Article de rechercheRelation entre la violence intra-hospitalière des patients avec psychoses et la violence dans la communautéAssociation between the violence in the community and the aggressive behaviors of psychotics during their hospitalizations
Introduction
Depuis les années 1990, des études épidémiologiques rigoureuses permettent de constater que les personnes atteintes d’un trouble mental sévère (schizophrénie, trouble schizo-affectif, troubles délirants et troubles bipolaires, selon la définition d’Hodgins et al.) présentent un risque augmenté de commettre une infraction violente, comparées au reste de la population [1]. Néanmoins, le nombre absolu des agressions commis par les patients reste faible [2]. De même, l’essentiel des homicides n’est pas dû aux malades mentaux graves [3]. Les facteurs de risque de violence chez les patients vivant dans la communauté sont le diagnostic de trouble psychotique ou de trouble thymique, le sexe masculin, l’âge jeune, le célibat, un faible niveau socio-économique ou éducationnel, des antécédents de violence subies ou agies, l’abus de toxiques autre que la nicotine et la non-compliance aux traitements [4], [5], [6], [7], [8], [9], [10].
Si on considère le risque de violence chez les patients hospitalisés, les études s’accordent sur l’importance prépondérante des facteurs cliniques comme l’intensité des symptômes, plus que sur les facteurs sociodémographiques comme l’âge, le sexe ou le contexte économique [11]. Les facteurs qui semblent le plus significativement liés à la violence des patients au cours de leur hospitalisation sont les diagnostics de schizophrénie, de troubles thymiques ou d’abus de substances, un faible degré d’insight et l’intensité de la symptomatologie positive et de désorganisation. Les antécédents de violence apparaissent également être un facteur prédictif important de violence [11], [12], [13], [14], [15], [16].
L’impact du milieu, c’est-à-dire, de la violence dans la communauté de vie, sur la violence des patients avec psychoses reste discuté [17], [18], [19]. Ainsi, la croyance selon laquelle le taux d’homicides commis par les malades mentaux serait fixe dans le monde, indépendant de leur pays d’origine, est largement répandue [20], [21], [22], [23]. Cette conception a été étendue aux agressions non létales commises par les patients souffrant d’une maladie mentale sévère [24], [25]. Certains auteurs ont cependant mis en évidence une relation entre le nombre d’homicides commis par les patients schizophrènes et le taux d’homicides dans la communauté de vie [26]. Selon ces auteurs, les facteurs liés à la violence dans la société affectent les patients, comme, l’abus de substances, l’accès aux armes, la vie urbaine, un faible statut socio-économique ou une migration récente [26]. Une critique adressée aux travaux sur le sujet a été que ces études examinent seulement les facteurs de risque pris individuellement. De ce fait, il est difficile d’étudier les liens entre les différents facteurs de risque et leur influence respective sur la violence des patients [27]. Par contre, le lien existant entre la violence dans la communauté et celle observée dans les unités d’hospitalisation n’a pas été étudié. Il en résulte que nous ne pouvons pas affirmer que les unités d’hospitalisation délivrant les soins à des secteurs géographiques, où la violence est élevée, sont susceptibles de constater des niveaux de violence hospitalière augmentés.
Nous avons donc voulu étudier le lien entre la violence des patients hospitalisés dans les services de psychiatrie et le taux de violence de leur secteur d’habitation, tout en contrôlant les facteurs classiquement associés aux comportements violents.
Le but de cette étude était de comparer le niveau de violence des patients avec psychose, hospitalisés sous contrainte dans 9 services de psychiatrie de 9 villes, ayant chacune des taux contrastés de violence à la personne.
