Brève communicationÀ la recherche de la mémoire perdue : nature des troubles et mode de récupération d’un cas d’amnésie rétrograde pureSearching for lost memory: Memory loss and recovery mechanisms observed in a patient with pure retrograde amnesia
Introduction
Le syndrome amnésique est défini par une amnésie antérograde avec un certain degré d’amnésie des souvenirs passés. De façon caricaturale, dans l’amnésie hippocampique, l’amnésie rétrograde est limitée, concerne l’oubli de quelques années et est souvent interprétée comme un défaut de consolidation des apprentissages les plus récents. Dans le syndrome de Korsakoff, l’amnésie rétrograde est très étendue sur plusieurs décennies et est en lien avec des difficultés de récupération. L’amnésie rétrograde pure est une situation rare en clinique neurologique. Elle a été décrite dans un certain nombre de pathologies entraînant des lésions cérébrales objectivables en imagerie morphologique (Kapur, 1993), en particulier après encéphalite herpétique (Stuss et Guzman, 1988 ; O’Connor, Butters, Milliotis, Eslinger, & Cermark, 1992 ; De Renzi et Lucchelli, 1993 ; Carlesimo, Sabbadini, Loasses, & Caltagirone, 1998) ou traumatisme crânien (Kapur, 1999 ; Yamadori et al., 2001). L’amnésie concerne le plus souvent les souvenirs biographiques. De plus rares observations d’amnésie du passé, altérant la mémoire des faits publics mais respectant la mémoire personnelle, ont été toutefois rapportées dans le cadre de l’épilepsie (Manning et al., 2006) ou après méningiome suprasellaire opéré et radiothérapé (Yasuda, Watanabe, & Ono, 1997). L’amnésie rétrograde pure est en fait assez souvent rapportée au décours d’épisodes neurologiques suffisamment bénins pour ne pas entraîner de lésions visibles sur des examens morphologiques (Kapur, Young, Bateman, & Kennedy, 1989 ; Sellal, Manning, Seegmuller, Scheiber, & Schoenfelder, 2002). Cela fait inévitablement discuter des lésions non visibles ou l’intervention de l’événement comme épine irritative à un phénomène de conversion. Des tableaux identiques ont été rapportés dans un contexte stressant identifié faisant discuter le caractère organique (épisode inaperçu) ou psychogène du déficit (Markowitsch et al., 1998 ; Mayes, 2002). L’amnésie d’un épisode précis peut survenir lors d’un stress émotionnel qui empêche la mémorisation d’un événement douloureux (Horowitz et Reidbord, 1992) ou, surtout si l’amnésie est plus étendue, être rapprochée d’un mécanisme psychique de refoulement visant à protéger le sujet. Peu de modèles cognitifs permettent de comprendre ce qu’est le refoulement. S’il permet d’évoquer l’amnésie comme un moyen de défense inconscient, le modèle psychanalytique de Freud et Breuer (1895) et de ses élèves ne permet pas de distinguer pratiquement ce qui est la cause de ce conflit, ni du point de vue des mécanismes cognitifs ni du point de vue des structures en cause. Néanmoins, les malades existent et même si les mécanismes précis de la conversion hystérique sont inconnus, leur observation soigneuse et rigoureuse reste essentielle pour tenter d’expliquer ces phénomènes avec les connaissances actuelles. Enfin, dans cette problématique évoquant plutôt un mécanisme psychogène, il a été rapporté des cas d’amnésie rétrograde spontanée rare sans facteur organique ou psychologique évident ce qui en fait discuter le caractère simulé (Dalla Barba, Mantovan, Ferruzza, & Denes, 1997) : l’amnésie survenant dans un contexte difficile où le patient oublie délibérément ses actes passés pour se protéger d’une sanction. Le fait que certains auteurs aient pu montrer des modifications métaboliques, en particulier dans les régions hippocampiques bilatérales et du pôle temporal droit (Markowitsch et al., 1998), en dépit d’une imagerie morphologique normale et dans le cadre d’une pathologie neurologique douteuse, suggère, au moins dans ces observations-là, de possibles modifications du fonctionnement neuronal en rapport avec un blocage de l’accès au stock de mémoire. Afin de ne pas présumer d’une origine organique, psychogène ou mixte et de réunir ces tableaux cliniques parfaitement similaires quant à leur présentation, De Renzi, Lucchelli, Muggias, & Spinnler (1997) proposent de les définir par le terme d’amnésie fonctionnelle. Les mécanismes restent obscurs et il est impossible de dire s’ils sont univoques. Pour certains auteurs comme Markowitsch (1996), le simple fait de vouloir différencier d’éventuels mécanismes psychologiques et organiques sous-tendant cette amnésie est artificiel.
