Elsevier

Cancer/Radiothérapie

Volume 12, Issues 6–7, November 2008, Pages 640-648
Cancer/Radiothérapie

Mise au point
Chimioradiothérapie des cancers de l’œsophage : chronique d’un échec locorégionalRadiochemotherapy for oesophageal cancer: A locoregional failure history

https://doi.org/10.1016/j.canrad.2008.09.007Get rights and content

Résumé

Le cancer de l’œsophage est caractérisé par un essaimage ganglionnaire et métastatique qui sont erratiques, ce qui lui confère un pronostic sombre. La chimioradiothérapie concomitante exclusive de 50 Gy en 25 séances, réalisée selon le protocole du Radiation Therapy Oncology Group 85-01, a permis de voir que 25 % des cas des patients étaient en vie au-delà de cinq ans, alors qu’aucun patient ne survivait à cette maladie avec une irradiation seule. Les résultats de la chirurgie, même combinée à une chimioradiothérapie préopératoire, sont tout aussi décevants pour des tumeurs localement évoluées rendant l’indication d’une irradiation préopératoire très controversée. Les essais de modification du fractionnement, de l’étalement ou des volumes d’irradiation permettent de retrouver des taux de rechute locorégionale stable, aux alentours de 35 à 45 %. L’incidence en augmentation des adénocarcinomes doit faire rediscuter des volumes d’irradiation car la lymphophilie semble également différer des carcinomes épidermoïdes. À travers l’analyse des taux d’envahissements ganglionnaires pour chacune des deux formes histologiques (carcinomes épidermoïdes et adénocarcinomes), nous proposons des recommandations sur les volumes d’irradiation pour un patient atteint d’un cancer de l’œsophage. Enfin, nous avons analysé les taux d’échec locorégional en fonction des doses d’irradiation, ainsi que des volumes d’irradiation préconisés, pour contribuer à mieux comprendre l’absence d’impact d’une escalade de dose de radiothérapie dans les cancers œsophagiens dans le cadre d’une chimioradiothérapie exclusive.

Abstract

Esophageal cancer is characterized by various degrees of lymph node invasion and metastasis, both of which are associated with a poor prognosis. Exclusive concomitant radiochemotherapy (RCT) at a dose of 50 Gy delivered over 25 sessions, according to the RTOG 85-01 protocol, has led to improved five-year survival in 25% of patients, whereas no patients survive for five years using radiotherapy alone. Surgery, even when combined with preoperative RCT, also gives disappointing results for locally advanced tumors, which casts serious doubts on the usefulness of preoperative radiotherapy. By varying the fractionation schedule, the length of treatment or the radiotherapy volumes, it has become possible to obtain levels of locoregional relapse of around 35 to 45%. The increasing incidence of adenocarcinoma, which differs from epidermoid cancer with regard to the degree of lymph node invasion, has revived discussion on radiotherapy volumes. Given this difference between these two histological forms, we propose here a number of recommendations concerning radiotherapy volumes for patients presenting with cancer of the esophagus. Finally, analysis of the results for locoregional relapse according to the dose of radiation and the recommended radiotherapy volumes, has led us to investigate why increasing the dose of radiation has no impact in esophageal cancers.

Introduction

Le cancer de l’œsophage représente le troisième cancer digestif en Europe. En France, la survie entre 1992 et 1997 restait stable, dans tous les cas, et ce au fil du temps, variant entre 9 et 13 % [21]. Les modifications d’incidence et de mortalité observées plus récemment chez l’homme et chez la femme pourraient s’expliquer par les variations de type histologiques qui sont apparues en Europe dans la même période, puisque l’adénocarcinome de l’œsophage représente maintenant plus de 50 % des cas de tumeurs cancéreuses de l’œsophage [8], [42], [51]. Le cancer de l’œsophage possède un potentiel métastatique ganglionnaire très important ; cet envahissement survient précocement et souvent très à distance du site de la tumeur primitive. Quel que soit le stade, le pronostic est particulièrement défavorable. Cela est lié en partie, à un diagnostic retardé lié à des symptômes souvent tardifs. La chirurgie curative n’est, de ce fait, possible que pour un très petit nombre de patients. Jusqu’à présent, la prise en charge thérapeutique des adénocarcinomes et celle des carcinomes épidermoïdes était similaire et les résultats souvent mixés sans distinction. Pourtant, le terrain, la nature évolutive et la présentation clinique sont très différents. Les résultats majeurs des deux essais randomisés américains du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) 85-01 et 94-05 (ou Intergroupe 0123) ont inclus principalement dans 87 % des cas des patients atteints de carcinome épidermoïde [24], [36]. Les résultats de l’essai 85-01 ont définitivement validé la chimioradiothérapie exclusive de 50 Gy en cinq semaines associée à deux cures de cisplatine et de 5-fluoro-uracile concomitantes et deux cures adjuvantes, comme le traitement standard des cancers de l’œsophage non opérables [24]. L’essai 94-05 a montré l’absence de bénéfice en contrôle local ni en survie globale d’une escalade de dose à 64,8 Gy sur six semaines et demi [36]. Nous proposons, au travers d’une revue de la littérature, de mieux comprendre, à partir de séries chirurgicales, les taux d’envahissement ganglionnaire pour chacune des formes histologiques et d’analyser les causes d’échec de l’essai du RTOG 94-05 afin d’établir des recommandations sur les volumes d’irradiation et les doses à délivrer dans le cas d’un patient présentant un cancer de l’œsophage.

