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Introduction

Au début des années 1990, les ministères de la Formation professionnelle et de l’Enseignement supérieur de la Tunisie ont engagé un vaste chantier de réformes éducatives. Le but de ces réformes est de mettre en place de nouveaux programmes pour tous les niveaux de la sphère éducative, afin de préparer la Tunisie à faire face aux défis du développement économique, dictés par la mondialisation. Ces réformes ont pour objectif ultime la formation des compétences tunisiennes répondant à tous les besoins des entreprises, leur permettant ainsi de faire face aux mutations économiques nationales et internationales. En effet, les différentes études réalisées par le gouvernement tunisien, dans plusieurs secteurs d’activités, ont défini des besoins vitaux en compétences, à cause notamment, de déficits relativement importants en techniciens supérieurs. En 1990, ce déficit était évalué à environ 70 % du total des besoins des entreprises (Mazeran et al., 2007).

Pour répondre à ces besoins, le gouvernement tunisien a créé en 1992, le réseau des Instituts supérieurs des études technologiques. Ces Instituts, mieux connus sous l’acronyme des ISET, sont des établissements universitaires à caractère scientifique et technologique. Leur mission principale consiste à former des techniciens supérieurs, aussi bien pour le secteur industriel que pour le secteur des services. La durée des études est de cinq semestres, soit deux ans et demi, comprenant des stages en entreprises.

L’implantation du réseau des ISET a connu un grand succès. En effet, le nombre de ces établissements est passé de 7 en 1995 à 24 en 2006 avec plus de 30 000 étudiants aujourd’hui contre 2 125 en 1995 (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique en Tunisie, 1995, 2009). De plus, les ISET ont affiché, durant ces années, des faibles taux de redoublement et d’abandon et ont connu un grand succès en ce qui concerne le placement de leurs étudiants sur le marché du travail (Banque mondiale, 2006).

Ces multiples avantages ne doivent pas cacher des préoccupations majeures. En effet, l’accroissement de l’effectif des étudiants et l’émergence de nouvelles demandes (par exemple dans le domaine de la formation continue ou du recyclage professionnel) poseront de manière cruciale la question de la pérennité du financement des ISET et rendront urgente la recherche de l’efficience dans la gestion de leurs ressources.

Dans un pareil contexte, il nous semble donc utile de poser un diagnostic sur le réseau des ISET, en nous interrogeant sur sa performance et sur les facteurs qui déterminent celle-ci.

De nombreux pays (Royaume-Uni, Australie, Canada, Pays-Bas) ont développé la culture de l’évaluation, de la construction à la publication d’indicateurs au niveau de l’enseignement universitaire, comme en témoigne l’importante littérature consacrée à ce sujet[1]. Beaucoup de ces indicateurs sont partiels. Parmi ceux-ci, la dépense par étudiant permet de renseigner sur l’effort d’un pays concernant le financement de son enseignement supérieur; la dépense par diplômé mesure la productivité des institutions dans leur mission éducative et le nombre de publications par tête mesure la productivité des institutions en matière de recherche. Cette analyse par ratio a l’avantage de présenter une grande simplicité de mise en oeuvre, mais pose le problème de l’agrégation de ces indices pour obtenir une mesure de la performance globale.

Une deuxième approche, plus ambitieuse que les ratios et beaucoup plus précise, consiste à utiliser la méthode économétrique stochastique (SFA) (Aigner, Lovell et Schmidt, 1977; Meeusen et van den Broeck, 1977) pour construire une fonction de production. Le SFA permet de mesurer l’efficience avec laquelle un output peut être obtenu à l’aide de différentes combinaisons de facteurs de production pour une technologie donnée.

Un des avantages de la méthode paramétrique est de permettre la prise en compte des multiples inputs et outputs. Néanmoins, il semble difficile de spécifier une forme fonctionnelle précise dans le cas de l’enseignement supérieur, ce que requiert le SFA. De plus, le niveau d’efficience calculée par le SFA semble devoir être influencé par la loi de distribution du terme d’erreur représentant cette efficience (Bauer, 1990). Ceci implique donc des contraintes, que, dans cette recherche, nous souhaitons relâcher le plus possible.

La méthode DEA (Data Envelopment Analysis), issue de la programmation linéaire, semble répondre à ce critère. Développée par Charnes, Cooper et Rhodes (1978), qui se sont inspirés des travaux de Farrell (1957), la méthode DEA a été conçue initialement pour mesurer l’efficience technique relative d’organisations dont la technologie de production n’est pas nécessairement clairement identifiée, des écoles.

