In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Les Vagues tumultueuses de l’amour by Careen Pilo
  • Alisa Belanger
Pilo, Careen. Les Vagues tumultueuses de l’amour. Série Lettres camerounaises. Paris: L’Harmattan, 2015. isbn 9782343068763. 68 p.

Après avoir fait paraître deux romans, Sous le charme d’une prostituée (2009) et Quand l’espoir se réveille… (2013), Careen Pilo signe un recueil de vingt-trois poèmes en vers libres, publié et sur papier et sous forme numérique. Ce dernier format convient parfaitement à son propos puisqu’il s’agit d’exposer, à travers l’échange de messages électroniques (e-mail, sms, etc.), l’aventure à distance d’un homme marié et de sa maîtresse. Ainsi, cette troisième publication reprend les thèmes qui constituent déjà l’axe central de l’œuvre de Pilo—à savoir l’exploitation sexuelle de la femme, les dangers de l’amour illicite et la violence des rapports de force au sein du couple—tout en renouvelant ces thèmes par une réflexion sur la place qu’occupent les nouvelles technologies dans les relations amoureuses contemporaines.

Tout d’abord, il faut signaler que le style de cette poésie est simple, direct, voire cru. Certains passages, traversés par une grivoiserie qui se veut sensuelle, pourraient en effet “heurter les sensibilités,” comme en est averti le lecteur dans la “Note introductive” rédigée par Alain Désiré Taino Kari (13). Néanmoins, celui-ci souligne à juste titre le côté moralisateur du recueil qui finit par un avertissement contre l’adultère et le malheur auxquels succombent “les Hommes de chair à l’instinct parfois animal” (14).

Tandis que les premiers recueils de jeunes poètes couchent souvent de beaux mots sur papier sans que leur but soit évident, cette série de poèmes raconte sans détour la vertigineuse chute de l’homme infidèle. Surgissant en filigrane dans le dialogue entre internautes, ainsi que dans leur monologue intérieur, l’histoire est, tout compte fait, assez classique: l’homme passe des nuits blanches à rêver de revoir sa maîtresse, il se délecte de leurs secrets, il trouve un prétexte pour s’éloigner de son foyer afin de la retrouver et la séduire, son épouse découvre leurs textos, elle le quitte, il repousse sa maîtresse, celle-ci découvre qu’elle est enceinte et, sans qu’il apprenne la nouvelle, il disparaît au fond de sa baignoire. On pourrait aller jusqu’à parler de la vulgarisation de l’épître, ou bien de l’émergence d’une nouvelle forme de poésie au croisement du conte didactique et de l’écriture épistolaire, car l’auteure n’hésite pas à mettre son écriture au service de la morale sociale.

Ce récit poétique faisant rimer “chagrin” avec “nuisette en satin” privilégie une langue proche du parler quotidien où l’accent est mis sur la clarté du message plutôt que sur le mot recherché ou la virtuosité linguistique (51). On comprend que la galanterie du soupirant atteindra vite ses limites dès lors qu’il affirme, dans le poème initial, “Mes doigts tachent l’écran / De ce que mon âme décide d’extérioriser” (17). C’est une poésie prosaïque, s’il en est, dont il use pour exprimer son zèle: “Je n’ai même pas eu le temps / De défaire les lacets des tennis que je porte. / Une seule chose à faire: te retrouver” (24), explique-t-il à sa maîtresse, Darling, après une période d’absence. Dans un contexte où la peau de la bien-aimée est comparée [End Page 215] au clavier de l’ordinateur et la boîte e-mails à une source d’eau, où “la connexion va et vient / Comme dans un ballet amoureux” (27), il est finalement difficile de faire résonner l’écho de sentiments sincères. Certaines métaphores ne sont d’ailleurs pas dénuées d’humour. Par exemple, confronté à l’accusation de fréquenter une ngaïkadienne, l’amant se défend: “Que ferait-elle pendant que je suis en copulation courriel / Avec...

pdf