Elsevier

Archives de Pédiatrie

Volume 24, Issue 1, January 2017, Pages 58-65
Archives de Pédiatrie

Mise au point
Intérêt de la ventilation non invasive en réanimation pédiatrique : doit-on espérer un autre niveau de preuve ?Non-invasive ventilation in children: Do we need more evidence?

https://doi.org/10.1016/j.arcped.2016.10.012Get rights and content

Résumé

La ventilation non invasive (VNI) permet de s’affranchir de certains effets indésirables de la ventilation invasive, de diminuer la durée d’hospitalisation et améliore la survie de certains patients. L’importance de l’utilisation de la VNI en pratique courante contraste avec le manque d’études prospectives ou d’études randomisées contrôlées pédiatriques dans ce domaine. L’objectif de cette revue est de recenser les principales indications de VNI de courte durée en réanimation pédiatrique : bronchiolite, détresse respiratoire après extubation, syndrome de détresse respiratoire aiguë, pneumopathie aiguë, asthme aigu grave, syndrome thoracique aigu, décompensation cardiaque gauche, décompensation d’une insuffisance respiratoire chronique, obstruction des voies aériennes supérieures et soins de support. La plupart de ces indications reposent sur des données descriptives et des opinions d’experts, peu étant issues d’essais randomisés. Alors que le bénéfice de la VNI est évident dans certaines indications, comme la bronchiolite, il est plus discutable dans d’autres. La surveillance des patients et de marqueurs d’échec est donc capitale.

Summary

Respiratory failure is the leading cause of hospital admissions in the pediatric intensive care unit (PICU) and is associated with significant morbidity and mortality. Mechanical ventilation, preferentially delivered by a non-invasive route (NIV), is currently the first-line treatment for respiratory failure since it is associated with a reduction in the intubation rate. This ventilatory support is increasingly used in the PICU, but its wider use contrasts with the paucity of studies in this field. This review aims to describe the main indications of NIV in acute settings: (i) bronchiolitis; (ii) postextubation respiratory failure; (iii) acute respiratory distress syndrome; (iv) pneumonia; (v) status asthmaticus; (vi) acute chest syndrome; (vii) left heart failure; (viii) exacerbation of chronic respiratory failure; (ix) upper airway obstruction and (x) end-of-life care. Most of these data are based on descriptive studies and expert opinions, and few are from randomized trials. While the benefit of NIV is significant in some indications, such as bronchiolitis, it is more questionable in others. Monitoring these patients for the occurrence of NIV failure markers is crucial.

Introduction

La défaillance respiratoire est la première cause d’admission en réanimation pédiatrique et elle est associée à une mortalité proche de 10 % [1], [2]. Près de la moitié des patients admis en réanimation pédiatrique nécessite un support ventilatoire (invasif ou non invasif) dans le cadre d’une pathologie respiratoire [2]. La ventilation non invasive (VNI) permet de s’affranchir de certains effets indésirables de la ventilation invasive, de diminuer la durée d’hospitalisation et améliore la survie de certains patients [3], [4]. Dans le terme VNI sont inclus deux types de support ventilatoire :

  • la ventilation à un seul niveau de pression avec une simple pression expiratoire positive (PEP), c’est la pression positive continue (PPC) ou Continuous Positive Expiratory Pressure (CPAP) des anglosaxons ;

  • la ventilation à deux niveaux de pression, Bilevel Positive Airway Pressure (BiPAP) des anglosaxons.

L’importance de l’utilisation de la VNI en pratique courante contraste avec le manque d’études pédiatriques prospectives ou randomisées et contrôlées dans ce domaine [5], [6], [7], [8]. Néanmoins, même avec leurs limites méthodologiques, les études cliniques descriptives ont permis de mettre en évidence l’intérêt et l’efficacité de la VNI dans certaines indications (bronchiolite, pneumopathie, etc.) [9]. Cependant, l’arrivée récente de nouvelles méthodes de support ventilatoire, comme les canules à haut débit (High Flow Nasal Cannula [HFNC]), et les progrès réalisés dans l’optimisation des réglages de VNI font que les indications aiguës de VNI évoluent. L’objectif de cette revue est de recenser les principales indications de VNI de courte durée en réanimation pédiatrique, à partir des données descriptives et des opinions d’experts disponibles, malgré le manque d’évidences issues d’essais randomisés. Nous n’avons pas souhaité considérer l’HFNC comme un type de support ventilatoire non invasif, bien que ce point de vue soit discuté dans la littérature [10]. En effet, les mécanismes d’action de l’HFNC ne sont pas parfaitement élucidés et d’un point de vue physiologique, son efficacité reste moindre comparée à celle de la VNI [11].

Section snippets

Bronchiolite aiguë

C’est l’une des indications pour laquelle la VNI est largement utilisée en pédiatrie. En effet, pour les formes sévères nécessitant une admission en réanimation, la VNI en mode CPAP est apparue comme le support ventilatoire de premier choix depuis une quinzaine d’année. Sur le plan physiologique, les études de mesures du travail respiratoire ont permis de prouver le bénéfice de la VNI en termes de réduction du travail respiratoire et d’optimiser les réglages de ventilation, comme le niveau

Détresse respiratoire après extubation

Dans la cohorte étudiée par Essouri et al., les détresses respiratoires après extubation représentaient l’indication la plus fréquente de VNI (61 patients) [5]. De nombreux facteurs peuvent rentrer en compte dans leur survenue : obstacle des voies aériennes supérieures, accumulation de sécrétions oropharyngées, dysfonction diaphragmatique, atélectasies, épanchements pleuraux. Chez l’adulte, quelques travaux randomisés contrôlés ont démontré le bénéfice de la VNI dans cette indication [25] mais

Syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA)

Le SDRA de l’enfant a été le sujet d’un conférence de consensus récente, la Pediatric Acute Lung Injury Consensus Conference (PALICC), qui a notamment permis de clarifier sa définition et ses stades de gravité [34]. La VNI est de plus en plus utilisée dans le SDRA de l’enfant [35]. Une fois de plus, son utilisation relativement fréquente dans cette indication contraste avec le peu d’études prospectives contrôlées réalisées chez l’enfant. En dépit du nombre limité de travaux publiés, la PALICC a

Pneumopathie aiguë

Les pneumopathies aiguës sont une indication fréquente de VNI en réanimation pédiatrique [4], [9], [38] (tableau II). Ces affections peuvent être d’origine infectieuse ou secondaire à une inhalation et elles peuvent aussi bien survenir chez l’enfant sain que chez l’enfant immunodéprimé ou atteint d’une pathologie neuromusculaire. Fortenberry et al. ont montré sur une cohorte descriptive de 28 patients majoritairement atteints de pneumopathie que la VNI pouvait améliorer l’oxygénation dans les

Asthme aigu grave (AAG)

L’utilisation de la VNI dans l’AAG est sujette à controverse. Chez l’adulte, les travaux ont montré que son utilisation était associée à une amélioration des paramètres respiratoires cliniques mais il n’a jamais été prouvé un quelconque bénéfice sur le taux d’intubation, la durée d’hospitalisation ou la survie [52], [53]. Chez l’enfant, quelques études, dont certaines randomisées contrôlées, ont montré un bénéfice de la VNI associée aux traitements standards en termes d’amélioration des

Syndrome thoracique aigu (STA)

Les études effectuées chez des patients drépanocytaires atteints de STA sont rares et, en raison de leur méthodologie, ne permettent pas de conclure formellement à une efficacité de la VNI [58]. Quelques travaux descriptifs ont mis en évidence un certain intérêt (70 patients [59], 35 épisodes [60]), si bien que les dernières recommandations sur la prise en charge du STA suggèrent l’utilisation de ce mode de ventilation [61]. L’utilisation de 2 niveaux de pressions permettrait l’amélioration du

Décompensation cardiaque gauche

Dans l’insuffisance cardiaque gauche, la mise en place d’une PEP a fait preuve de son efficacité chez l’adulte, pour qui il existe un consensus sur l’utilisation de la VNI dans la prise en charge des décompensations cardiaques de type œdème aigu du poumon (OAP) [63], [64]. Chez l’enfant, l’OAP est peu fréquent et survient le plus souvent en cas de cardiopathie congénitale ou acquise. Les études portant sur l’intérêt de la VNI dans l’OAP de l’enfant sont rares et descriptives. La plupart d’entre

Décompensation d’une insuffisance respiratoire chronique

Les patients atteints d’insuffisance respiratoire chronique, dans le cadre d’une maladie neuromusculaire ou d’une maladie pulmonaire chronique, peuvent bénéficier d’une VNI à court ou à long terme [67], [68]. La fragilité de ces patients les rend sujets à de fréquentes décompensations aiguës, les facteurs déclenchant étant le plus souvent infectieux. Dans les maladies neuromusculaires, la plupart des études ont porté sur l’intérêt de la VNI au long cours et peu de travaux ont été publiés sur

Obstruction des voies aériennes supérieures

La plupart des travaux réalisés chez l’enfant ayant une obstruction des voies aériennes supérieures portent sur l’indication de VNI de manière chronique, principalement dans le cadre de laryngomalacies avec une part importante d’obstruction dynamique [73], [74]. À notre connaissance, aucune étude pédiatrique n’a évalué l’utilisation de la VNI de courte durée en cas de décompensation aiguë, mais au regard des études physiopathologiques qui montrent une réduction significative du travail

Soins de support

Les symptômes respiratoires chez l’enfant en situation de fin de vie sont fréquents et peuvent être mal vécus par les parents. La VNI est apparue récemment comme une possibilité thérapeutique dans ces situations, associée aux traitements de confort [76], [77], en particulier chez les patients préalablement ventilés dans le cadre d’une pathologie chronique (maladie neuromusculaire, insuffisance respiratoire chronique, etc). Chez l’adulte, Nava et al. ont mis en évidence un bénéfice de la VNI en

Quelle limite ne pas dépasser ?

Comme nous l’avons vu, la place de la VNI reste discutable dans un certain nombre d’indications (notamment dans les pathologies hypoxémiantes) en raison de la physiopathologie des pathologies en cause et du manque de données dans la littérature (tableau III). Dans ces situations, la VNI pourrait n’avoir aucun bénéfice, voire même entraîner des risques pour le patient. C’est pourquoi la surveillance de ces patients est capitale et la survenue de marqueurs d’échec ou de détérioration (ou

Conclusion

De manière générale, la fréquence d’utilisation de la VNI contraste avec le manque de données pédiatriques, en particulier le manque d’études prospectives randomisées contrôlées. Néanmoins, les résultats apportés par les études descriptives de grande taille encouragent l’utilisation de la VNI dans certaines indications, au premier rang desquelles la bronchiolite. Ce constat doit encourager l’ensemble des équipes à la réalisation d’études randomisées afin de valider ce support ventilatoire déjà

Aides financières

Aucune.

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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