Mise au pointPlace du pathologiste dans la prise en charge néoadjuvante des cancers du seinNeoadjuvant treatment of breast cancer: Implications for the pathologist
Introduction
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent, avec 49 800 nouveaux cas en France en 2005, soit 36 % des cancers féminins [1]. Malgré les avancées en termes de prévention et de prise en charge, il reste responsable de 11 000 décès par an et la première cause de mortalité féminine par cancer devant le cancer colorectal [2]. Tous stades confondus, la mortalité à cinq ans du cancer du sein est estimée à 27 %, ce qui le place dans le groupe des cancers de meilleur pronostic, mais doit être largement pondéré par l’indiscutable hétérogénéité clinique et biologique de cette maladie.
Parmi les cancers du sein, il existe en effet un certain nombre de formes plus agressives, tant sur le plan clinique (e.g. cancer du sein localement avancé, cancer du sein inflammatoire) que biopathologique (e.g. cancer du sein surexprimant l’oncogène HER2, cancer du sein triple-négatif [n’exprimant ni les récepteurs hormonaux, ni HER2], cancer du sein hautement proliférant), qui peuvent être redevables d’un traitement néoadjuvant. Le plus souvent, il s’agira d’un traitement par chimiothérapie, seule ou associée à une thérapie ciblée anti-HER2. A contrario, il est aussi admis par de nombreuses équipes qu’une hormonothérapie néoadjuvante peut être proposée (hors AMM) à des femmes ménopausées, ayant une tumeur localement avancée qui exprime les récepteurs hormonaux et de bas grade dans le but de faciliter l’acte chirurgical ultérieur.
Apparue dans les années 1980 pour les tumeurs inflammatoires et localement avancées, la chimiothérapie néoadjuvante avait historiquement pour but d’améliorer le contrôle locorégional de la maladie. Rapidement, d’autres avantages ont été évoqués :
- •
la possibilité d’offrir une chirurgie conservatrice ultérieure ;
- •
le traitement précoce de la maladie micrométastatique et ;
- •
la possibilité d’évaluer la chimiosensibilité tumorale in vivo, permettant d’ajuster le choix des traitements ultérieurs.
À l’heure actuelle, on identifie ainsi trois grandes indications à un traitement néoadjuvant [3], [4], [5], [6] :
- •
les cancers du sein inflammatoires (classés T4d), représentant 5 % des cancers du sein, imposant une chimiothérapie néoadjuvante suivie d’un traitement locorégional non conservateur ;
- •
les cancers du sein localement avancés (classés T4a, b, c ou N2/N3), relativement rares, dans le but de faciliter le geste chirurgical secondaire ;
- •
l’optique d’une conservation de la glande mammaire, indication la plus fréquente, notamment pour des tumeurs classées T2/T3 pour lesquelles le rapport taille de la tumeur/taille du sein ne permet pas un geste chirurgical conservateur d’emblée. Dans cette situation, il s’agit en général d’une tumeur qui, après bilan locorégional optimal (incluant une IRM avec mise en place d’un repérage de la lésion, par exemple de type repère métallique) [7], est unifocale, sans contingent carcinomateux in situ (i.e. microcalcifications) étendu. La décision de traitement néoadjuvant est dans ce contexte pluridisciplinaire, impliquant le radiosénologue, le pathologiste, le chirurgien et l’oncologue, et prend bien sûr en considération le souhait de la patiente [3].
Plusieurs méta-analyses [8], [9], regroupant plus de 3000 patientes incluses dans différents essais randomisés et comparant les modalités de traitement, ont montré une absence de différence significative en termes de survie globale ou de survie sans récidive entre la chimiothérapie néoadjuvante et la chimiothérapie adjuvante. En revanche, ces études démontrent l’efficacité de la stratégie néoadjuvante pour la conservation mammaire, avec des taux de conservation variant de 28 à 89 % selon les études, sans impact négatif sur le taux de rechute locale dans la mesure où le traitement locorégional a été complet (i.e. chirurgie obligatoire, même en cas de réponse clinique complète, et radiothérapie) [8], [9].
