MémoireContribution de la mesure de la pression intra-orale pour la compréhension des troubles de la coordination pneumophonique dans la dysarthrie parkinsonienneMeasurement of intra-oral pressure as a contributor for the understanding of pneumophonic coordination impairment in Parkinsonian dysarthria
Introduction
La maladie de Parkinson idiopathique (MPI) est classiquement caractérisée par une triade symptomatique pouvant associer tremblement de repos, rigidité et bradykinésie (Vercueil, 2000). Toutefois, au cours de son évolution naturelle, qui se fait inexorablement vers le déclin moteur (Viallet et al., 2001), il s’y greffe un certain nombre de troubles axiaux parmi lesquels ceux liés à la parole retiennent particulièrement notre attention. Ces derniers, regroupés sous le vocable descriptif de « dysarthrie hypokinétique » (Darley et al., 1969), doivent susciter un intérêt certain dans la mesure où ils représentent un facteur majeur de handicap hypothéquant à long terme la communication orale du patient. Le qualificatif hypokinétique fait à la fois référence à la réduction des mouvements articulatoires et à la diminution de la modulation prosodique. D’ailleurs, l’histoire naturelle de cette dysarthrie a été bien précisée en ces termes :
« les troubles de la parole deviennent de plus en plus évidents (…) Les points d’accentuation disparaissent, le volume vocal diminue, tandis que la prononciation des consonnes se dégrade et que la phrase se termine dans un murmure » (Selby, 1968).
La voix faible et monotone au début de la maladie devient, avec l’aggravation progressive, inaudible et inintelligible. Ces troubles relèvent, comme les autres signes, du déficit en dopamine responsable d’une incompétence phonatoire par hypokinésie des muscles laryngés et respiratoires avec une réduction de la pression sous-glottique (PSG) (Viallet et Teston, 2007). Lors de la production de parole, un mouvement d’air dans le conduit vocal vient exercer une pression sur les cordes vocales qui ont tendance à se fermer et donc à s’opposer au passage de l’air. La pression exercée par l’air expiratoire sur les cordes vocales n’est rien d’autre que la PSG ; quand elle devient supérieure à la résistance laryngée, les cordes vocales s’ouvrent et laissent passer l’air. Ce passage d’air entraîne une diminution de la PSG ; dès lors, les cordes se referment sous l’effet de leur élasticité propre. Une fois les cordes vocales fermées, le processus cyclique peut recommencer. Donc, la génération du son résulte d’un phénomène périodique (vibration laryngée) lui-même issu de la transformation d’une pression continue exercée par la colonne d’air expiratoire sur les cordes vocales (PSG) (Crevier-Buchman, 2007, Solomon, 2007). La production de parole est basée sur cette coordination pneumophonique complexe, reposant elle-même sur une relation étroite entre la vibration laryngée et la PSG.
Notre objectif était, d’une part, d’étudier l’évolution de la PSG dans la dysarthrie parkinsonienne afin de tester l’hypothèse qu’une chute importante de la PSG pendant son décours dans le cycle expiratoire serait un indice robuste de dysarthrie. D’autre part, l’effet de la stimulation du noyau subthalamique (NST) sur ce paramètre important de la coordination pneumophonique a également été considéré. En effet, la stimulation du NST est un modèle d’investigation intéressant en ce sens qu’elle cible des patients avec peu ou pas de déclin cognitif, donc avec une dénervation dopaminergique relativement « pure » (Blond et al., 2000).
Section snippets
Patients et sujets
L’étude a porté sur 20 patients de sexe masculin porteurs d’un dispositif de neurostimulation à haute fréquence du NST. Les patients étaient suivis dans le service de neurologie du centre hospitalier du pays d’Aix pour l’évaluation postopératoire et le réglage des paramètres de stimulation. Les valeurs des dits paramètres sont rapportées dans le Tableau 1. Au moment de l’étude, les patients étaient en moyenne âgés de 61 ± 6 ans, avec une durée de la maladie d’environ 12 ± 4 ans ; ils étaient tous
Scores moteurs de l’Unified Parkinson's Disease Rating Scale
La moyenne du score UPDRS (partie motrice sur 108) en période ON était de 20,6 (± 6,4) contre 40,9 (± 12,1) en condition OFF. Pour l’item 18 spécifique de la parole, le score en période ON était de 1,3 (± 0,5) contre 1,9 (± 0,5) en OFF.
Valeurs de la pression intra-orale intragroupes
La Fig. 3 donne la tendance de la PIO en fonction des trois points de mesure, aussi bien pour les CTRL que pour les patients en conditions ON et OFF. On constate une tendance générale de la chute de la PIO en allant de P2 à P6 en passant par P4 ; la courbe des CTRL
Discussion
L’évaluation de la PIO montre qu’elle connaît une baisse significative en condition OFF chez les patients par rapport aux CTRL appariés en âge de manière initiale et persistant tout au long de la production. La stimulation du NST, bien qu’améliorant peu l’item parole de l’UPDRS, entraîne une amélioration significative de la PIO dans la partie initiale de laproduction considérée, donc du cycle expiratoire de la parole.
La MPI, du fait du déficit dopaminergique qui lui est inhérent, induit un
Conclusion
Il apparaît important de considérer la mesure de PIO comme un indicateur pertinent de la dysarthrie parkinsonienne. Ce paramètre, témoin de la coordination pneumophonique, n’est sujet qu’à une amélioration limitée et transitoire par la stimulation du NST : cela confirme à nouveau l’effet controversé de la stimulation du NST sur les troubles axiaux et prouve la nécessité d’investigations plus approfondies afin de mieux comprendre les mécanismes d’action de cette technique sur les troubles en
Conflits d’intérêts
Aucun.
Remerciements
Ce travail n’aurait pas été possible sans l’obtention d’un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) régional (2003) et le soutien de l’Association France Parkinson : qu’ils veuillent trouver ici nos sincères remerciements.
Les auteurs souhaitent aussi remercier Robert Espesser (LPL, Aix-en-Provence) pour son aide précieuse dans l’analyse statistique des résultats.
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Automatic Processing of Aerodynamic Parameters in Parkinsonian Dysarthria
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