Mise au point/Review
Exposition sonore et répercussions auditives au cours de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive : données récentes et revue de la littératureRelated noise exposure and auditory consequence during transcranial magnetic stimulation: New insights and review of the literature

https://doi.org/10.1016/j.neucli.2012.07.001Get rights and content

Résumé

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (SMTr) est une technique non invasive de stimulation corticale d’un intérêt clinique croissant, plus particulièrement en neurologie, en psychiatrie et dans la prise en charge des acouphènes résistant aux traitements habituels. Cet intérêt est également grandissant dans le domaine de la recherche en neurosciences cognitives. Un des effets indésirables de la SMTr est le bruit qu’elle génère, bruit dont l’intensité sonore dépend de l’intensité de stimulation magnétique et qui peut être responsable d’une modification transitoire des mécanismes auditifs périphériques et, dès lors, des seuils auditifs, non seulement chez les patients mais également chez le praticien. De plus, si aucune précaution n’est prise, en particulier chez les sujets porteurs de plusieurs facteurs de risques auditifs, la répétition des expositions dans les traitements répétés pourrait être à l’origine de modifications plus définitives des mécanismes auditifs périphériques. Ces aspects sont souvent négligés, alors qu’ils peuvent revêtir une importance particulière lors de l’utilisation de la SMTr dans des pathologies comme les acouphènes ou dans les investigations du système auditif en neurosciences cognitives. Cette mise au point s’attache donc à la description de l’exposition sonore liée à la SMTr et de ses possibles conséquences sur le système auditif, ainsi qu’aux moyens de la limiter pour en réduire l’impact.

Summary

Repetitive transcranial magnetic stimulation (rTMS) is a non-invasive neurostimulation tool with increasing therapeutic applications in neurology, psychiatry and in the treatment of chronic tinnitus, and with a growing interest in cognitive neuroscience. One of its side effects is the loud click sound generated simultaneously to the magnetic pulse, which depends both on the equipment and rTMS intensity. This impulse sound could transiently modify peripheral hearing mechanisms, and hence hearing thresholds, both in patients and in rTMS practitioners. Furthermore, if no precautions are taken, especially in subjects with several risks factors for hearing loss, it is possible that the repetition of exposure could lead to more definitive changes in hearing thresholds. These issues are often neglected, although they could have specific relevance in rTMS treatment for tinnitus or in auditory cognitive neuroscience. This review specifically deals with noise exposure during rTMS and its potential consequences on the auditory system. It provides several practical solutions to help minimize exposure.

Introduction

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (SMTr) est devenue une technique médicale non invasive et efficace de stimulation corticale [30], [94], utilisée aussi bien en recherche dans le domaine des neurosciences [89], [113] qu’en pratique clinique [51]. Elle a été introduite en neurologie par Barker et al. en 1985 [7] et est, depuis lors, largement utilisée dans le traitement de pathologies neurologiques comme, par exemple : la maladie de Parkinson [8], [41], [47], les dystonies de fonction telle que la crampe de l’écrivain [64], les douleurs neuropathiques chroniques [38], [52], [48], [50], l’épilepsie [107], la sclérose latérale amyotrophique [23] et les myoclonies [49]. Elle a été également proposée dans le traitement de pathologies psychiatriques comme la dépression [35], [71], [77], [87], [98], l’anxiété [12] ou la schizophrénie [97], et plus spécifiquement dans le traitement des hallucinations auditives chez le schizophréne [83]. Enfin, elle est également utilisée dans le traitement des acouphènes invalidants résistant aux traitements conventionnels [3], [24], [46], [45], [53], [55], [58], [59], [93].