L’évaluation de la réponse au traitement néoadjuvant est, d’une part, clinique et radiologique et, d’autre part, histopathologique sur pièce opératoire. La concordance entre ces différentes évaluations est loin d’être parfaite compte-tenu des importants remaniements fibro-inflammatoires liés au traitement néoadjuvant, et seule la réponse histologique prévaut en définitive [10], [11], [12]. Les taux de réponse histologique varient considérablement suivant les études, en fonction des types de traitement et du mode d’évaluation de la réponse [13], [14], [15], [16], [17], [18]. Avec les thérapies actuellement utilisées, les taux de réponse vont jusqu’à 30 % pour une chimiothérapie à base de taxanes/anthracyclines, et jusqu’à 65 % pour le traitement néoadjuvant associant chimiothérapie et trastuzumab dans le cadre d’un cancer du sein surexprimant HER2 [4], [19], [20], [21], [22], [23], [24]. De façon extrêmement intéressante, la réponse histologique complète telle que déterminée sur la pièce opératoire constitue un marqueur prédictif d’une survie globale améliorée (survie à neuf ans à 75 % vs 58 % en cas de résidus tumoraux dans l’étude du NSABP-B18) [4], [11], [25].
Dès lors, la place du pathologiste dans la stratégie néoadjuvante est double :
- •
établir les éléments du diagnostic sur la biopsie préthérapeutique permettant de :
- ∘
poser correctement les indications d’un traitement néoadjuvant et,
- ∘
fournir si possible des éléments prédictifs d’une réponse histologique complète ;
- ∘
- •
déterminer le type de réponse histologique sur la pièce opératoire (sein et ganglions axillaires) après traitement néoadjuvant.
Section snippets
Biopsie préthérapeutique
À l’ère des thérapeutiques ciblées et de la biologie moléculaire, la biopsie préthérapeutique (a fortiori dans le cadre d’une stratégie néoadjuvante) constitue à n’en pas douter un véritable challenge pour le pathologiste. Nanotechnologies ou pas, l’infatigable pathologiste va en effet devoir fournir un maximum d’informations utiles sur un matériel tissulaire le plus souvent exigu, et terriblement précieux car, lui, épuisable ! Si la patiente est en réponse histologique complète après
Évaluation de la réponse au traitement – prise en charge macroscopique
À l’instar des pièces opératoires mammaires standards, la prise en charge macroscopique des pièces opératoires après traitement néoadjuvant a pour objectif d’obtenir des informations concernant les aspects morphologiques, topographiques et histopronostiques utiles pour la poursuite du traitement [40]. L’analyse des pièces opératoires postchimio/ou hormonothérapie va apporter une information supplémentaire qui est l’évaluation de la sensibilité des cellules tumorales aux drogues administrées [4].
Évaluation de la réponse au traitement – prise en charge microscopique
L’évaluation microscopique d’une pièce de résection mammaire post-traitement néoadjuvant va prendre en compte des critères histologiques qualitatifs mais aussi quantitatifs (ou semi-quantitatifs), intégrés dans un système de grading. Comme pour toute pièce opératoire, le pathologiste devra préciser la taille de la tumeur résiduelle et la distance aux berges. Par ailleurs, des évaluations complémentaires, notamment par IHC, voient actuellement le jour. Un récapitulatif des éléments
Conclusion et perspectives
La chimiothérapie néoadjuvante représente un volet majeur dans l’éventail des stratégies thérapeutiques disponibles pour la prise en charge des patientes présentant un cancer du sein. L’avènement des nouvelles générations de chimiothérapie et des thérapies ciblées ne fait que renforcer ce rôle primordial, comme en témoigne la place croissante réservée à la stratégie néoadjuvante dans les congrès internationaux de ces deux dernières années. Plus que jamais, le pathologiste est au cœur du
Take-home messages
Take-home messages sont :
- •
un traitement néoadjuvant est indiqué en cas de cancers du sein inflammatoire, localement avancé, ou le plus souvent afin d’obtenir une régression tumorale autorisant un geste chirurgical conservateur initialement non possible ;
- •
les éléments décisifs pour la décision thérapeutique sont fournis sur la biopsie préthérapeutique (type histologique, grade, prolifération, statut des récepteurs hormonaux et de HER2) ;
- •
l’évaluation de la pièce opératoire doit indiquer le type de
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références (54)
- et al.
Recommendations from an international expert panel on the use of neoadjuvant (primary) systemic treatment of operable breast cancer: new perspectives 2006
Ann Oncol
(2007) - et al.
Magnetic resonance imaging of the breast: recommendations from the EUSOMA working group
Eur J Cancer
(2010) - et al.
Clinical and pathological response to primary chemotherapy in operable breast cancer
Eur J Cancer
(1997) - et al.
