Elsevier

Annales de Pathologie

Volume 31, Issue 6, December 2011, Pages 442-454
Annales de Pathologie

Mise au point
Place du pathologiste dans la prise en charge néoadjuvante des cancers du seinNeoadjuvant treatment of breast cancer: Implications for the pathologist

https://doi.org/10.1016/j.annpat.2011.10.003Get rights and content

Résumé

La place de la stratégie néoadjuvante dans le traitement des cancers du sein s’est considérablement développée ces dernières années. Actuellement, l’indication première de la chimiothérapie néoadjuvante est d’obtenir une régression tumorale suffisante pour permettre un geste chirurgical conservateur. Le développement de cette stratégie est soutenu par les nouvelles générations de chimiothérapie et de thérapies ciblées qui offrent des taux importants de réponse histologique complète. Le pathologiste est au cœur de cette démarche pluridisciplinaire. Dans un premier temps, il fournit sur la biopsie préthérapeutique les caractéristiques biopathologiques essentielles à la fois pour poser l’indication et choisir le type de traitement néoadjuvant. Sur un matériel souvent exigu, il doit établir le type histologique, le grade histopronostique, le niveau de prolifération (compte mitotique et index Ki67/MIB1), le statut des récepteurs hormonaux (récepteur des œstrogènes et récepteur de la progestérone) et de l’oncogène HER2. Dans un second temps, il évalue le type de réponse histologique et la qualité de l’exérèse chirurgicale sur la pièce opératoire après traitement, paramètres importants pour le suivi ultérieur des patients, puisqu’une réponse histologique complète après chimiothérapie néoadjuvante est un critère de bon pronostic. Plusieurs systèmes de grading existent pour déterminer la qualité de la réponse histologique, tant au niveau de la tumeur que des ganglions axillaires, les plus utilisés actuellement en France étant ceux de Chevallier et de Sataloff. Cette mise au point détaille ces différentes étapes, rappelle les critères recommandés pour une prise en charge de qualité et aborde les perspectives futures, notamment en matière de biomarqueurs prédictifs.

Summary

These past few years, neoadjuvant strategy has taken an increasing place in the management of breast cancer patients. This strategy is mainly indicated to obtain a tumour bulk regression allowing a breast conserving surgery in patients that otherwise would have undergone mastectomy. Of note, development of new chemotherapy agents and targeted therapies has critically helped in the progress of neoadjuvant strategy as it is currently associated with better pathological response rates. In this context, the pathologist is at the crossroad of this multidisciplinary process. First, he provides on the initial core needle biopsy the tumour pathological characteristics that are critical for the choice of treatment strategy, i.e. histological type, histological grade, proliferative activity (mitotic count and Ki67/MIB1 index labeling), hormone receptor status (oestrogen receptor and progesterone receptor) and HER2 status. Secondly, the pathologist evaluates the pathological response and the status of surgical margins with regards to the residual tumour on the surgical specimen after neoadjuvant treatment. These parameters are important for the management of the patient, since it has been shown that complete pathological response is associated with improved disease free survival. Several grading systems are used to assess the pathological response in breast and axillary lymph nodes. The most frequently used in France are currently the systems described by Sataloff et al. and Chevallier et al. In this review, we detail the different steps involving the pathologist in neoadjuvant setting, with special regards to the quality process and future perspectives such as emerging predictive biomarkers.

Introduction

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent, avec 49 800 nouveaux cas en France en 2005, soit 36 % des cancers féminins [1]. Malgré les avancées en termes de prévention et de prise en charge, il reste responsable de 11 000 décès par an et la première cause de mortalité féminine par cancer devant le cancer colorectal [2]. Tous stades confondus, la mortalité à cinq ans du cancer du sein est estimée à 27 %, ce qui le place dans le groupe des cancers de meilleur pronostic, mais doit être largement pondéré par l’indiscutable hétérogénéité clinique et biologique de cette maladie.

Parmi les cancers du sein, il existe en effet un certain nombre de formes plus agressives, tant sur le plan clinique (e.g. cancer du sein localement avancé, cancer du sein inflammatoire) que biopathologique (e.g. cancer du sein surexprimant l’oncogène HER2, cancer du sein triple-négatif [n’exprimant ni les récepteurs hormonaux, ni HER2], cancer du sein hautement proliférant), qui peuvent être redevables d’un traitement néoadjuvant. Le plus souvent, il s’agira d’un traitement par chimiothérapie, seule ou associée à une thérapie ciblée anti-HER2. A contrario, il est aussi admis par de nombreuses équipes qu’une hormonothérapie néoadjuvante peut être proposée (hors AMM) à des femmes ménopausées, ayant une tumeur localement avancée qui exprime les récepteurs hormonaux et de bas grade dans le but de faciliter l’acte chirurgical ultérieur.

Apparue dans les années 1980 pour les tumeurs inflammatoires et localement avancées, la chimiothérapie néoadjuvante avait historiquement pour but d’améliorer le contrôle locorégional de la maladie. Rapidement, d’autres avantages ont été évoqués :

  • la possibilité d’offrir une chirurgie conservatrice ultérieure ;

  • le traitement précoce de la maladie micrométastatique et ;

  • la possibilité d’évaluer la chimiosensibilité tumorale in vivo, permettant d’ajuster le choix des traitements ultérieurs.

