Tumeurs raresSyndrome associé aux variants pathogènes constitutionnels de DICER1 : Où en sommes-nous en 2019 ?DICER1 constitutional pathogenic variant syndrome: Where are we in 2019?
Introduction
Les variants pathogènes constitutionnels inactivant le gène DICER1 sont responsables d’un spectre de maladies rares qui s’est beaucoup élargi ces dernières années (tableau I) [1]. La constitution d’un registre américain regroupant ces patients et leurs familles ainsi que l’enregistrement des patients dans des bases européennes de données de tumeurs rares ont permis de mieux identifier les maladies associées à ce syndrome mais également d’étudier sa physiopathologie avec la mise en évidence du rôle des miARN. Dans cet article, les auteurs font le point sur les connaissances actuelles sur les pathologies associées au syndrome DICER1 et sur les recommandations de traitement, de suivi et de dépistage.
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Physiopathologie
Le gène DICER1 est exprimé de façon ubiquitaire. Il code la protéine DICER1, une ribonucléase (RNAse) intervenant dans la régulation de l’expression de nombreux gènes. Dans le cytoplasme, elle clive les précurseurs de microARN (miARN) en miARN matures, petits ARN double brin d’environ 22 nucléotides capables d’inhiber l’expression de leurs gènes cibles en s’hybridant à leurs ARN messagers. Ceci entraîne une inhibition de leur traduction en protéine ou un clivage de l’ARN messager. Cependant,
Pleuro-pneumoblastome (PPB) de l’enfant
Le PPB est une tumeur pulmonaire très rare survenant dans la petite enfance, généralement avant l’âge de six ans. Il s’agit d’une tumeur maligne dysembryonnaire supposée provenir du mésenchyme pleuropulmonaire. Il en existe trois entités clinicopathologiques interdépendantes sur un continuum développemental: le PPB de type I (kystique), de type II (solide et kystique) ou de type III (solide). Le PPB kystique de type I peut soit évoluer vers le PPB agressif de type II et de type III, soit
Prise en charge thérapeutique des PPB
Le traitement multimodal a permis d’améliorer son pronostic. Environ 90 % des enfants avec des PPB de type I, plus de 70 % des types II et plus de 50 % des types III peuvent être guéris par des associations de chirurgie, de chimiothérapie et parfois de radiothérapie. La chirurgie reste une étape majeure soit au diagnostic (essentiellement pour les types I), soit après une chimiothérapie néoadjuvante [19], [20]. Aucune étude prospective ou comparative n’a été publiée dans le PPB jusqu’à présent.
Syndrome DICER1 et expression thyroïdienne
Depuis les premières descriptions cliniques du syndrome DICER1, le goitre multi-nodulaire (GMN), défini comme une augmentation anormale du volume thyroïdien avec une ou plusieurs lésions solides, est rapporté comme fréquemment associé au tableau clinique. Dans certaines familles porteuses de l’anomalie génétique, cela peut même être l’expression phénotypique la plus fréquente du syndrome [23]. Si la prévalence du GMN augmente dans la population générale avec l’âge, elle est extrêmement faible
Les tumeurs du stroma et des cordons sexuels de l’ovaire du syndrome DICER1 : aspects cliniques et anatomopathologiques
Les tumeurs du stroma et des cordons sexuels (TCS) sont rares, représentant à peine 5 % des tumeurs ovariennes. Elles sont classées en quatre groupes (OMS 2014) : 1-les tumeurs stromales pures ; 2-les tumeurs des cordons sexuels pures ; 3-les tumeurs mixtes regroupant les tumeurs à cellules de Sertoli Leydig et 4-les tumeurs du stroma et des cordons sexuels sans autre caractéristique (NOS). Des variants pathogènes somatiques de DICER1 sont retrouvées dans les TCS de type Sertoli-Leydig dans
Pathologies rénales associées aux variants pathogènes de DICER1
Le gène DICER1 est impliqué dans l’embryogénèse rénale et son inactivation est responsable d’anomalies parenchymateuses et de malformations de l’appareil urinaire [37]. Le travail du registre américain a montré l’existence de pathologies rénales dans ce syndrome avec en particulier la description de néphromes kystiques (NK) et de sarcomes anaplasiques rénaux.
Le NK est une tumeur rénale bénigne essentiellement multikystique à parois fines. Il est le plus souvent unilatéral mais des formes
Génétique : diagnostic, recommandations de suivi
La création d’un Registre International des PPB en 1988 (IPPBR) a permis dès les années 1990 de s’interroger sur cette nouvelle prédisposition aux cancers de l’enfant. En 2009, l’étude de onze histoires familiales de PPB a permis d’identifier des variants pathogènes constitutionnels mono-alléliques (à l’état hétérozygote) du gène DICER1 retenues comme responsables d’un facteur de prédisposition au PPB [48]. C’est en constatant que 20 % des patients présentaient un antécédent personnel ou
Diagnostic moléculaire génétique
Le diagnostic moléculaire du syndrome DICER1 consiste en la mise en évidence d’un variant pathogène constitutionnel du gène DICER1. L’analyse de tous les exons codants et les jonctions exon-intron est nécessaire car ces variants pathogènes constitutionnels peuvent être localisés sur l’ensemble du gène [52]. Il s’agit le plus souvent de variants ponctuels entraînant l’apparition d’un codon stop prématuré : substitutions non-sens, insertions/délétions ou variants d’épissage. Il est également
Intérêt de la prise en charge génétique
Ce syndrome se transmet sur un mode autosomique dominant. Le risque tumoral associé apparaît dès la période néonatale et est élevé pendant l’enfance et l’adolescence. Il est plus important chez la fille que le garçon du fait des atteintes de l’ovaire et du col de l’utérus ainsi que d’une plus grande fréquence de l’atteinte thyroïdienne. La pénétrance est variable et estimée à 15 % [56]. Cette pénétrance pourrait être réévaluée à la hausse en tenant compte d’atteintes passées inaperçues comme
Surveillance
Un symposium international sur le syndrome DICER1, en 2016, a permis d’établir les premières recommandations de surveillance des patients porteurs d’un variant pathogène constitutionnel de DICER1 en considérant l’intérêt d’un diagnostic tumoral précoce [10]. Ces recommandations sont les mêmes pour tous les individus porteurs d’une altération de DICER1, indépendamment de l’histoire familiale et devraient se préciser dans les années à venir. Les examens de surveillance indiqués dans le tableau III
Conclusion
Le syndrome DICER1 est donc en cours de caractérisation et comporte désormais bien d’autres tumeurs que celles décrites initialement. Les indications de dépistage s’élargissent et les recommandations de surveillance sont mieux définies. Les traitements des pathologies tumorales, bénignes ou malignes sont de mieux en mieux codifiés grâce aux travaux des groupes collaborateurs s’intéressant aux tumeurs rares. Les travaux des bases de données et des registres permettent de colliger de manière
Déclaration de liens d’intérêts
les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références (56)
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Ovarian Sertoli Leydig cell tumours in children and adolescents: an analysis of the European Cooperative Study Group on Pediatric Rare Tumors (EXPeRT)
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