ERBB2 overexpression in breast carcinomas: no positive correlation with complete pathological response to preoperative high-dose anthracycline-based chemotherapy
Eur J Cancer
(2000) - et al.
Pre-operative systemic (neo-adjuvant) therapy with trastuzumab and docetaxel for HER2-overexpressing stage II or III breast cancer: results of a multicenter phase II trial
Ann Oncol
(2006) - et al.
Different responses to preoperative chemotherapy for invasive lobular and invasive ductal breast carcinoma
Eur J Surg Oncol
(2003) - et al.
The poor responsiveness of infiltrating lobular breast carcinomas to neoadjuvant chemotherapy can be explained by their biological profile
Eur J Cancer
(2004) - et al.
Proliferation markers predictive of the pathological response and disease outcome of patients with breast carcinomas treated by anthracycline-based preoperative chemotherapy
Eur J Cancer
(2004) - et al.
Update of the GEFPICS’ recommendations for HER2 status determination in breast cancers in France
Ann Pathol
(2010) - et al.
Ki67 in breast cancer: prognostic and predictive potential
Lancet Oncol
(2010)
Breast cancer molecular profiling with single sample predictors: a retrospective analysis
Lancet Oncol
A functional genetic approach identifies the PI3 K pathway as a major determinant of trastuzumab resistance in breast cancer
Cancer Cell
Decline in breast cancer incidence in 2005 and 2006 in France: a paradoxical trend
Bull Cancer
Cancer incidence and mortality in France over the period 1978–2000
Rev Epidemiol Sante Publique
A multidisciplinary approach to neoadjuvant therapy for primary operable breast cancer. Challenges and opportunities
Oncology (Williston Park)
Neoadjuvant therapy for breast cancer
J Surg Oncol
Neoadjuvant chemotherapy of breast cancer: tumor markers as predictors of pathologic response, recurrence, and survival
Breast J
Neoadjuvant versus adjuvant systemic treatment in breast cancer: a meta-analysis
J Natl Cancer Inst
Neoadjuvant chemotherapy for operable breast cancer
Br J Surg
Breast cancer response to neoadjuvant chemotherapy: predictive markers and relation with outcome
Br J Cancer
Effect of preoperative chemotherapy on the outcome of women with operable breast cancer
J Clin Oncol
Prognostic value of persistent node involvement after neoadjuvant chemotherapy in patients with operable breast cancer
Br J Cancer
Pathobiology of preoperative chemotherapy: findings from the National Surgical Adjuvant Breast and Bowel (NSABP) protocol B-18
Cancer
Primary chemotherapy in breast invasive carcinoma: predictive value of the immunohistochemical detection of hormonal receptors, p53, c-erbB-2, MiB1, pS2 and GST pi
Br J Cancer
Induction chemotherapy for breast carcinoma: predictive markers and relation with outcome
Int J Oncol
No significant predictive value of c-erbB-2 or p53 expression regarding sensitivity to primary chemotherapy or radiotherapy in breast cancer
Int J Cancer
The effect on tumor response of adding sequential preoperative docetaxel to preoperative doxorubicin and cyclophosphamide: preliminary results from National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project Protocol B-27
J Clin Oncol
Cited by (10)
CEA and early detection of relapse in breast cancer subtypes: Comparison with CA 15-3
2016, Bulletin du CancerCan pathologic complete response (pCR) be used as a surrogate marker of survival after neoadjuvant therapy for breast cancer?
2015, Critical Reviews in Oncology/HematologyCitation Excerpt :However, the histopathological assessment methods are usually not reported in the literature. It is known, for instance, that one of the difficulties arises from the fact that the response to therapy could be either concentrated (residual tumor core surrounded by fibrosis/inflammation), or dispersed (fragments with isolated carcinoma cells) [15,16]. Therefore, cutting methods (complete screening of the tumor or only a few sections from a representative site), thickness of the sections and quality of the sampling can result in obvious differences in pathologic responses.
Clinical value of CA 15-3 for early detection of relapse in locally advanced breast cancer
2015, Bulletin du CancerImmunohistochemical study of Ki-67 in Hyperplastic and Endometrium Carcinoma: A Comparative Study
2022, Archives of Razi InstituteThe effects of the nanosphere carrier for the combined carmustine-busulfan trastuzumab in human breast cancer tissue culture
2019, Annals of Tropical Medicine and Public HealthCA 125 assay in the extension assessment of newly diagnosed breast cancers: Why and how?
2018, Annales de Biologie Clinique