À l’heure actuelle, on identifie ainsi trois grandes indications à un traitement néoadjuvant [3], [4], [5], [6] :

  • les cancers du sein inflammatoires (classés T4d), représentant 5 % des cancers du sein, imposant une chimiothérapie néoadjuvante suivie d’un traitement locorégional non conservateur ;

  • les cancers du sein localement avancés (classés T4a, b, c ou N2/N3), relativement rares, dans le but de faciliter le geste chirurgical secondaire ;

  • l’optique d’une conservation de la glande mammaire, indication la plus fréquente, notamment pour des tumeurs classées T2/T3 pour lesquelles le rapport taille de la tumeur/taille du sein ne permet pas un geste chirurgical conservateur d’emblée. Dans cette situation, il s’agit en général d’une tumeur qui, après bilan locorégional optimal (incluant une IRM avec mise en place d’un repérage de la lésion, par exemple de type repère métallique) [7], est unifocale, sans contingent carcinomateux in situ (i.e. microcalcifications) étendu. La décision de traitement néoadjuvant est dans ce contexte pluridisciplinaire, impliquant le radiosénologue, le pathologiste, le chirurgien et l’oncologue, et prend bien sûr en considération le souhait de la patiente [3].

Plusieurs méta-analyses [8], [9], regroupant plus de 3000 patientes incluses dans différents essais randomisés et comparant les modalités de traitement, ont montré une absence de différence significative en termes de survie globale ou de survie sans récidive entre la chimiothérapie néoadjuvante et la chimiothérapie adjuvante. En revanche, ces études démontrent l’efficacité de la stratégie néoadjuvante pour la conservation mammaire, avec des taux de conservation variant de 28 à 89 % selon les études, sans impact négatif sur le taux de rechute locale dans la mesure où le traitement locorégional a été complet (i.e. chirurgie obligatoire, même en cas de réponse clinique complète, et radiothérapie) [8], [9].

L’évaluation de la réponse au traitement néoadjuvant est, d’une part, clinique et radiologique et, d’autre part, histopathologique sur pièce opératoire. La concordance entre ces différentes évaluations est loin d’être parfaite compte-tenu des importants remaniements fibro-inflammatoires liés au traitement néoadjuvant, et seule la réponse histologique prévaut en définitive [10], [11], [12]. Les taux de réponse histologique varient considérablement suivant les études, en fonction des types de traitement et du mode d’évaluation de la réponse [13], [14], [15], [16], [17], [18]. Avec les thérapies actuellement utilisées, les taux de réponse vont jusqu’à 30 % pour une chimiothérapie à base de taxanes/anthracyclines, et jusqu’à 65 % pour le traitement néoadjuvant associant chimiothérapie et trastuzumab dans le cadre d’un cancer du sein surexprimant HER2 [4], [19], [20], [21], [22], [23], [24]. De façon extrêmement intéressante, la réponse histologique complète telle que déterminée sur la pièce opératoire constitue un marqueur prédictif d’une survie globale améliorée (survie à neuf ans à 75 % vs 58 % en cas de résidus tumoraux dans l’étude du NSABP-B18) [4], [11], [25].

Dès lors, la place du pathologiste dans la stratégie néoadjuvante est double :

  • établir les éléments du diagnostic sur la biopsie préthérapeutique permettant de :

    • poser correctement les indications d’un traitement néoadjuvant et,

    • fournir si possible des éléments prédictifs d’une réponse histologique complète ;

  • déterminer le type de réponse histologique sur la pièce opératoire (sein et ganglions axillaires) après traitement néoadjuvant.

Section snippets

Biopsie préthérapeutique

À l’ère des thérapeutiques ciblées et de la biologie moléculaire, la biopsie préthérapeutique (a fortiori dans le cadre d’une stratégie néoadjuvante) constitue à n’en pas douter un véritable challenge pour le pathologiste. Nanotechnologies ou pas, l’infatigable pathologiste va en effet devoir fournir un maximum d’informations utiles sur un matériel tissulaire le plus souvent exigu, et terriblement précieux car, lui, épuisable ! Si la patiente est en réponse histologique complète après

Évaluation de la réponse au traitement – prise en charge macroscopique

À l’instar des pièces opératoires mammaires standards, la prise en charge macroscopique des pièces opératoires après traitement néoadjuvant a pour objectif d’obtenir des informations concernant les aspects morphologiques, topographiques et histopronostiques utiles pour la poursuite du traitement [40]. L’analyse des pièces opératoires postchimio/ou hormonothérapie va apporter une information supplémentaire qui est l’évaluation de la sensibilité des cellules tumorales aux drogues administrées [4].

Évaluation de la réponse au traitement – prise en charge microscopique

L’évaluation microscopique d’une pièce de résection mammaire post-traitement néoadjuvant va prendre en compte des critères histologiques qualitatifs mais aussi quantitatifs (ou semi-quantitatifs), intégrés dans un système de grading. Comme pour toute pièce opératoire, le pathologiste devra préciser la taille de la tumeur résiduelle et la distance aux berges. Par ailleurs, des évaluations complémentaires, notamment par IHC, voient actuellement le jour. Un récapitulatif des éléments

Conclusion et perspectives

La chimiothérapie néoadjuvante représente un volet majeur dans l’éventail des stratégies thérapeutiques disponibles pour la prise en charge des patientes présentant un cancer du sein. L’avènement des nouvelles générations de chimiothérapie et des thérapies ciblées ne fait que renforcer ce rôle primordial, comme en témoigne la place croissante réservée à la stratégie néoadjuvante dans les congrès internationaux de ces deux dernières années. Plus que jamais, le pathologiste est au cœur du

Take-home messages

Take-home messages sont :

  • un traitement néoadjuvant est indiqué en cas de cancers du sein inflammatoire, localement avancé, ou le plus souvent afin d’obtenir une régression tumorale autorisant un geste chirurgical conservateur initialement non possible ;

  • les éléments décisifs pour la décision thérapeutique sont fournis sur la biopsie préthérapeutique (type histologique, grade, prolifération, statut des récepteurs hormonaux et de HER2) ;

  • l’évaluation de la pièce opératoire doit indiquer le type de

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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