Mise au point
Quelle place pour les tests rapides d’orientation diagnostique dans le dépistage de l’hépatite C chez les usagers de drogues ?Which place for point-of-care screening tests in the diagnosis of hepatitis C infection among drug users?

https://doi.org/10.1016/j.lpm.2016.01.024Get rights and content

Points essentiels

L’hépatite C est une maladie grave, évoluant fréquemment vers la chronicité, et pour laquelle il n’existe pas de vaccin à ce jour.

Son dépistage est donc fondamental, notamment parmi les usagers de drogues qui constituent le principal réservoir du virus de l’hépatite C (VHC).

Les recommandations actuelles de dépistage reposent sur la détection des anticorps (Ac) totaux anti-VHC par un test Elisa de troisième génération. Cette technique doit être réalisée dans un laboratoire de biologie, à partir d’un prélèvement veineux.

Des alternatives à cette technique se sont développées récemment, parmi lesquelles les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) qui offrent de nombreux avantages.

Leurs excellentes performances diagnostiques, la rapidité d’obtention des résultats et leur facilité d’utilisation par un grand nombre de professionnels sont autant d’arguments en faveur d’une utilisation étendue de ces tests.

Ces tests peuvent directement concerner la Médecine générale ambulatoire, les personnels de CAARUD et de CSAPA.

Les bénéfices attendus de l’utilisation des TROD sont individuels (meilleure connaissance du statut sérologique, meilleur accès aux soins et aux traitements) mais aussi collectifs (réduction de la morbi-mortalité liée au VHC et de son coût en termes de Santé Publique).

Afin de permettre au plus grand nombre de patients à risque d’en bénéficier et au vu de leur intérêt clinique, les TROD devraient pouvoir être pris en charge au même titre que le prélèvement sanguin actuellement recommandé.

Dans le but d’optimiser leur facilité d’emploi, l’utilisation des TROD doit s’inscrire dans une filière de dépistage et de suivi hépatologique bien établie.

Key points

Hepatitis C is a severe disease, which often evolves into chronicity and for which there is no vaccine available.

Therefore its screening is essential, especially among drug users who are the main reservoir of the hepatitis C virus (HCV).

Current guidelines for screening are based on the detection of total anti-HCV antibodies (Ab) by means of third generation EIA.

This test is performed in a laboratory from a venous sample.

Alternative methods have been recently developed, including point-of-care tests (POCT) that offer many advantages.

Their excellent diagnostic performance, their quick results and their ease of use by a large number of professionals are arguments in favor of widespread use of these tests.

The expected benefits of the use of POCT are individual (better knowledge of HCV status, better access to care and treatment) but also collective (reduction of morbidity and mortality related to HCV and its cost in terms of public health)

Because of their clinical interest, POCT should be refunded as well as the currently recommended screening test.

In order to optimize their ease of use, POCT use should be integrated into an organized screening and hepatology follow-up system.

Introduction

L’hépatite C est une maladie endémique qui concerne entre 130 et 170 millions de personnes à travers le monde [1], avec de grandes disparités géographiques. Une enquête réalisée en 2004 en France métropolitaine a estimé à 0,84 % la prévalence des anticorps (Ac) dirigés contre le virus de l’hépatite C (VHC) dans la population générale [2]. Actuellement, en France, l’usage de drogues par voie intraveineuse ou pernasale est devenu le principal mode de transmission du VHC. Parmi la population d’usagers de drogues, la prévalence des Ac anti-VHC atteint 44 % d’après les résultats de l’enquête Coquelicot menée en 2011 [3].

L’hépatite C aiguë est généralement asymptomatique et évolue vers la chronicité dans environ 60 à 80 % des cas. L’évolution vers la cirrhose se fait chez 10 à 20 % des patients atteints d’hépatite C chronique et l’incidence annuelle de survenue d’un carcinome hépatocellulaire chez les patients cirrhotiques est d’environ 1 à 5 % [4]. L’infection virale C est responsable de2600 décès/an en France [5] et elle est devenue la principale indication de transplantation hépatique. De fait, l’hépatite C constitue un enjeu majeur de santé publique.

L’arrivée récente de nouveaux traitements antiviraux à action directe associés à des taux d’éradication virale de plus de 90 % vient considérablement améliorer le pronostic de cette maladie [5]. Ces perspectives de guérison de la quasi-totalité des patients atteints d’hépatite C justifient la mise en place d’une stratégie active de dépistage du VHC à destination des populations les plus à risque.