En regard de cette large utilisation, il est indispensable de bien connaître les effets secondaires possibles de la SMTr. La crise comitiale, qui en constituait l’effet secondaire majeur, est devenue extrêmement rare depuis la mise en place de normes internationales de sécurité [53], [76], [115], [114] établies sur la base des premières études cliniques et régulièrement mises à jour [94]. Ces normes ont permis de définir, d’une part, les différentes combinaisons de paramètres de stimulation assurant une sécurité maximale et, d’autre part, celles présentant un risque important de crise comitiale induite [15], [53], [76], [114]. En revanche, les effets secondaires sur l’audition n’ont été jusqu’à présent que peu étudiés, alors que les bobines de stimulation utilisées dans le cadre de la SMTr produisent un son bref mais intense (avec un pic d’intensité supérieure à 140 dBC lorsque la SMTr est utilisée à sa puissance maximale) [29], [110]. Une telle intensité sonore est supérieure au niveau pouvant induire un traumatisme sonore [36]. Or, du fait de sa brièveté, le clic généré par la SMTr est perçu de manière relativement faible par rapport à son intensité sonore réelle [105], ce qui n’incite guère à s’intéresser à la problématique de la protection sonore, que ce soit celle du sujet ou celle du praticien. La connaissance des niveaux sonores de la SMTr permettrait une meilleure prise de conscience du risque auditif potentiel d’une telle exposition et constituerait ainsi un élément favorable en vue d’une meilleure adhésion aux mesures de protections individuelles [4]. Les intensités sonores liées à d’autres utilisations de bobines magnétiques, comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM), sont plus systématiquement prises en compte [1], même si elles sont de nature similaire à celles de la SMTr et très rarement répétées pour un même sujet, contrairement aux traitements par SMTr qui peuvent s’échelonner sur plusieurs semaines.

Section snippets

Origine

La stimulation magnétique transcrânienne repose sur le principe physique découvert par Michael Faraday en 1831 : l’induction électromagnétique. L’application d’un champ magnétique très bref est capable d’induire un courant électrique dans un milieu conducteur. Le passage rapide d’une impulsion électrique brève et intense génère un champ magnétique perpendiculaire au plan de la bobine. Pour les systèmes de stimulation actuellement utilisés, ce courant génère par induction un champ magnétique de

Physiopathologie des pertes auditives liées aux expositions sonores

Après une exposition sonore, le symptôme le plus fréquemment rapporté est un acouphène temporaire. Il peut devenir définitif et être associé ou non, à une plainte de type sensation d’oreille bouchée qui signe souvent l’apparition d’une perte auditive qui sera confirmée par un audiogramme.

La disparition de tous les symptômes, de quelques minutes à quelques heures après une exposition sonore importante, relève d’une fatigue auditive réversible avec élévation temporaire des seuils (traumatisme

Facteurs de risques auditifs

Bien que les règles concernant les intensités sonores à éviter soient basées sur des données cliniques, elles ne peuvent pas tenir compte de la très grande variabilité des effets de l’exposition sonore, variabilité liée aux facteurs physiques (conditions de l’exposition sonore, protections apportées aux sujets…) et variabilité liée à la susceptibilité individuelle des sujets eux-mêmes [32], [68].

Les effets de l’exposition sonore de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive sur le système auditif

Les données de la littérature sur l’effet de la SMTr sur l’audition sont peu nombreuses [28]. En effet, bien qu’il ait été démontré chez les rongeurs (lapin, chinchilla), la possibilité d’un traumatisme acoustique avec perte auditive définitive (ou permanente) avec les bobines de première génération, responsables d’un pic sonore pouvant atteindre 157 dB SPL [18], peu de données sont disponibles. Il est habituellement recommandé le port d’une protection auditive pendant les séances de SMTr [51],

Conduite à tenir en cas de traumatisme sonore

Il s’agit d’une urgence médicale car la précocité de prise en charge est un facteur pronostique essentiel de la récupération auditive. La première mesure consistera en l’arrêt de l’exposition sonore. Ensuite, le traitement est controversé mais s’apparente au traitement de la surdité unilatérale idiopathique d’installation brutale (ou surdité brusque). L’efficacité des corticoïdes est largement acceptée [70], [100] et le traitement doit être commencé le plus tôt possible, dès la confirmation

Conclusion

Une bobine de SMTr utilisée à intensité maximale est responsable d’une exposition sonore qui s’apparente à une impulsion sonore de type arme à feu. L’intensité sonore est alors corrélée à l’intensité d’utilisation de la bobine et est dépendante du type de bobine (active versus placebo) et de l’équipement utilisé. Différents facteurs influencent l’effet potentiel de la SMTr sur le système auditif périphérique : la proximité de la bobine par rapport à l’oreille, la haute variabilité de protection

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements

Les auteurs remercient les relecteurs pour leurs suggestions.

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