Mise au pointQuelle place pour les tests rapides d’orientation diagnostique dans le dépistage de l’hépatite C chez les usagers de drogues ?Which place for point-of-care screening tests in the diagnosis of hepatitis C infection among drug users?
Introduction
L’hépatite C est une maladie endémique qui concerne entre 130 et 170 millions de personnes à travers le monde [1], avec de grandes disparités géographiques. Une enquête réalisée en 2004 en France métropolitaine a estimé à 0,84 % la prévalence des anticorps (Ac) dirigés contre le virus de l’hépatite C (VHC) dans la population générale [2]. Actuellement, en France, l’usage de drogues par voie intraveineuse ou pernasale est devenu le principal mode de transmission du VHC. Parmi la population d’usagers de drogues, la prévalence des Ac anti-VHC atteint 44 % d’après les résultats de l’enquête Coquelicot menée en 2011 [3].
L’hépatite C aiguë est généralement asymptomatique et évolue vers la chronicité dans environ 60 à 80 % des cas. L’évolution vers la cirrhose se fait chez 10 à 20 % des patients atteints d’hépatite C chronique et l’incidence annuelle de survenue d’un carcinome hépatocellulaire chez les patients cirrhotiques est d’environ 1 à 5 % [4]. L’infection virale C est responsable de2600 décès/an en France [5] et elle est devenue la principale indication de transplantation hépatique. De fait, l’hépatite C constitue un enjeu majeur de santé publique.
L’arrivée récente de nouveaux traitements antiviraux à action directe associés à des taux d’éradication virale de plus de 90 % vient considérablement améliorer le pronostic de cette maladie [5]. Ces perspectives de guérison de la quasi-totalité des patients atteints d’hépatite C justifient la mise en place d’une stratégie active de dépistage du VHC à destination des populations les plus à risque.
Les recommandations actuelles de dépistage de l’hépatite C reposent sur la détection des Ac anti-VHC par un test immuno-enzymatique (test Elisa) de 3e génération réalisé à partir d’un prélèvement veineux. Une recommandation professionnelle de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) datant de 2001 préconise un dépistage ciblé des personnes à risque d’infection par le VHC dont font partie les UD par voie intraveineuse ou pernasale [6]. Avec cette stratégie, la proportion de personnes infectées par le VHC dans la population générale ignorant leur statut sérologique reste élevée (43 % en 2004 [2], soit environ 100 000 personnes virémiques non diagnostiquées), bien loin de l’objectif annoncé de 80 % de personnes infectées par le VHC connaissant leur séropositivité prévu par le Plan national de lutte contre les hépatites B et C 2009–2012 [7].
L’arrivée sur le marché de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) du VHC est susceptible de faciliter l’accès au dépistage et aux soins, notamment pour les UD qui constituent le principal réservoir du VHC.
Section snippets
Les TROD du VHC
Les TROD ont été définis par le journal officiel de l’Union européenne en date du 10 février 2009 comme étant des « dispositifs médicaux de diagnostic in vitro qualitatif ou semi-quantitatif, utilisés séparément ou pour une série limitée, faisant appel à des procédures non automatisées, et conçus pour donner un résultat rapide ». Il s’agit de tests unitaires, simples à réaliser, à lecture directe et fournissant un résultat en moins de 30 min. Ils peuvent être réalisés, selon les modèles, sur des
La pratique des TROD : avantages et limites
Les avantages et les limites sont présentés dans le tableau I.
Quelles conséquences en termes d’utilisation ?
La très grande facilité d’emploi des TROD permet leur usage par des professionnels situés au plus près du réservoir du VHC : personnels de CSAPA, de CAARUD et médecine de ville.
Toutefois, les populations d’usagers de drogues ont des caractéristiques qui leur sont propres en termes d’accès aux soins : difficulté à intégrer un système très médicalisé, manque d’assiduité aux rendez-vous, absentéisme, risque de stigmatisation et crainte
Un exemple de filière de dépistage et de soins de l’hépatite C basée sur les TROD
Afin de coordonner la phase de dépistage puis la phase de confirmation du diagnostic et le suivi hépatologique, une filière de dépistage du VHC a été coordonnée par le CHU de Nancy, sur la base de l’utilisation de TROD. Cette filière de dépistage comprend le CAARUD l’Échange et le CAARUD de l’association AIDES, afin de garantir un accès facilité de bas seuil d’exigence. Par ailleurs, cette filière comprend la Maison des Addictions, CSAPA du CHU de Nancy, afin de proposer le test aux usagers de
Conclusion
L’arrivée des TROD du VHC sur le marché français est susceptible de permettre une augmentation de l’offre de dépistage et d’en faciliter l’accès, notamment pour les personnes les plus à risque qui sont aussi les moins fréquemment dépistées. L’utilisation des TROD doit pouvoir s’envisager en dehors des structures traditionnelles de dépistage et permettre d’aller au-devant des patients. Leur usage doit s’élargir à tous les professionnels de santé volontaires et impliqués dans des programmes de
Déclaration de liens d’intérêts
les TROD utilisés au CHRU de Nancy ont été financés par le laboratoire Roche. Le laboratoire Roche n’a pas pris part à l’organisation de la filière d’utilisation des TROD, ni à l’exploitation des résultats, ni à la rédaction de ce manuscrit.
Références (18)
- et al.
Risk of hepatitis C virus transmission through drug preparation equipment: a systematic and methodological review
J Viral Hepat
(2008) - et al.
Prevalence of hepatitis B and hepatitis C virus infections in France in 2004: social factors are important predictors after adjusting for known risk factors
J Med Virol
(2010) - et al.
Estimation de la séroprévalence du VIH et de l’hépatite C chez les usagers de drogues en France - premiers résultats de l’enquête ANRS-Coquelicot 2011
Bull Epidemiol Hebd
(2013) EASL Clinical Practice Guidelines: Management of hepatitis C virus infection
J Hepatol
(2011)Prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C. Rapport de Recommandations
(2014)Place des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) dans la stratégie de dépistage de l’hépatite C. Note de cadrage. [Internet]. Saint Denis La Plaine
(2013)Plan national de lutte contre les Hépatites B et C 2009-2012. [Internet]
(2009)Recommandation en Santé Publique - place des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) dans la stratégie de dépistage de l’hépatite C [Internet]
(2014)- et al.
Evaluation of three rapid screening assays for detection of antibodies to hepatitis C virus
J Infect Dis
(2011)