Ces tableaux d’amnésie rétrograde pure ou disproportionée demeurent rares, leur évolution est peu connue, et semble-t-il, très variable. Nous rapportons l’observation d’un patient dont nous avons pu suivre la récupération progressive, graduelle et contextuelle des souvenirs.
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Cas no 747448
Le patient, un homme de 41 ans, marié, était professeur d’histoire et chef d’établissement. En mars 2002, il fit une chute dans son bureau, tombant de sa chaise sans témoin. Trouvé à terre, il reprit connaissance, présentant d’emblée une amnésie rétrograde pure. Ce sujet avait pour seul antécédent un syndrome dépressif léger ayant nécessité trois mois de traitement, trois ans auparavant. L’examen neurologique était normal. Le patient présentait une amnésie d’identité : il ignorait son nom, son
Discussion
Le patient présente une amnésie rétrograde pure après un épisode neurologique bref et il n’est pas exclu qu’il ait présenté initialement dans le cadre d’un traumatisme crânien (Rousseaux, Delafosse, Cabaret, Lesion, & Jomin, 1984) un ictus amnésique (Roman-Campos, Poser, & Wood, 1980) avec une amnésie rétrograde isolée comme cela a pu être rapporté (Laurent, Trillet, & Croisile, 1990). Les images morphologiques sont normales ; le résultat anormal de la PL reste difficile à interpréter.
Le
Références (45)
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Retrograde amnesia for forty years
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Analysis of the memory impairment in a post-encephalic patienty with focal retrograde amnesia
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Remembering and knowing the past: a case study of isolated retrograde amnesia
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Dense retrograde amnesia, intact learning capacity and abnormal forgetting rate: a consolidation deficit?
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Is memory loss without anatomical damage tantamount to a psychogenic deficit? The case of pure retrograde amnesia
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Focal retrograde amnesia: a long term clinical and neuropsychological follow-up
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Déficit selectif de la mémoire des faits publics associé à un oubli accéléré chez un patient atteint d’épilepsie du lote temporal gauche
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Persistent post-traumatic retrograde amnesia: a neuropsychological and (18F)FDG PET study
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Does focal retrograde amnesia exist and if so, what causes it?
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Persistent retrograde memory deficit after transient global amnesia
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Amnésie rétrograde post-traumatique
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Functional retrograde amnesia: a quantitative case study
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Pure retrograde amnesia following a mild head trauma: a neuropsychological and metabolic study
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Retrograde amnesia and memory consolidation: a neurobiological perspective
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Severe remote memory loss with minimal anterograde amnesia a clinical note
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The self and autobiographical memory: correspondance and coherence
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2017, Revue NeurologiqueCitation Excerpt :Also noteworthy are the cases of P.A. [32], whose amnesia developed following a poorly documented loss of consciousness and who has never recovered, and S.M. [33], who developed amnesia following a benign TBI and quickly recovered. The present author herself has reported on the case of F.F. [7,13], a 41-year-old married man with two daughters (aged 14 and 10 years) and three step-daughters (aged 33, 30 and 28 years) who, while talking on the phone, fell from his chair. After being found on the floor, he regained consciousness and initially presented with pure retrograde amnesia involving his entire life and a certain amount of collective knowledge.
Medication in Tintin's cartoon
2017, Pharmacien Hospitalier et ClinicienTransient epileptic amnesia: Update on a slowly emerging epileptic syndrome
2015, Revue NeurologiqueCitation Excerpt :the selectivity of the retrograde lacuna, life episodes being adequately memorized after onset; the severity of the retrograde lacuna, sometimes covering the entire life span prior to onset, with a massive loss of episodic but also personal semantics, including personal identity knowledge [64,65]; an emotional blunting and a relative lack of concern about their own state [67].
The impairment of recollection in functional amnesic states
2013, CortexCitation Excerpt :In support of the “binding” power of memory, it was observed that failures of recollection in functional amnesia do not usually occur in isolation, but in conjunction with changes in various personality dimensions, pertaining to enduring patterns of inner experience and behavior, including cognition, affectivity, impulse control and interpersonal functioning. Alterations in personality after the onset of functional amnesia may at times take the form of changes in eating preferences, smoking or drinking habits or other previously rewarding activities (such as car driving or fishing) (Fujiwara et al., 2008; Tramoni et al., 2009; Thomas-Antérion et al., 2008). Incidentally, several structures involved in EAM processing (such as basal forebrain, amygdala, ventro-medial PFC) were reported to be engaged in reward-related processing, decision making and future-minded choice behavior (Staniloiu et al., 2010a, 2010b), which may account for the above described changes.
Dissociative amnesia: A rare situation of travel in the lost time
2012, Annales Medico-PsychologiquesRetrograde amnesia with a trip in the past
2012, Annales Medico-Psychologiques