Section snippets
Schéma de l’étude
Nous avons mené une étude prospective, multicentrique, dans neuf villes françaises. Neuf secteurs de psychiatrie correspondant à des bassins de population ayant de forts contrastes de leur niveau de violence (données de l’Observatoire national de la délinquance 2007) ont été choisis. Cinq secteurs couvraient des zones géographiques urbaines et semi-urbaines : Caen, Nîmes, Rennes, Rouen et Rodez ; quatre autres secteurs couvraient des zones exclusivement urbaines : Épinay-sur-Seine (Épinay,
Caractéristiques des services de psychiatrie
De juin 2010 à mai 2011, 95 patients ont été inclus dans l’étude, chaque service concerné incluant 3 à 20 patients. Tous les patients éligibles durant la phase d’inclusion ont été inclus. Les caractéristiques des 9 services de psychiatrie sont représentées dans le Tableau 1. Les services de psychiatrie n’étaient pas différents pour l’organisation générale, les pratiques courantes, le nombre de psychiatres et de soignants par lit et la superficie rapportée au nombre de lits. La durée moyenne du
La violence des patients
Dans cette étude, 79 % des patients ont montré un comportement violent au cours de leur hospitalisation. La violence était essentiellement verbale. Trente-trois patients ont commis des actes de violence jugés sérieux envers les autres et 6 % ont commis des agressions qui ont occasionné des blessures graves. Ces données sont concordantes avec d’autres études s’intéressant à la violence des patients hospitalisés. Elles montrent que la violence est un problème fréquent en psychiatrie mais que les
Conclusion
En hospitalisation, et plus particulièrement en psychiatrie, la violence des patients apparaît fréquente et a des répercussions négatives sur les soins, le sentiment de sécurité des patients et des soignants [12]. Nos résultats suggèrent que la violence dans l’environnement de vie des patients souffrant de troubles psychotiques puisse être un des facteurs associés au passage à l’acte violent au cours de leur hospitalisation.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références (48)
- et al.
Risk of violence and serious mental disorders
Ann Med Psychol
(2005) - et al.
Risque d’homicide et troubles mentaux graves : revue critique de la littérature
Encéphale
(2009) - et al.
Community care and criminal offending in schizophrenia
Lancet
(2000) - et al.
Predicting violence in schizophrenia: a prospective study
Schizophr Res
(2004) - et al.
The relationship between the rate of homicide by those with schizophrenia and the overall homicide rate: a systematic review and meta-analysis
Schizophr Res
(2009) - et al.
Violence in first-episode psychosis: a systematic review and meta-analysis
Schizophr Res
(2011) - et al.
Insight and clinical correlates in schizophrenia
Compr Psychiatry
(1997) - et al.
Identifying aspects of neighbourhood deprivation associated with increased incidence of schizophrenia
Schizophr Res
(2014) - et al.
Mental disorder and crime: evidence from a Danish birth cohort
Arch Gen Psychiatry
(1996) - et al.
Treatment engagement and violence risk in mental disorders
Br J Psychiatry
(2006)
Social networks, social support and violence among persons with severe persistent illness
Violence and psychiatric disorder in the community: evidence from the epidemiologic catchment area surveys
Hosp Community Psychiatry
Violence in schizophrenia and bipolar disorder
Psychiatr Danub
Risk factors for violence in psychosis: systematic review and meta-regression analysis of 110 studies
PloS One
Prediction of inpatient violence
Acta Psychiatr Scand
Frequency and severity of aggressive incidents in acute psychiatric wards in Switzerland
Clin Pract Epidemiol Ment Health
Prevalence and precipitants of aggression in psychiatric inpatients units
Aust N Z J Psychiatry
The relationship of gender to violent behavior in acutely disturbed psychiatric patients
J Clin Psychiatry
A review and meta-analysis of the patient factors associated with psychiatric in-patients aggression
Acta Psychiatr Scand
HAS/Service des bonnes pratiques professionnelles – Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro-agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur. Recommandations de la commission d’audition
Schizophrenia and violence: systematic review and meta-analysis
PloS Med
History of violent behaviour and schizophrenia in different cultures
Br J Psychiatry
Criminal offending in schizophrenia over a 25-year period marked by deinstitutionalization and increasing prevalence of comorbid substance use disorders
Am J Psychiatry
Violence and psychiatric morbidity in a national household population—a report from the British Household Survey
Am J Epidemiol
Cited by (3)
Aggressive behaviour and medicine
2022, Bulletin de l'Academie Nationale de MedecineAggressive Behavior and Psychiatric Inpatients: a Narrative Review of the Literature with a Focus on the European Experience
2021, Current Psychiatry ReportsA profile of adult acute admissions to lentegeur psychiatric hospital, South Africa
2019, South African Journal of Psychiatry