Revue générale
Le transfert de microbiote fécal : quel potentiel thérapeutique dans le traitement des maladies métaboliques ?Fecal microbiota transfer: What therapeutic potential in the treatment of metabolic diseases?

https://doi.org/10.1016/j.nupar.2019.12.001Get rights and content

Résumé

Un déséquilibre de la composition du microbiote intestinal ou de ses fonctions est fréquemment observé en cas d’obésité et de maladie métabolique. De nombreuses études sur modèle murin montrent que la modification de la dysbiose du microbiote par diverses méthodes est associée à une amélioration des paramètres métaboliques. Chez l’homme, des interventions diététiques ou la chirurgie bariatrique sont accompagnées de modifications plus ou moins importantes de la composition du microbiote. La transplantation de microbiote fécal (TMF) est une option pleine de potentiel pour modifier la composition de ce microbiote intestinal, néanmoins, elle n’est pour le moment officiellement indiquée que dans le traitement des colites récurrentes à Clostridioides difficile. La littérature documentant l’effet du transfert de microbiote fécal dans les maladies métaboliques est en effet beaucoup moins abondante et réalisée sur des petits effectifs. Il a toutefois été montré que la TMF de donneurs sains à des patients obèses souffrant de syndrome métabolique améliorait leur sensibilité à l’insuline de manière significative en dépit de la grande variabilité de réponse. Cette variabilité semble en grande partie dépendante de la différence de richesse entre le microbiote du donneur et celui du receveur. À ce jour, l’impact du choix du donneur, du protocole de préparation, de conservation et d’administration de l’inoculum, ainsi que de l’éventuelle préparation du receveur sont à explorer.

Abstract

An imbalance of the gut microbiota composition or functions is frequently observed during obesity and metabolic diseases. Studies on rodents showed that the modulation of microbiota dysbiosis by various methods is associated with an improvement in metabolic parameters. In humans, dietary interventions or bariatric surgery are accompanied by changes in the composition of the microbiota. Fecal microbiota transfer is a promising therapeutic approach to change the composition of the gut microbiota, however, it is currently only officially indicated in the treatment of recurrent Clostridioides difficile colitis. Literature documenting the effect of faecal microbiota transplantation in metabolic diseases is much less abundant. Nevertheless, FMT from healthy donors to obese patients with metabolic syndrome significantly improves the insulin sensitivity of the recipients despite the large response variability. This variability seems to be mainly related to the difference in richness between the donor's microbiota and the recipient's microbiota. To date, the impact of the donor's choice, the protocol of preparation, storage and administration of the inoculum, as well as the possible preparation of the recipient are to be explored.

Introduction

Le rôle du microbiote dans la physiologie de son hôte est majeur. En effet, il régule de nombreuses fonctions. Les plus anciennement connues sont la régulation des fonctions immunitaires, sa contribution à la digestion des fibres et son effet barrière contre les pathogènes. Il a aussi été démontré qu’il produisait de nombreuses molécules ayant un impact sur le métabolisme de l’hôte [1] : les acides gras à chaîne courte, plusieurs vitamines et des acides biliaires secondaires pour n’en citer que quelques-uns. Le nombre des études montrant l’implication du microbiote intestinal dans la physiopathologie des maladies chroniques est en constante augmentation. Des altérations majeures de la composition du microbiote intestinal et de ses fonctions ont été observées en cas d’obésité et de maladies métaboliques telles que le diabète de type 2 [2], [3], [4], [5], les dyslipidémies [6], les maladies cardiovasculaires [7] et la stéatose hépatique non alcoolique [8].

Chez la souris [9] comme chez l’Homme [10], l’obésité se caractérise par une diminution de la diversité du microbiote, c’est-à-dire, une diminution du nombre d’espèces présentes par individu ainsi que du nombre de gènes du microbiote. Cette diminution de la diversité du microbiote est non seulement associée à un indice de masse corporel plus élevé mais aussi à l’insulino-résistance et à l’inflammation systémique de bas grade [4], [5]. Une diversité basse concerne 23 à 40 % des individus en surpoids ou en obésité modérée [4], [5] et jusqu’à 75 % des individus souffrant d’obésité sévère [11]. Cette faible diversité est accompagnée d’une augmentation de l’abondance de bactéries connues pour leur activité pro-inflammatoire et une diminution de celles connues pour leur activité anti-inflammatoire [4], [5]. L’insulino-résistance et le diabète de type 2 (DT2) sont quant à eux associés à une diminution des bactéries productrices de butyrate et d’Akkermansia muciniphila, en parallèle d’une augmentation des genres Streptococcus, Dorea et Sutterella [2], [12], [13]. Par ailleurs, les individus atteints d’athérosclérose présentent une augmentation significative de l’abondance des Enterobacteriaceae et du genre Streptococcus par rapport aux individus en bonne santé [7].

Les altérations du microbiote intestinal en cas d’obésité et de maladies métaboliques sont abondamment documentées, néanmoins ces associations ne permettent pas de déterminer si ces altérations sont une cause ou une conséquence de la pathologie concernée [14]. Le transfert de microbiote fécal de souris à souris et d’humain à souris a permis de montrer pour la plupart de ces pathologies que les altérations du microbiote n’étaient pas juste un phénomène concomitant à ces pathologies mais avait bel et bien un rôle causal. En effet, il a été possible de partiellement ou complètement transférer le phénotype des donneurs aux souris par transplantation de microbiote dans diverses pathologies, démontrant ainsi la contribution du microbiote dans la prise de masse grasse, le développement de l’intolérance au glucose, la stéatose hépatique, l’hypertension, la dyslipidémie et l’athérosclérose [15], [16], [17], [18], [19], [20].

