Redécouverte entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, la peinture en France au XVe siècle a fait l’objet de plusieurs expositions qui l'ont abordée d’abord dans un contexte nationaliste. Depuis la Seconde Guerre mondiale, son étude bénéficie d’un décloisonnement technique et géographique, mettant en évidence la complexité du processus artistique, la polyvalence des peintres et l’importance des relations de collaboration entre métiers. Ce changement de perspective a permis la résurrection progressive de plusieurs peintres de premier plan et a facilité l’étude des échanges entre divers foyers artistiques. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre recherche. Articulée sur le programme Peindre en France à la Renaissance et sur le projet Réseaux économiques et foyers artistiques au XVe siècle (soutenu par le Fonds national suisse), elle se propose d’étudier l’enluminure produite dans la partie méridionale du duché de Bourgogne entre 1435 et 1477, à travers le parcours d’enlumineurs peu étudiés, ou complètement méconnus. La peinture de chevalet en Bourgogne méridionale profite de plusieurs ouvrages de valeur. L’enluminure demeure toutefois le parent pauvre de l’historiographie. Il n’existe de nos jours aucun travail consacré uniquement à l’étude des manuscrits de la Bourgogne méridionale, bien que les recherches des dernières décennies aient démontré que la compréhension de la peinture de chevalet passe par l’enluminure. En étudiant quarante manuscrits à l’usage des diocèses bourguignons, nous avons réussi à dégager des points de repères nous permettant de dessiner les contours de la production enluminée de la Bourgogne méridionale : pour Chalon-sur-Saône, une activité est notée à partir de 1430 avec le Maître des Heures chalonnaises. Son corpus porte des liens avec l’art des frères Limbourg et des motifs iconographiques qui apparaîtront plus tard dans l’œuvre d’Antoine de Lonhy. L’étude des marges permet d’ajouter à son corpus un Bréviaire à l’usage de Chalon-sur-Saône. Cette forme de décor marginal va perdurer chez le Maître de Jean Germain, dont l’œuvre constitue un deuxième point de repère au sein de la ville. Avec les efforts récents de Frédéric Elsig qui reconstruit les débuts d’Antoine de Lonhy, il est désormais possible de parler d’une production enluminée chalonnaise, motivée par le mécénat de Jean Germain et déclenchée par le Maître des Heures chalonnaises. Après Chalon-sur-Saône, nous avons remis en question le parcours du Maître du Missel de Troyes. En étudiant une vingtaine de manuscrits de sa main, nous sommes parvenus à tracer le début de son activité autour de 1440 grâce à un Livre d’heures à l’usage de Paris, puis, de discuter des liens qu'il entretient avec les villes bourguignonnes. Nous décelons dans son entourage plusieurs collaborateurs dont Guillaume Hugueniot et celui qu’on a baptisé de Maître des pontificaux de Neufchâtel, dont l’ancrage bourguignon est démontrable grâce à la réunion d’un corpus de six manuscrits. La ville de Mâcon est le théâtre d’une activité artistique complètement méconnue, celle du Maître des bréviaires mâconnais. Le corpus de cet enlumineur englobe quatre manuscrits et son langage porte des compostions inédites qui se standardisent quelques années plus tard dans l’œuvre des Maîtres des prélats bourguignons. Le début de la découverte de cet enlumineur invite à interroger le rôle que joue la ville de Mâcon dans la circulation du talent bourguignon.