L’efficience mesurée par le DEA est « relative » dans le sens où l’efficience d’une organisation est tributaire de l’ensemble des unités de décision (appelées « Decision Making Units », ou DMU) qui sont prises en référence et dont l’efficience est évaluée en même temps. La méthode DEA permet donc de mesurer l’efficience d’une DMU, en calculant l’écart relatif de cette DMU par rapport à des DMUs cibles, qui construisent de cette façon une frontière de production empirique. Les résultats obtenus par ce biais peuvent servir de point de départ à une procédure d’étalonnage (benchmarking).

La présente recherche a pour objet l’évaluation de l’efficience technique des Instituts supérieurs des études technologiques tunisiens (ISET), en utilisant la méthode du Data Envelopment Analysis. Sur cette base, le reste de l’article est organisé comme suit : dans la section suivante, nous introduisons brièvement la méthode DEA; la troisième section est consacrée à la description de l’échantillon et à celle des variables utilisées; les résultats des estimations sont présentés dans la quatrième section; la dernière section conclut.

1. Mesure d’efficience : la méthode DEA

Le concept d’efficience technique, tel que défini par Farrell (1957) reflète l’habilité d’une entreprise à minimiser la quantité d’inputs utilisés afin d’obtenir un output donné.

La méthode DEA cherche donc à définir une frontière de production déterminée par l’ensemble des DMUs (les établissements universitaires) efficientes techniquement parmi les nDMUs de l’échantillon. Chaque DMUj, (j = 1 …, n) utilise des quantités xij d’inputs (i = 1, …, m), pour produire r outputs différents yrj (r = 1, …, s).

En suivant le modèle à rendements d’échelle constants de Charnes, Cooper et Rhodes (1978) (modèle CCR), on peut estimer l’efficience technique θk avec laquelle la DMU de référence k va utiliser ses inputs xik pour produire les outputs yrk, chacune des nDMU servant de référence k à son tour. À l’aide de la programmation linéaire, le modèle suivant va être solutionné n fois :

Le modèle retenu est à orientation input. Nous avons privilégié cette approche, qui est de diminuer les ressources utilisées pour un output donné (plutôt que de chercher à maximiser l’output sous contrainte des ressources), puisque les ISET ne peuvent déterminer leurs outputs, le produit de l’enseignement étant défini indépendamment des ISET, selon des caractéristiques démographiques et socioéconomiques principalement[2]. En revanche, pour un certain niveau d’outputs donné, les ISET peuvent ajuster leurs inputs variables, afin d’en conserver une quantité optimale. De plus, le choix de la minimisation en inputs semble davantage correspondre aux dernières politiques éducatives qui visent une utilisation plus optimale des ressources dans un contexte budgétaire difficile (Bayenet et Debande, 1999)[3].

Banker, Charnes et Cooper (1984) ont étendu la mesure de l’efficience aux rendements d’échelle variables en introduisant une contrainte supplémentaire dans le modèle, equation: 1899518n.jpg (modèle BCC). Ceci permet de décomposer l’efficience technique globale (TE) obtenue à partir du modèle CCR, en efficience technique pure (PTE), déterminée par le modèle BCC, et en efficience d’échelle (SE), rapport des deux précédentes, equation: 1899519n.jpg[4]. L’efficience d’échelle va permettre de vérifier si la taille d’une DMU est optimale ou si elle peut bénéficier d’économie d’échelle. L’efficience technique pure, elle, traduit l’efficience organisationnelle d’une DMU ou la qualité de son management. Ce sont ces différentes mesures d’efficience que nous calculons pour les ISET.

2. Données et variables retenues

Nous avons utilisé les données de 23 des 24 ISET tunisiens, pour l’année universitaire 2007-2008. L’ISET exclu, étant placé sous la cotutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et de celle du ministère des Technologies de la Communication, bénéficie de plus de ressources que les autres ISET. L’inclure aurait ainsi biaisé les mesures de performance. Toutes les données nécessaires à notre étude nous ont été fournies par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.

Une particularité des établissements d’enseignement postsecondaires est qu’ils réalisent de manière simultanée plusieurs activités (les outputs), en utilisant conjointement différentes ressources (les inputs).

Selon Ahn (1987), trois types d’outputs sont généralement retenus pour caractériser la fonction de production des établissements d’enseignement supérieur : (1) l’enseignement, c’est-à-dire le transfert des connaissances, (2) la recherche ou la création de connaissances, (3) les services et activités rendus à la collectivité.

