à présent sur l’impact cognitif, on constate que l’histoire familiale influence la manière dont l’individu perçoit son risque de développer un cancer ou d’être porteur d’une prédisposition génétique. Il s’avère qu’une majorité de femmes surestiment leur risque de développer un cancer, en comparaison avec l’estimation faite par les professionnels, et que cette perception est difficilement modifiable par le conseil génétique [13., 14., 15.]. Or, cette perception du risque constitue un facteur primordial de la démarche génétique puisqu’elle exprime le degré de vulnérabilité perçue. La notion de risque se réfère, d’une part, au risque objectif établi par l’expert en génétique ; d’autre part, au risque subjectif estimé par l’individu concerné. Le risque objectif est évalué soit de manière empirique à partir de l’arbre généalogique et des antécédents de cancer, soit calculé à partir de modèles mathématiques dérivés d’études épidémiologiques qui en proposent une estimation chiffrée (Gail, BRCAPRO, IBIS ou BOADICEA, par exemple) [16]. Le risque subjectif est estimé, voire chiffré par la consultante en amont ou au décours du conseil génétique, et semble intrinsèquement lié à la perception qu’il a de sa vulnérabilité [17]. La perception du risque peut être mesurée de manière absolue ou comparative, sous forme verbale ou numérique, en termes de pourcentages ou de ratios [14]. La communication des risques génétiques constitue un processus complexe basé sur des informations probabilistes et sur la notion d’incertitude quant au risque réel de développer un cancer et aux moyens à mettre en œuvre pour s’en prémunir. Cette complexité est difficile à gérer, pour la consultante comme pour les professionnels de santé [18]. De plus, la détresse émotionnelle est susceptible de conditionner la manière dont la consultante intègre les informations au niveau cognitif, en venant compliquer à la fois sa compréhension des informations et le processus de prise de décision [15].

D’une manière générale, la communication d’un résultat de test positif ne semble pas engendrer de réaction psychopathologique majeure. Néanmoins, ce résultat s’associe à une détresse psychologique supérieure en cas d’identification d’une mutation lorsque le sujet est confronté à une expérience personnelle récente de cancer, comparée à ceux dont l’expérience du cancer est plus lointaine [9]. L’évolution du niveau de détresse à long terme est moins bien établie [8]. Une étude récente conclue à une augmentation de l’anxiété et de la dépression au cours des cinq ans qui suivent la remise du résultat ; mais ce résultat doit probablement être mis en lien avec l’expérience du recours à une chirurgie prophylactique durant cette période [19].

Une analyse de la littérature menée par van Oostrom et al. [20] a identifié des profils de personnes vulnérables pour lesquelles un accompagnement psychologique devait être conseillé. Leurs caractéristiques sont les suivantes :

  • présence d’un niveau de détresse prétest élevé ;

  • présence d’un deuil compliqué ;

  • nombre élevé de proches du premier degré touchés par un cancer ;

  • forte connotation émotionnelle des représentations de la maladie, attitude de coping (ressources mises en œuvre pour faire face à un événement stressant ;

  • modalités de « faire face ») passif ou évitant (recherche de distractions) ;

  • âge inférieur à 13 ans au moment du diagnostic de cancer chez un parent ;

  • mode de communication intrafamiliale moins ouvert au sujet du cancer ;

  • relation moins différenciée à la mère ;

  • moindre soutien du conjoint.

Le choix de recourir à une chirurgie prophylactique varie significativement en fonction du système de soins de santé offert, mais aussi selon l’existence d’un antécédent de cancer du sein, la notion d’un âge plus jeune au diagnostic de cancer et la présence d’une détresse spécifique au cancer plus élevée avant le test [8]. De plus, cette option doit résulter d’un choix éclairé, dans la mesure où il a été montré qu’elle pouvait, au-delà du bénéfice lié à la diminution du risque de cancer et de la peur de développer un cancer, avoir une influence négative sur l’image du corps et la sexualité [20]. Peu d’informations portent sur l’impact émotionnel du test génétique et les prises de décision médicale, suite à un diagnostic récent de cancer. Il semble néanmoins que cet impact soit amplifié chez les femmes qui ont une histoire personnelle de cancer [9], même si la proposition de consultation oncogénétique, faite autour du diagnostic de cancer du sein, n’aggrave pas en elle-même le retentissement psychologique lié au diagnostic [21].

