ÉpidémiologieCaractéristiques sociodémographiques et cliniques de patients souffrant de troubles bipolaires suivis en ambulatoire en France métropolitaineWho are patients suffering from bipolar disorders in France? The TEMPPO survey: Patients’ sociodemographic and clinical characteristics data
Introduction
Le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur remarquable par la diversité de ses expressions cliniques. Si certains patients souffrant de trouble bipolaire présentent de profondes phases dépressives ou à l’inverse des phases d’irritabilité, d’excitation, d’activités accrues, de nombreux autres présentent des formes atypiques d’allure caractérielle, pseudonévrotique avec des comorbidités au premier plan. Ainsi, la caractérisation du trouble dans le DSM-IV (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’American Psychiatric Association) est-elle un cadre général qui efface les diversités expressives de ce trouble expliquant les errances diagnostiques, particulièrement concernant le trouble bipolaire de type II. On rappellera que le trouble bipolaire de type I est caractérisé par la présence d’au moins un épisode maniaque ou mixte chez des sujets ayant présenté ou non un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs et que le trouble bipolaire de type II est caractérisé par la survenue d’un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs accompagnés d’au moins un épisode hypomaniaque mais sans manie franche. Il n’est donc pas surprenant que son identification soit difficile tant en épidémiologie clinique que dans la pratique médicale individuelle. Il en résulte que de nombreux sujets souffrant de formes atypiques, notamment les plus jeunes, ne sont pas suivis au sein de structures psychiatriques [1].
Malgré une sous-estimation probable, la prévalence du trouble bipolaire est estimée à 1 % avec des variations selon les études considérées (0,3 à 5,1 %) [2]. Pour les raisons que nous avons mentionnées, on peut estimer qu’une prévalence de 3 à 5 % pourrait être plus proche de la réalité témoignant de la sensibilité et de la spécificité des outils et des méthodologies d’évaluation [1], [3], [4]. L’évolution de ces paramètres diagnostiques et méthodologiques a ainsi pu montrer une incidence plus importante du trouble ces dernières décennies, notamment en utilisant des outils plus aboutis pour aborder les dimensions hypomaniaque et dépressive [5].
Cette évolution s’est accompagnée d’une meilleure définition des comorbidités associées (abus de substances etc.) [6] et d’une meilleure connaissance de l’impact des troubles bipolaires en termes de qualité de vie et de santé publique.
On conçoit aisément que la nature de cette maladie impose une prise en charge plurifactorielle dépendant notamment de la phase thymique considérée, de la typologie et de l’histoire clinique du patient, mais aussi de l’arsenal thérapeutique actuellement disponible, ainsi que des habitudes et des pratiques des psychiatres [7], [8].
Lorsque nous avons initié l’étude TraitEment Médicamenteux et histoire de la maladie des Patients souffrant de troubles biPOlaires (TEMPPO) en 2008, il n’existait pas en France de recommandations thérapeutiques officielles pas plus qu’il n’y avait d’informations sur les modalités de prise en charge en ambulatoire des troubles bipolaires I ou II, notamment lorsque l’on considérait l’ensemble des expressions cliniques du trouble. Notamment, aucune étude n’avait encore utilisé d’échantillon représentatif de la population des psychiatres exerçant en France métropolitaine afin d’en évaluer les habitudes de prescription au sein de la population de patients bipolaires [9], [10], [11], [12], [13].
L’objectif principal de la présente étude était ainsi de décrire de la manière la plus précise l’état de la prise en charge thérapeutique des patients bipolaires vus en consultation par les psychiatres en France, et plus particulièrement de déterminer la proportion de patients souffrant de troubles bipolaires traités par antipsychotiques. Les résultats de l’étude ont été colligés en 2011. Une volonté de plus grande clarté de l’exposé des résultats nous a incitée à les présenter dans deux articles distincts : le présent article vise à décrire la typologie d’une population de patients bipolaires en France, qu’ils soient suivis en ville ou à l’hôpital, et d’en identifier les caractéristiques cliniques. Le second article concerne les modalités de prescription pharmacologiques et non pharmacologiques ainsi que leur cohérence avec les recommandations [14].
Section snippets
Méthodes
L’étude TEMPPO est une étude pharmaco-épidémiologique observationnelle, transversale, multicentrique, conduite en France métropolitaine, entre novembre 2008 et mai 2009 et portant sur la prise en charge ambulatoire des patients suivis par des psychiatres hospitaliers et/ou libéraux pour un trouble bipolaire de type I ou de type II.
Caractéristiques des psychiatres enquêteurs
Le processus de recrutement des psychiatres est présenté dans le Tableau 1. Parmi les 197 psychiatres ayant accepté de participer à l’étude, 175 centres ont été mis en place et 135 ont été actifs. Les psychiatres actifs étaient âgés en moyenne de 49 ans, comprenaient 65 % d’hommes et avaient une activité privée/mixte dans 66 % des cas ; ils ont vu en moyenne leurs patients une fois par mois.
Calcul de la prévalence des troubles bipolaires suivis par des psychiatres
Les psychiatres du secteur public recevaient en moyenne (± écart-type) 14,5 ± 11,7 patients atteints de
Discussion
L’étude TEMPPO a permis de mieux cerner les caractéristiques des patients bipolaires suivis par les psychiatres en France.
Dans l’ensemble, cette étude a confirmé que les troubles bipolaires sont sévères et invalidants avec une prédominance d’épisodes dépressifs, une proportion élevée de cycles rapides, de comorbidités psychiatriques et somatiques et de symptômes psychotiques associés. Il ressort également que les patients en phase maniaque présentaient une altération fonctionnelle plus marquée.
Déclaration d’intérêts
L’auteur W. de Carvalho déclare avoir fait des interventions pour BMS, Otsuka, Lundbeck, Janssen et AstraZeneca.
Remerciements
À tous les médecins ayant participé à l’étude ; à CEMKA Eval pour la logistique et l’analyse de cette étude et à Elisabeth Kern de la société Lincoln pour son aide à la rédaction de cet article.
Références (56)
- et al.
Awareness of metabolic concerns in patients with bipolar disorder: a survey of European psychiatrists
Eur Psychiatry.
(2008) - et al.
Treatment practices in the management of patients with bipolar disorder in France. The TEMPPO study
Encéphale.
(2012) - et al.
Neuroleptic drug utilization among schizophrenic outpatients
Rev Epidemiol Sante Publique.
(2005) Prevalence of bipolar II disorder in outpatient depression: a 203-case study in private practice
J Affect Disord.
(1997)- et al.
The prevalence and disability of bipolar spectrum disorders in the US population: re-analysis of the ECA database taking into account subthreshold cases
J Affect Disord.
(2003) Épidémiologie du trouble bipolaire
Ann Med Psychol
(2009)- et al.
Bipolar disorder
Lancet.
(2002) - et al.
Prevalence and burden of bipolar disorders in European countries
Eur Neuropsychopharmacol.
(2005) - et al.
Risk factors associated with lifetime suicide attempts in bipolar I patients: findings from a French National Cohort
Compr Psychiatry.
(2009) - et al.
Clinical correlates of first-episode polarity in bipolar disorder
Compr Psychiatry.
(2006)