Mise au pointEssais de non-infériorité et d’équivalence : les points clés de leur méthodologieNon-inferiority and equivalence trials: Key methodological issues
Section snippets
Abréviations
- α
risque de première espèce, c.-à-d. risque de conclure à une différence au vu des données de l’échantillon alors qu’elle n’existe pas dans la population
- β
risque de deuxième espèce, c.-à-d. risque de conclure à l’absence de différence au vu des données de l’échantillon alors que la différence existe dans la population
- 1-β
puissance
- Δ
plus petite différence cliniquement pertinente définie a priori dans le cas d’un essai de supériorité (Δs) ; plus grande perte d’efficacité tolérée pour conclure à la
Principe général
Un essai de non-infériorité cherche à démontrer que l’efficacité d’un nouveau traitement A n’est pas inférieure à celle du traitement de référence B, en d’autres termes que A « ne fait pas moins bien » que B. Une telle démonstration nécessite de définir a priori la perte d’efficacité maximale autorisée pour conclure à la non-infériorité de A par rapport à B. En contrepartie de la perte d’efficacité consentie, on attend de A qu’il apporte un bénéfice par ailleurs : une meilleure sécurité
Hypothèses et règles de décision
Les hypothèses posées dans les essais de supériorité, de non-infériorité et d’équivalence sont schématisées sur les Fig. 1, Fig. 2, Fig. 3. Dans un essai de supériorité, on définit a priori une différence Δ correspondant à la plus petite différence d’effet que l’on juge intéressante entre le traitement étudié et le placebo (ou traitement de référence). Ce Δ permet de calculer le nombre de sujets nécessaire pour être en capacité de montrer cette différence si elle existe mais il n’intervient pas
Choix du comparateur
Dans un essai de non-infériorité ou d’équivalence, il convient de s’assurer que le comparateur est bien le traitement présentant la meilleure efficacité dans l’indication considérée et qu’il est utilisé de façon optimale, à la bonne posologie notamment [20].
L’utilisation comme traitement comparateur d’un médicament ayant lui-même été mis sur le marché sur la base d’un essai de non-infériorité peut être problématique. Imaginons qu’un traitement A ait fait la preuve de son efficacité versus
Choix de la marge de non-infériorité ou d’équivalence
La marge de non-infériorité ou d’équivalence Δ représente la plus grande différence d’efficacité que l’on tolère entre les deux traitements. Il s’agit d’un point critique de la méthodologie des essais de non-infériorité ou d’équivalence. Un Δ réduit permet une approche conservatrice par rapport au traitement de référence mais la non-infériorité ou l’équivalence est plus coûteuse (en nombre de sujets) à démontrer. À l’inverse, un Δ plus large facilite la mise en évidence de la non-infériorité ou
Nombre de sujets nécessaire
Comme dans les essais de supériorité, le calcul du nombre de sujets nécessaire repose sur le choix des risques de première et deuxième espèce (α et β), le Δ fixé a priori, une estimation de la variance de la réponse sur la base des études antérieures (σ2), l’éventuelle différence d’efficacité attendue entre les deux traitements (δ) et le caractère unilatéral ou bilatéral de l’hypothèse à tester [25], [29].
Pour un essai avec deux bras parallèles de taille identique, le nombre de sujets par
Stratégie d’analyse
L’analyse en intention de traiter (ITT) porte sur tous les patients randomisés, qu’ils aient ou non reçu le traitement selon les modalités prévues dans le protocole. C’est l’approche recommandée dans les essais de supériorité car elle est conservatrice. En effet, les abandons en cours d’essai et les cas d’inobservance sont souvent liés à des problèmes d’effets indésirables ou de manque d’efficacité. Leur prise en compte dans l’analyse permet d’approcher au mieux l’efficacité du traitement en
Le poids des écarts au protocole
Dans un essai de supériorité, les écarts au protocole (arrêts ou échanges de traitements, perdus de vue…) tendent à minimiser l’écart entre le traitement étudié et le comparateur (placebo ou traitement de référence). Il y a donc une incitation forte à suivre de près la qualité de la mise en œuvre du protocole pour le promoteur et l’investigateur. Dans un essai de non-infériorité, les écarts au protocole vont également réduire la probabilité de mettre en évidence une différence entre les deux
Passage de la non-infériorité à la supériorité et inversement
Il est possible qu’en plus d’être non-inférieur, le nouveau traitement A fasse mieux que le traitement de référence B (cas no 1 sur la Fig. 2). On peut alors se demander si finalement A n’est pas supérieur à B. Les essais de non-infériorité nécessitent en général un plus grand nombre de sujets que les essais de supériorité (parce que le Δ de non-infériorité est plus petit que le Δ de supériorité). La question de la puissance est donc rarement limitante pour passer de la non-infériorité à la
Polémiques, dérives et extension
En 2007, Garattini et Bertele [5] cristallisent les inquiétudes quant aux essais de non-infériorité dans une tribune du Lancet. Les auteurs dénoncent l’utilisation des essais de non-infériorité pour commercialiser de nouvelles molécules sans réel intérêt par rapport aux traitements existants (médicaments qualifiés de « me-too »). Les auteurs rappellent que le laxisme sur les marges de non-infériorité revient à commercialiser des médicaments qui sont potentiellement beaucoup moins efficaces que
Conclusion
De façon pratique, cette synthèse invite le lecteur d’essais de non-infériorité et d’équivalence à être vigilant sur les points suivants :
- •
titre et résumé : identification du type d’essai ;
- •
introduction : justification du schéma de non-infériorité ou d’équivalence ;
- •
méthode : justification du choix du comparateur et des critères de jugement ;
- •
méthode : justification de la marge de non-infériorité ou d’équivalence ;
- •
résultats : présentation des résultats de l’analyse en PP et en ITT, avec les
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références (36)
- et al.
Essais de non-infériorité dans la maladie thromboembolique veineuse. Une lecture critique est nécessaire !
Rev Med Interne
(2007) - et al.
Trials and tribulations of non-inferiority: the ximelagatran experience
J Am Coll Cardiol
(2005) - et al.
Non-inferiority trials are unethical because they disregard patients’ interests
Lancet
(2007) Methodology of superiority vs. equivalence trials and non-inferiority trials
J Hepatol
(2007)- et al.
Efficacy, safety, and tolerability of lacosamide monotherapy versus controlled-release carbamazepine in patients with newly diagnosed epilepsy: a phase 3, randomised, double-blind, non-inferiority trial
Lancet Neurol
(2017) - et al.
Antibiotic treatment for 6 weeks versus 12 weeks in patients with pyogenic vertebral osteomyelitis: an open-label, non-inferiority, randomised, controlled trial
Lancet
(2015) - et al.
Short-course oral co-trimoxazole versus intramuscular benzathine benzylpenicillin for impetigo in a highly endemic region: an open-label, randomised, controlled, non-inferiority trial
Lancet
(2014) - et al.
[Non-inferiority trials: several simple principles]
Presse Med
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[Methodological and statistical aspects of equivalence and non-inferiority trials]
Rev Epidemiol Sante Publique
(2008) - et al.
Sample size and the ethics of non-inferiority trials
Lancet
(2005)