Historiquement, la recherche portant sur le retentissement psychologique du test BRCA1/2 s’est d’abord intéressée aux femmes qui s’avéraient porteuses de la mutation, puis plus particulièrement aux femmes touchées par un cancer. C’est de façon plus récente que l’attention s’est portée sur l’impact du résultat de test incertain, négatif non informatif ou l’identification d’un variant. Les premières données empiriques ne révèlent pas d’aggravation du niveau de détresse suite à la communication d’un résultat non informatif [22, 23]. En revanche, un certain nombre d’études qualitatives suggèrent que ce résultat incertain peut conduire à la persistance d’une incertitude quant au risque de cancer, entraîner une forme de détresse émotionnelle, des difficultés à expliquer ce résultat aux apparentés ou l’émergence d’une confusion pour ce qui est des décisions de prise en charge visant à réduire son risque [23., 24., 25.].

L’objectif du présent article est de synthétiser les résultats de la recherche actuelle portant sur l’impact psychologique d’un résultat de test BRCA1/2 incertain (négatif non contributif ou variant de signification inconnue) par comparaison aux réactions manifestées à la remise de résultats positifs ou de tests ciblés négatifs, dans les domaines suivants :

  • émotionnel (détresse, préoccupations relatives au cancer, qualité de vie, sentiment de réassurance) ;

  • cognitif et représentationnel (perception du risque) ;

  • comportemental (choix de prise en charge tels que la surveillance médicale ou la chirurgie prophylactique).

Au travers de cette revue de littérature, nous souhaitons également identifier les principaux déterminants de l’impact psychologique de cette information génétique dans le contexte de la remise d’un résultat incertain de test BRCA1/2. Nos hypothèses sont les suivantes :

  • la perception et les réactions émotionnelles ou comportementales des femmes recevant un résultat négatif non informatif sont proches de celles des femmes recevant un résultat négatif du test ciblé compte tenu de l’absence de la mutation familiale identifiée ;

  • au contraire, les réactions à la remise de résultats variant de signification clinique inconnue sont similaires à celles liées à l’identification d’une mutation délétère ;

  • l’histoire personnelle ou familiale joue un rôle majeur sur les modalités de réaction au résultat du test BRCA1/2.

Section snippets

Sélection des études

Une recherche systématique a été menée dans les bases de données électroniques PubMed et PsycINFO, pour des études publiées depuis 1999. Les associations de mots-clés utilisés dans ces bases pour identifier les études comprenaient : « breast* OR BRCA* » AND « genetic* OR familial OR mutation* OR heredit* » correspondant à une base de données initiale de 11 214 références, croisée avec différents termes liés à l’impact psychologique (« psycho* » = 281, « emot* » = 108, « distress » = 150, «

Résultats

Le tableau 1 présente les principales caractéristiques des études retenues, ainsi que leurs résultats.

Discussion

L’analyse des huit études sélectionnées dans l’objectif d’évaluer le retentissement psychologique du résultat de test génétique BRCA1/2 incertain par rapport aux résultats positifs ou négatifs du test ciblé, amène à dégager les observations générales suivantes.

Une diminution des niveaux de détresse et de préoccupations relatives au cancer peut être constatée chez les femmes ayant reçu un résultat incertain, comparées à celles qui ont reçu un résultat positif. Une amélioration de la qualité de

Conclusion

Si les réactions des consultantes face à un résultat positif ou négatif du test ciblé sont bien renseignées dans la littérature actuelle, on ne peut en dire autant du résultat incertain, encore peu étudié alors même qu’il représente la grande majorité des rendus de résultats [31]. Cette revue de huit études sélectionnées dans l’objectif de dégager les réactions psychologiques spécifiques issues de la remise d’un résultat de test génétique BRCA1/2 incertain, par comparaison au résultat positif

Conflits d’intérêts

aucun.

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