L’output éducatif est un élément difficile à estimer. En effet, l’idéal pour mesurer réellement la production des établissements postsecondaires serait de calculer la « valeur ajoutée » qu’apporte l’enseignement aux étudiants. Or, ceci ne peut être fait qu’en comparant le niveau de sortie des étudiants avec leur niveau d’entrée, contrôlés par leurs habiletés ou capacités innées (Deller et Rudnicki, 1993), l’influence des pairs (Robertson et Symons, 1996) ou l’éducation des parents (Feinstein et Symons, 2001). C’est pourquoi, il est généralement convenu d’utiliser des indicateurs certes moins complets, mais plus simples à obtenir. Ainsi, les outputs éducatifs les plus souvent utilisés sont le nombre d’étudiants inscrits (Ahn, 1987), le nombre de diplômés (Sinuany-Stern et al., 1994) ou encore le nombre de crédits d’heures de cours par semestre (Sinuany-Stern et al., 1994).

La mesure de l’output « recherche » peut également se révéler problématique. Ahn (1987) note qu’un tel output devrait mesurer la création de nouvelles connaissances ou la validation, voire la correction de connaissances déjà existantes. Dans la littérature, les dépenses ou les subventions de recherche sont parfois utilisées pour mesurer l’output recherche (Johnes, 1995; Bayenet et Debande, 1999). D’autres auteurs estiment l’output recherche en utilisant des variables comme le nombre de publications (Carrington et al., 2005), le nombre de thèses soutenues (Martinez Cabrera, 2000) ou encore le nombre de citations dans les revues scientifiques (Higgins, 1989).

Enfin, l’output « services ou activités rendus à la collectivité » est ignoré dans la plupart des études consacrées à l’évaluation de l’efficience technique des institutions d’enseignement supérieur, car il s’agit d’un output généralement éclectique et difficilement quantifiable.

Dans notre étude, pour évaluer l’efficience technique des ISET, il était nécessaire de disposer des mesures adéquates de leurs produits. L’activité principale des ISET consiste à « produire » des diplômés adaptés aux besoins des milieux industriels et du monde des affaires. De plus, les ISET organisent des enseignements destinés à la formation continue de cadres en vue d’assurer leur adaptation à l’évolution des connaissances scientifiques et techniques. Enfin, dans le cadre de partenariat avec les entreprises, les ISET assurent aux entreprises une palette variée de prestations, comme des travaux de consultation, d’expertise ou d’assistance technique. On notera, qu’à la différence des universités, il n’est pas fait de recherche à proprement parler dans les ISET. Nous avons donc retenu deux outputs qui représentent la « production » des ISET : le nombre des diplômés et le nombre de participants à la formation continue organisée par chaque Institut. À cause de données pouvant prêter à confusion, car relativement imprécises, nous n’avons cependant pas retenu d’output correspondant aux prestations offertes aux entreprises.

Les inputs se rapportent aux ressources humaines et matérielles utilisées par les établissements en vue de produire leurs outputs. Les ressources humaines se composent du personnel enseignant, évalué en équivalent temps complet (Avkiran, 2001) ou à temps complet (Sarafoglou et Haynes, 1996), et du personnel non enseignant, qui peut être très hétérogène (chercheurs, assistants de recherche, personnel administratif et de gestion, ou d’entretien des locaux,…). Le personnel non enseignant peut être approximé par l’effectif du personnel non enseignant en équivalent temps complet (Avkiran, 2001), mais aussi par le nombre de chercheurs (Ng et Li, 2000) ou le nombre d’assistants de recherche (Sarafoglou et Haynes, 1996).

Par ailleurs, les inputs peuvent également être mesurés en termes monétaires, quand les indicateurs physiques manquent. Ainsi peuvent être utilisés comme inputs les dépenses de fonctionnement (Beasley, 1990), les dépenses totales (Ng et Li, 2000) ou les dépenses d’équipement (Beasley, 1990).

Dans notre recherche, les inputs variables retenus ont été classés en trois grandes catégories, et comprennent les personnels « enseignants » et « non enseignants » et les « dépenses en biens et services[5] ». L’input « enseignants » est mesuré en équivalent temps complet, tout comme le facteur « non enseignants ». Les dépenses sont exprimées en mille dinars tunisiens. Comme nous avons retenu une orientation input et que, faute de données, nous n’avons travaillé que sur une seule année, nous avons écarté les facteurs de production fixes ou quasi fixes, qui ne pourraient donc pas être ajustés immédiatement en vue de revenir à l’optimum. Le tableau 1 récapitule les inputs et outputs retenus.

