Revue de la littératureL’aripiprazole comme modèle d’agoniste dopaminergique partiel : concepts de base et incidence cliniqueAripiprazole as dopamine partial agonist model: Basic concepts and clinical impact
Introduction
La découverte que l’effet antipsychotique de la chlorpromazine était lié à son action antidopaminergique a conduit au développement de molécules qui, pareillement à la chlorpromazine, possédaient la propriété d’antagoniser les récepteurs dopaminergiques de type D2. De tels antipsychotiques ont été appelés antipsychotiques typiques ou de première génération. Durant de nombreuses années, l’idée était répandue qu’un antipsychotique efficace devait produire des effets extrapyramidaux, précisément parce qu’il bloquait les récepteurs D2. Une telle croyance a cependant ouvert le champ d’une recherche visant à produire des antipsychotiques « atypiques » à savoir des antipsychotiques susceptibles d’occasionner moins d’effets extrapyramidaux. Avec le temps et le succès d’une telle démarche, le qualificatif d’antipsychotique atypique ou d’antipsychotique de seconde génération s’est étendu à des molécules ayant une efficacité supérieure, en particulier sur les schizophrénies résistantes, les symptômes négatifs et/ou les troubles cognitifs. Les antipsychotiques de seconde génération comportent de nombreuses molécules qui conservent la propriété d’antagoniser (de façon souvent plus transitoire que les molécules de première génération) les récepteurs D2, propriété associée, comme pour les antipsychotiques de première génération, à celle de se lier à d’autres récepteurs que ceux du système dopaminergique. Le sous-groupe le plus représentatif de tels antipsychotiques est celui des antagonistes des récepteurs D2 et sérotoninergiques 5HT2. En dépit de leur efficacité clinique, ces molécules de seconde génération comportent cependant, pour la plupart d’entre elles, un risque métabolique. Une nouvelle ère de recherche a vu le jour pour tenter d’éradiquer ce risque tout en conservant les propriétés des molécules de seconde génération. C’est dans ce mouvement que la piste des agonistes partiels s’est ouverte. L’idée de départ était de mettre au point des molécules conservant la propriété d’agoniste D2 présynaptique, et donc capables de freiner par ce biais la transmission dopaminergique vu l’importance de la réserve D2 présynaptique, tout en étant susceptibles d’entrer en compétition avec la dopamine sur les D2 post-synaptiques dont la réserve est moindre. Au niveau extrapyramidal et tubéro-infundibulaire ce dernier mécanisme serait à même de produire moins d’effets indésirables [1]. De tels antipsychotiques ont été appelés antipsychotiques de troisième génération. L’aripiprazole en est le prototype et le seul agoniste dopaminergique partiel actuellement commercialisé en France dans le traitement de la schizophrénie et des troubles bipolaires.
En prenant l’aripiprazole pour exemple, nous allons dans les pages qui suivent esquisser quelques originalités de ces molécules, l’incidence clinique qu’elles peuvent avoir ainsi que les pistes de recherche qu’elles sont susceptibles d’ouvrir.
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Rappel sur le récepteur dopaminergique
La dopamine agit via sa fixation à un récepteur appartenant à la famille des récepteurs membranaires dits couplés à une protéine G (PGCR) [2]. Ces récepteurs sont constitués d’une protéine comportant 7 domaines transmembranaires reliés par des boucles, une extrémité aminoterminale extracellulaire et une carboxyterminale intracellulaire (Fig. 1). Le récepteur de la dopamine possède un site de reconnaissance et de fixation au niveau des régions transmembranaires. La conformation 3D de ce
Description des caractéristiques de fixation sur un récepteur
L’interaction d’un ligand sur un récepteur peut se caractériser de différentes manières qui sont complémentaires. Il faut tenir compte de son affinité pour le site de liaison (affinité), des activités intracellulaires que cette fixation provoque (efficacité), du mode d’interaction et de la durée de fixation [10]. Ce n’est qu’en tenant compte de toutes ces caractéristiques que l’on pourra comparer des médicaments ciblant le récepteur D2.
Hypersensibilité des récepteurs D2
L’hypersensibilité des récepteurs D2 se définit par le développement d’un nombre croissant de récepteurs D2, suite à leur blocage chronique par des antagonistes de ces mêmes récepteurs, et ce afin de tenter de rétablir une transmission DA physiologique. Le risque, connu depuis longtemps [20] d’une telle hypersensibilité est le développement de dyskinésies tardives et d’une aggravation de la symptomatologie psychotique à l’interruption ou à la réduction de dose du traitement antipsychotique.
Mécanisme d’action de l’aripiprazole
L’affinité de l’aripiprazole pour de nombreux récepteurs a été largement étudiée [27]. De ces études, il ressort une forte affinité pour les récepteurs dopaminergiques D2 et D3 et, les récepteurs sérotoninergiques 5-HT1A, 5-HT2A, 5-HT2B et 5-HT7. Pour les sous-types 5-HT1D, 5-HT2C et les autres récepteurs (α-adrénergiques, histaminergiques), l’affinité retrouvée était plus modérée voire négligeable (récepteurs : D1, D4, D5, GABAergique, glutamatergique et morphinique). La part respective des
Incidence clinique
En quoi le problème de l’hypersensibilité des récepteurs D2, conséquence de l’antagonisme des récepteurs du même nom, peut-il avoir une incidence sur la pratique clinique ?
L’absence d’induction d’une telle hypersensibilité avec un agoniste partiel tel que l’aripiprazole, plaide pour l’utilisation de ce dernier en première intention lors d’un premier épisode psychotique, et ce afin d’éviter le cercle vicieux qui s’instaure en cas d’hypersensibilité, qui conduit à une augmentation des doses d’un
Conclusions
À travers l’exemple de l’aripiprazole, on peut entrevoir l’impact clinique que peuvent avoir les agonistes partiels DA du fait de leurs propriétés biologiques. Les agonistes partiels DA développés à la suite de l’aripiprazole et dont certains sont déjà sur le marché dans d’autres pays que le nôtre, possèdent une activité intrinsèque différente sur les récepteurs D2, ciblent également d’autres récepteurs DA tels que les D3, et comportent des profils réceptoriels différents sur les systèmes
Déclaration de liens d’intérêts
J.M. Azorin : Janssen, Lundbeck, Otsuka.
N. Simon : Ethypharm, Lundbeck, Mylan, Otsuka.
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