Section snippets

Radiochimiosensibilité

La radiosensibilité et chimiosensibilité semblent différer entre les deux types histologiques. In vitro, les données sont assez contradictoires puisque la radiosensibilité semble très variable entre différentes lignées cellulaires de même type histologique (carcinome œsophagien ou adénocarcinome gastrique) [5], [26]. Des données plus succinctes existent, où la radiosensibilité des deux formes histologiques, carcinome épidermoïde et adénocarcinome, provenant exclusivement de tumeurs

Imagerie et volume-cible

En l’absence de chirurgie, une meilleure évaluation du stade de la maladie par l’imagerie reste le meilleur moyen de diminuer les taux de rechute locorégionale grâce à une irradiation mieux ciblée. La problématique de l’apport de l’imagerie dans le cancer de l’œsophage reste complexe, car les résultats de chaque examen se corrèlent mal entre eux [40]. La précision de la scanographie, qui reste à la base de la planification de traitement en radiothérapie, est mauvaise pour définir

Propositions pour la définition des volumes cibles

Le volume tumoral macroscopique doit inclure la tumeur visible sur le scanner et les adénopathies macroscopiquement envahies (≥1 cm et/ou hyperfixant à la TEP et/ou envahies en échoendoscopie). Pour préciser les limites crâniocaudales de la tumeur, une fusion de la TEP et de la scanographie peut être utile ou bien plus simplement, un transit œsophagien.

Le volume cible anatomoclinique doit inclure les extensions microscopiques dans la paroi œsophagienne et prendre en considération le risque

Tumeurs non résécables

Les essais du RTOG (85-01 et Intergroupe 0123) ont inclus principalement des carcinomes épidermoïdes (87 % des patients). Les résultats du protocole du RTOG 85-01 ayant comparé une radiothérapie exclusive de 64 Gy à une chimioradiothérapie de 50 Gy associant quatre cures de cisplatine et 5-fluoro-uracile dont deux concomitantes, ont permis de définir le bras chimioradiothérapie comme étant le traitement de référence [24]. Deux volumes d’irradiation étaient planifiés dans ce protocole. Pour le

Conclusions

Les cancers de l’œsophage sont des tumeurs radiosensibles. Le traitement standard des cancers de l’œsophage localement avancés classés T3N0N1 ou inopérables reste une chimioradiothérapie concomitante classique selon le protocole dit « Herskovic » établi d’après les résultats de l’essai du RTOG 85-01. Une des causes d’échec locorégional principale est liée à un drainage ganglionnaire erratique reposant sur un réseau lymphatique multiple et complexe. Une meilleure connaissance des aires

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      Here, we report results from a benchmark case procedure performed to evaluate the protocol compliance of participating institutions in terms of target volumes and organ-at-risk (OAR) delineations as well as treatment planning. Patients with locally advanced or unresectable esophageal cancer were randomized to receive a 40-Gy elective nodal irradiation on lymph node stations with a risk of microscopic involvement ≥20% as defined by the RTOG,14,15 with a dose escalation to the primary tumor and the involved nodes up to either 10 Gy (arm A) or 26 Gy (arm B). Patients received the same oxaliplatin-based concurrent chemotherapy every 2 weeks with 3 cycles concurrent with RT and 3 cycles adjuvant (weeks 1, 3, 5, 7, 9, and 11).4

    • Involved field irradiation for the treatment of esophageal cancer: Is it better than elective nodal irradiation?

      2015, Cancer Letters
      Citation Excerpt :

      Second, the accuracy of pre-therapeutic staging with respect to lymph node metastasis needs to be improved in the future. Therefore, by varying the radiotherapy volumes, it becomes feasible to obtain levels of LRC rate of around 55%–65% [42]. The esophageal wall has a rich network of lymphatic drainage, and EC, especially esophageal squamous cell carcinoma, has a higher potential for lymphatic metastases along the esophageal axis to multiple level nodes or to the nodes distant from the primary lesion.

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