Tableau 1

Statistiques descriptives

Statistiques descriptives
*

avec PART_FC, le nombre de participants à la formation continue

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On notera que la contrainte de Cooper et al. (2004) sur le nombre de DMUs est respectée dans notre spécification. Il reste cependant évident que lorsque le ministère pourra mettre à notre disposition des données sur plusieurs années, les résultats obtenus n’en seront que plus fiables. En effet, on remarquera infra qu’un certain nombre d’ISET se révèlent efficients, et que, en l’état, nous ne pouvons affirmer sans aucun doute que cela ne vient pas du fait que ces DMUs ne sont pas « artificiellement » efficientes car sans autre DMU de référence. On rappelle en effet que la mesure d’efficience permise par le DEA est une efficience relative, donc dépendante de l’échantillon de référence.

3. Résultats

Le tableau 2 résume les résultats obtenus à partir du modèle CCR. L’efficience mesurée ici (efficience totale, TE) désigne donc la capacité d’un établissement universitaire à utiliser un minimum de ressources pour produire un niveau de résultats donné. Les ISET ont une efficience moyenne de presque 80 %. Cela signifie donc qu’en moyenne, les ISET pourraient se séparer de près de 20 % de leurs ressources et parvenir aux mêmes niveaux d’outputs. Par ailleurs, on peut remarquer que plus d’un tiers des ISET sont déclarés efficients dans notre modèle, avec une efficience totale de 100 %. Pour ces ISET, il serait intéressant de poursuivre l’analyse sur plusieurs périodes, afin de vérifier si cette efficience perdure dans le temps.

Tableau 2

Efficience technique totale (TE)

Efficience technique totale (TE)

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Bien que l’efficience totale moyenne soit relativement élevée, on peut noter toutefois que certains ISET ont une efficience faible. Ainsi, presque 15 % des DMUs (3 ISET) ont une efficience de moins de 50 %, ce qui signifie que relativement aux autres Instituts, ceux-ci consomment 50 % de ressources en « trop » pour parvenir aux outputs qu’ils offrent. Le graphique 1 indique la répartition des ISET selon le niveau d’efficience totale atteint.

Comme il existe une certaine disparité entre les niveaux d’efficience des ISET, nous avons voulu vérifier si cela pouvait être expliqué par la répartition géographique des Instituts sur le territoire tunisien. Nous avons ainsi calculé le niveau d’efficience moyen selon les 6 régions administratives de la Tunisie (les « régions de planification », regroupant 24 gouvernorats différents) (cf. tableau 3). Ces régions enregistrent des grandes disparités entre elles. Le Nord-Est et le Centre-Est concentrent ainsi plus de 60 % de la population en 2008 et sont fortement urbanisés avec des grandes villes telles que Tunis qui compte 9,7 % de la population, Sfax (8,8 %) et Sousse (5,8 %). Elles polarisent 88,2 % des entreprises et attirent près de 95 % des entreprises à participation étrangère. Le contraste est frappant avec les régions du Centre-Ouest et du Nord-Ouest, où vivent respectivement 13,4 % et 11,7 % de la population tunisienne et qui attirent chacune moins de 3 % du total des entreprises, sans parler de la désaffection des entreprises à participation étrangère. Il en est également de même avec les régions du Sud (Sud-Est et Sud-Ouest) qui regroupent moins de 15 % de la population totale à elles deux et attirent également très peu d’entreprises qu’elles viennent ou non de l’étranger.

Graphique 1

Répartition des ISET selon leur efficience totale

Répartition des ISET selon leur efficience totale

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En se référant au tableau 3, on peut se rendre compte que trois régions ont une efficience supérieure à la moyenne (Nord-Est, Nord-Ouest et Sud-Est). La région Nord-Est regroupant des ISET situés dans la partie du pays la plus industrialisée, il n’est pas surprenant de voir les ISET de cette région efficients, car on peut s’attendre à ce qu’ils bénéficient d’économies d’échelle. En revanche, si les régions du Nord-Ouest et du Sud-Est regroupent des ISET qui se révèlent parfaitement efficients, les autres établissements de ces deux zones ont une efficience inférieure à la moyenne nationale, voire ont la pire efficience de l’échantillon (cf. au tableau 4, la DMU 23). Pour les établissements efficients à 100 %, l’explication de cette efficience repose néanmoins peut-être sur leur petite taille[6], les laissant ainsi sans comparatif dans l’échantillon et donc « artificiellement » efficients. Ceci restera à valider dans des travaux ultérieurs.