Cibler le microbiote intestinal semble dans ce contexte une approche à considérer afin d’étoffer l’arsenal thérapeutique contre l’obésité et tout particulièrement contre les maladies métaboliques associées à cette dernière.

Plusieurs types d’interventions améliorent les paramètres métaboliques tout en modulant la composition du microbiote. Par exemple, une étude a montré qu’un régime hypocalorique et enrichi en fibre, en plus d’une diminution du poids et une amélioration des alterations métaboliques, augmente significativement la richesse du microbiote, néanmoins uniquement chez les individus ayant initialement une diversité faible [5]. La chirurgie bariatrique augmente elle aussi la diversité et modifie les proportions des taxa constituant le microbiote en association avec une perte de poids importante et une amélioration des paramètres métaboliques [11]. L’administration de prébiotiques, c’est-à-dire, de composés non digestibles par l’hôte mais métabolisables par le microbiote, diminue drastiquement le poids et l’insulino-résistance chez la souris [21], les résultats chez l’Homme sont plus nuancés tout en restant encourageants [22], [23]. En effet, les pertes de poids obtenues en administrant des prébiotiques chez l’Homme sont au mieux de l’ordre de seulement 3 à 4 % mais permettent jusqu’à 20 % de diminution de la lipémie et de l’hémoglobine glyquée [23], [24], [25]. L’administration de probiotiques au sens strict du terme n’a pour l’instant pas été couronnée de succès comme le montrent les résultats d’une méta-analyse [26], mais celle de bactéries ne répondant pas à la définition actuelle de probiotiques et isolées du microbiote humain a permis l’amélioration de la sensibilité à l’insuline [27]. Le succès des transferts de phénotype par transferts de microbiote chez la souris a mené à la première étude pilote sur un petit effectif consistant à transférer le microbiote de donneurs sains à des receveurs atteints de syndrome métabolique en 2012 [28]. Malgré les conclusions positives de cette étude, la transplantation de microbiote fécal (TMF) n’est pas encore une procédure recommandée dans la prise en charge des maladies métaboliques alors que c’est le cas pour le traitement des colites récidivantes à Clostridioides difficile (anciennement appelé Clostridium difficile [29], [30]).

Dans cette revue, nous décrirons comment la TMF est devenue de plus en plus largement utilisée suite à ses succès cliniques. Nous décrirons ensuite les évolutions technologiques de la TMF et quels sont les éléments permettant d’évaluer son efficacité dans l’obésité et les maladies métaboliques et enfin nous discuterons des facteurs pouvant impacter son efficacité.

Section snippets

La réussite dans le traitement des infections à Clostridioides difficile

La seule indication de la TMF en soin courant est l’infection à Clostridioides difficile (Cd) récidivant après plusieurs traitements antibiotiques [31], [32], [33], [34]. Cette pathologie apparait suite à des perturbations majeures du microbiote intestinal, dans la majorité des cas suite à un déséquilibre du microbiote intestinal causé par plusieurs traitements antibiotiques visant une autre pathologie infectieuse. Le nombre d’espèces présentes dans le microbiote des patients atteints

Une amélioration du métabolisme chez l’Homme ?

Le microbiote influence aussi bien positivement que négativement le métabolisme énergétique de son hôte par de nombreux mécanismes qui ont déjà été abondamment discutés [67] : la production d’acides gras à chaîne courte (AGCC), la diminution ou l’augmentation de l’inflammation systémique ou la modification du profil d’acides biliaires pour n’en citer que quelques-uns [68]. La première étude pilote sur la TMF dans les maladies métaboliques comportait 9 patients en surpoids ou obèses et atteints

La préparation de l’inoculum

Dans le cas des infections à Cd, la TMF vise à restaurer la fonction barrière du microbiote intestinal tandis que dans le cas du traitement des maladies métaboliques, son objectif est de remplacer un écosystème dysfonctionnel par un écosystème sain. De grandes variations dans le protocole de préparation de l’inoculum (quantité, aérobiose ou anaérobiose, diluant, durée de conservation, congélation, lyophilisation) ont peu d’impact sur l’efficacité du rétablissement de la fonction barrière mais

Conclusion et perspectives

En l’état actuel des connaissances, il apparaît que la TMF a un effet bénéfique sur le métabolisme glucidique mais pas sur la perte de poids lorsqu’elle est effectuée selon les mêmes modalités que dans le traitement des infections à Cd, c’est-à-dire, une seule TMF sans appariement du donneur et du receveur. L’efficacité est variable selon les patients et est très probablement à mettre en lien avec la composition du microbiote du donneur et du receveur. En effet, il semble que la capacité de

Déclaration de liens d’intérêts

K.C. est membre du conseil scientifique indépendant de LNC-Therapeutics.

Remerciements

Les travaux de l’équipe sur cette thématique ont obtenu le soutien financier du Ministère de la santé et de la solidarité (Assistance publique–Hôpitaux de Paris : à JAW/PHRC-N Drifter, à KC/PHRC Microbaria), de l’Union européenne (Metacardis HEALTH-F4-2012-305312 à KC, JPI MICRODIET5290510105) et EU Horizon 2020 grant (LITMUS 777377) à KC) et de la fondation LeDucq bourse (17CVD01) à KC et le prix scientifique jeune chercheur de la fondation Bettencourt Schueller à JAW.

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