Mise au pointAnesthésie pour patients porteurs de dispositifs d’assistance ventriculaire gauche en chirurgie non cardiaqueAnaesthesia for patients with left ventricular assist devices in noncardiac surgery
Introduction
L’insuffisance cardiaque (IC) est la troisième cause de mortalité cardiovasculaire, après l’accident vasculaire cérébral et l’infarctus du myocarde [1]. Elle touche 1 à 2 % de la population adulte dans les pays développés, et plus de 10 % des personnes âgées de 70 ans et plus [2]. En France, la prévalence de l’IC est actuellement estimée à 2 % [3]. La mortalité de l’IC est de 50 % à 5 ans à partir de l’apparition des premiers symptômes [4]. La transplantation cardiaque est le traitement de référence de l’IC terminale. Cependant, du fait du nombre limité de greffons disponibles, le nombre de greffes cardiaques stagne (477 transplantations cardiaques en 2016), tandis que le nombre de patients sur liste d’attente augmente chaque année [5]. Depuis son approbation par la FDA en 1994 et l’étude REMATCH parue en 2001 [6], l’implantation des dispositifs d’assistance du ventricule gauche (DAVG) ou Left Ventricular Assist Devices ne cesse de croître. Les DAVG ont montré leur supériorité sur le traitement médical en réduisant de moitié la mortalité à 1 an [6] et en améliorant significativement la qualité de vie [7], [8] des patients en IC terminale. Ainsi, les patients porteurs de DAVG, de plus en plus nombreux, et en bon état général, sont éligibles à des anesthésies pour des chirurgies non cardiaques et des examens invasifs, le plus souvent dans l’année suivant la pose du DAVG [9]. Ces interventions se déroulent principalement au sein du centre implanteur. Cependant, en contexte urgent ou semi-urgent, les patients porteurs de DAVG peuvent être pris en charge en dehors du centre implanteur, nécessitant de l’anesthésiste une connaissance des DAVG et de leurs particularités physiologiques. L’objectif de cet article est de faire le point sur les DAVG les plus courants, sur les particularités physiopathologiques des patients implantés et sur les spécificités de la prise en charge anesthésique des patients DAVG.
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Qu’est-ce qu’un DAVG et quels patients sont concernés ?
Les DAVG sont constitués de 3 éléments (Fig. 1) : (1) une pompe implantée directement dans le ventricule gauche (VG) ; (2) un câble d’alimentation percutané (abdominal ou rétroauriculaire) ; (3) un contrôleur, porté à la ceinture et relié à une source d’énergie électrique (batteries au lithium d’autonomie de 6 à 8 h, ou courant alternatif). Ce contrôleur permet de régler le débit de la pompe et de fournir à la pompe l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Les DAVG actuels sont à débit continu
Quelles modifications physiopathologiques entraînent un DAVG ?
Les DAVG n’obéissent pas à la loi de Franck-Starling [13], le volume sanguin éjecté ne dépendant plus de la contractilité ventriculaire, mais uniquement, et de manière linéaire, de la pression VG pour une même vitesse de rotation de la pompe [14]. Les DAVG sont donc « précharge dépendants », et toutes les causes de diminution de la précharge VG ou bi-ventriculaire (induction anesthésique, déshydratation, hémorragie, position proclive, dysfonction VD) peuvent provoquer une diminution du débit de
Dysfonction ventriculaire droite
Dans 20 à 30 % des cas, les patients présentent en post-implantation une dysfonction cardiaque droite, souvent polyfactorielle [21], [22], [23] : la remise en charge brutale du VD, associée à la diminution des pressions VG, provoque une attraction du septum interventriculaire, une modification de la géométrie du VD, une altération de sa compliance et de sa contractilité, ainsi qu’une insuffisance tricuspidienne par dilatation de l’anneau. Cette insuffisance VD nécessite parfois l’implantation
De quels types d’interventions bénéficient les patients porteurs de DAVG ?
Les patients porteurs d’un DAVG sont considérés comme à haut risque chirurgical [38]. Plusieurs études de cohortes [39], [40], [41], [42], [43], [44], [45] décrivent les interventions les plus fréquentes et la gestion périopératoire en chirurgie non cardiaque des porteurs de DAVG (Tableau 1).
Compte tenu de la fréquence des hémorragies digestives, près de la moitié des actes d’anesthésie sont effectués pour des explorations endoscopiques. Les types de chirurgie les plus fréquents sont la
Conclusion
Les patients porteurs de DAVG, en nombre croissant du fait de l’amélioration de leur espérance de vie en bon état général, deviennent de nouveaux candidats à la chirurgie non cardiaque urgente ou programmée. La pratique de l’anesthésie chez ces patients, considérés à haut risque, peut cependant être conduite en toute sécurité, à condition de connaître les spécificités physiopathologiques, notamment hémodynamique et thrombotique, et de définir une stratégie pré-, per- et post-opératoire en
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références (72)
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Quality of life and functional status in patients surviving 12 months after LVAD implantation
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Seventh INTERMACS annual report: 15,000 patients and counting
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Newer-generation ventricular assist devices
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Clinical management of continuous-flow left ventricular assist devices in advanced heart failure
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