Enfin, on pourra noter l’homogénéité des ISET de la région du Sud-Ouest dans leurs niveaux d’efficience, puisque c’est cette région qui affiche l’écart-type le plus faible dans la mesure de l’efficience.

Tableau 3

Efficience totale moyenne par région

Efficience totale moyenne par région

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Les niveaux d’efficience technique totale (ET) obtenus à partir du modèle CCR peuvent être décomposés en efficience technique pure (PTE), déterminée par le modèle BCC, et en efficience d’échelle (SE) (cf. tableau 4). L’efficience d’échelle moyenne des ISET est de 88,8 %. Parmi les 23 établissements constituant notre échantillon, 8 sont efficients en termes d’échelle, c’est-à-dire, fonctionnent à une échelle de production optimale, correspondant à des rendements d’échelle constants. Cependant, plus de la moitié des ISET connaissent des rendements d’échelle croissants. Pour ces ISET, il pourrait être important d’accroître leur taille, toute hausse des inputs impliquant une hausse plus que proportionnelle des outputs. En augmentant leur taille, ces ISET se rapprocheraient ainsi de leur taille de production optimale, ce qui leur permettrait également de diminuer leurs coûts moyens. Dans notre échantillon, seuls trois ISET connaissent des rendements d’échelle décroissants, indiquant ainsi pour eux une nécessité de diminution de taille. Deux d’entre eux pourraient être classifiés de « vieux » établissements, présents dès 1995. Pour ceux-ci, une mauvaise détermination initiale de la taille optimale pourrait expliquer ce résultat, à cause de la méconnaissance réelle des besoins en début de fonctionnement du système. Il pourrait ainsi être sage de réévaluer correctement les besoins du bassin de population que desservent ces ISET, afin de réestimer leur taille optimale. Il est enfin important de remarquer que, outre les cas où l’efficience totale est maximale (ET=1), on retrouve six ISET pour lesquels l’inefficience totale s’explique par une inefficience d’échelle, avec SE < PTE (et parmi ceux-ci, l’ISET connaissant l’inefficience totale la plus faible, DMU 23 dans le tableau 4). Pour ces ISET, la remarque est particulièrement importante, car elle révèle des problèmes de taille, et non pas des problèmes de gestion potentiellement défaillante, qui seraient dus par exemple à des manques en équipement ou en qualification du personnel de gestion. Ceci devrait pouvoir donner des pistes également pour le gouvernement tunisien si une expansion du système des ISET devait se faire. En revanche, une DMU comme l’ISET 22 semble souffrir de graves problèmes de gestion (indiqué par une PTE faible) et devrait faire l’objet de vérifications plus précises.[7]

Tableau 4

Décomposition des scores d’efficience et nature des rendements d’échelle

Décomposition des scores d’efficience et nature des rendements d’échelle

Note : ET : efficience totale, PTE : efficience pure totale, SE : efficience d’échelle, RS : rendement d’échelle.

Rendements à l’échelle : CRS constants; IRS, croissants; DRS, décroissants.

Régions : NE, Nord-Est; NO, Nord-Ouest; CE, Centre-Est; CO, Centre-Ouest; SE, Sud-Est; SO, Sud-Ouest.

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Conclusion

Dans cette étude, nous avons procédé à la mesure de l’efficience des Instituts supérieurs des études technologiques tunisiens (ISET) en utilisant la méthode non paramétrique d’enveloppement de données, le Data Envelopment Analysis(DEA). Il ressort des résultats empiriques que le fonctionnement de ces établissements se caractérise par une inefficience technique de l’ordre de 20 %, pouvant s’expliquer à la fois par des problèmes de taille des établissements (inefficience d’échelle de 11 % environ) et par des problèmes de gestion (inefficience pure de l’ordre de 10 %). Les ISET semblent donc bien gérés, même si certains d’entre eux mériteraient une analyse plus fine (inefficience pure élevée). En revanche, la volonté de permettre aux étudiants d’accéder à un établissement d’enseignement supérieur partout en région, à une distance du domicile raisonnable, a un coût en termes d’efficience d’échelle, car une majorité des ISET de notre échantillon fonctionnerait de façon optimale si leur échelle de production augmentait. C’est un élément à prendre en considération en cas de volonté de développement encore plus prononcé du réseau. Cependant, le réseau des ISET est relativement jeune et laisse de ce fait de la place à beaucoup d’amélioration. Enfin, il faut rappeler que les mesures d’efficience qui sont faites ici sont relatives, et donc tributaires de l’échantillon disponible. Il sera intéressant dans le futur d’analyser la performance des ISET sur le long terme, en incorporant plusieurs années à l’échantillon initial.