Les recommandations actuelles de dépistage de l’hépatite C reposent sur la détection des Ac anti-VHC par un test immuno-enzymatique (test Elisa) de 3e génération réalisé à partir d’un prélèvement veineux. Une recommandation professionnelle de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) datant de 2001 préconise un dépistage ciblé des personnes à risque d’infection par le VHC dont font partie les UD par voie intraveineuse ou pernasale [6]. Avec cette stratégie, la proportion de personnes infectées par le VHC dans la population générale ignorant leur statut sérologique reste élevée (43 % en 2004 [2], soit environ 100 000 personnes virémiques non diagnostiquées), bien loin de l’objectif annoncé de 80 % de personnes infectées par le VHC connaissant leur séropositivité prévu par le Plan national de lutte contre les hépatites B et C 2009–2012 [7].

L’arrivée sur le marché de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) du VHC est susceptible de faciliter l’accès au dépistage et aux soins, notamment pour les UD qui constituent le principal réservoir du VHC.

Section snippets

Les TROD du VHC

Les TROD ont été définis par le journal officiel de l’Union européenne en date du 10 février 2009 comme étant des « dispositifs médicaux de diagnostic in vitro qualitatif ou semi-quantitatif, utilisés séparément ou pour une série limitée, faisant appel à des procédures non automatisées, et conçus pour donner un résultat rapide ». Il s’agit de tests unitaires, simples à réaliser, à lecture directe et fournissant un résultat en moins de 30 min. Ils peuvent être réalisés, selon les modèles, sur des

La pratique des TROD : avantages et limites

Les avantages et les limites sont présentés dans le tableau I.

Quelles conséquences en termes d’utilisation ?

La très grande facilité d’emploi des TROD permet leur usage par des professionnels situés au plus près du réservoir du VHC : personnels de CSAPA, de CAARUD et médecine de ville.

Toutefois, les populations d’usagers de drogues ont des caractéristiques qui leur sont propres en termes d’accès aux soins : difficulté à intégrer un système très médicalisé, manque d’assiduité aux rendez-vous, absentéisme, risque de stigmatisation et crainte

Un exemple de filière de dépistage et de soins de l’hépatite C basée sur les TROD

Afin de coordonner la phase de dépistage puis la phase de confirmation du diagnostic et le suivi hépatologique, une filière de dépistage du VHC a été coordonnée par le CHU de Nancy, sur la base de l’utilisation de TROD. Cette filière de dépistage comprend le CAARUD l’Échange et le CAARUD de l’association AIDES, afin de garantir un accès facilité de bas seuil d’exigence. Par ailleurs, cette filière comprend la Maison des Addictions, CSAPA du CHU de Nancy, afin de proposer le test aux usagers de

Conclusion

L’arrivée des TROD du VHC sur le marché français est susceptible de permettre une augmentation de l’offre de dépistage et d’en faciliter l’accès, notamment pour les personnes les plus à risque qui sont aussi les moins fréquemment dépistées. L’utilisation des TROD doit pouvoir s’envisager en dehors des structures traditionnelles de dépistage et permettre d’aller au-devant des patients. Leur usage doit s’élargir à tous les professionnels de santé volontaires et impliqués dans des programmes de

Déclaration de liens d’intérêts

les TROD utilisés au CHRU de Nancy ont été financés par le laboratoire Roche. Le laboratoire Roche n’a pas pris part à l’organisation de la filière d’utilisation des TROD, ni à l’exploitation des résultats, ni à la rédaction de ce manuscrit.

Références (18)

  • P. De et al.

    Risk of hepatitis C virus transmission through drug preparation equipment: a systematic and methodological review

    J Viral Hepat

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  • C. Meffre et al.

    Prevalence of hepatitis B and hepatitis C virus infections in France in 2004: social factors are important predictors after adjusting for known risk factors

    J Med Virol

    (2010)
  • M. Jauffret-Roustide et al.

    Estimation de la séroprévalence du VIH et de l’hépatite C chez les usagers de drogues en France - premiers résultats de l’enquête ANRS-Coquelicot 2011

    Bull Epidemiol Hebd

    (2013)
  • European Association for the Study of the Liver

    EASL Clinical Practice Guidelines: Management of hepatitis C virus infection

    J Hepatol

    (2011)
  • D. Dhumeaux

    Prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C. Rapport de Recommandations

    (2014)
  • HAS

    Place des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) dans la stratégie de dépistage de l’hépatite C. Note de cadrage. [Internet]. Saint Denis La Plaine

    (2013)
  • Plan national de lutte contre les Hépatites B et C 2009-2012. [Internet]

    (2009)
  • HAS

    Recommandation en Santé Publique - place des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) dans la stratégie de dépistage de l’hépatite C [Internet]

    (2014)
  • B.D. Smith et al.

    Evaluation of three rapid screening assays for detection of antibodies to hepatitis C virus

    J Infect Dis

    (2011)
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Cited by (0)

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