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Dossier

Analyse d’un dysfonctionnement interactionnel – l’interruption – dans le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2007

Marion Sandré
p. 69-81

Résumés

Cet article propose l’analyse d’un dysfonctionnement interactionnel – l’interruption – dans le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2007. Il démontre d’abord que l’interruption est très présente dans ce débat et qu’elle obéit principalement à une visée polémique. Ensuite, l’analyse porte sur les discours accompagnant les interruptions, qui servent à préserver la face et à construire l’ethos discursif des interlocuteurs.

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Texte intégral

  • 1  Voir Kerbrat-Orecchioni, 1992, p. 159-321.
  • 2  Voir Goffman, 1973 et 1974 et Brown, Levinson, 1978.

1L’interruption – le fait de couper la parole à quelqu’un – est un phénomène langagier constant en conversation quotidienne, mais aussi caractéristique du genre du discours débat, très présent dans le sous-genre débat politique, et donc dans la sous-catégorie qu’est le débat politique télévisé. En effet, quand il s’agit de défendre sa vision de la politique (ou d’attaquer celle de l’adversaire) et d’occuper l’espace discursif, l’interruption est très utile, donc fréquemment utilisée. Cependant, elle est aussi « considérée comme […] une offense conversationnelle – en lui “coupant” la parole, on lèse le territoire d’autrui, et on menace sa face » (Kerbrat-Orecchioni, 1990, p. 176). C’est pourquoi ce dysfonctionnement interactionnel est intimement lié à la question de la politesse1, donc à la notion de face2 (qu’il s’agisse de préserver celle d’autrui ou la sienne propre). Si l’interruption est un phénomène tout à fait attendu, et même contraint par le genre débat politique télévisé, elle appelle aussi une certaine négociation de la part des participants pour construire l’interaction, ce qui pose le problème suivant : comment les interactants du débat politique télévisé de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2007 gèrent-ils le dysfonctionnement interactionnel qu’est l’interruption ?

2L’étude proposée s’inscrit dans le cadre de l’analyse du discours, et utilise les outils de l’analyse conversationnelle et interactionnelle. La notion d’inter-action permet de définir l’objet d’étude, le dysfonctionnement interactionnel, comme un phénomène langagier transgressant une règle du fonctionnement idéal de l’interaction. Ainsi l’interruption est un « raté du système des tours » (Kerbrat-Orecchioni, 1990 et Traverso, 1999) : elle transgresse le principe d’alternance, qui garantit le bon enchainement des différents tours de parole, et plus précisément, elle transgresse la règle selon laquelle la fonction locutrice doit être redistribuée après que chaque locuteur a achevé son tour de parole. Il y a donc interruption quand un interlocuteur s’empare de la parole alors que le locuteur en place n’a pas terminé son tour, c’est-à-dire lorsque le changement de tour n’a pas lieu à un point de transition possible, reconnaissable grâce à des « signaux de fin de tour » (Kerbrat-Orecchioni, 1990, p. 165-166). L’identification des interruptions se fait donc au moyen d’indices (ou plutôt de leur absence) et n’est pas régie par une règle absolue, le fonctionnement de l’alternance des locuteurs n’étant pas un système inflexible :

C’est bien en termes de probabilité qu’un tel système doit être traité : les places transitionnelles ne sont jamais que potentielles […] et l’enchaînement est plus ou moins attendu ou inattendu (le problème de l’interruption devant être traité en tenant compte de ce caractère graduel des signaux de relais). (Kerbrat-Orecchioni, 1990, p. 167)

3En effet, l’interruption n’est pas un objet donné : il s’agit nécessairement d’une construction de l’analyste, qui l’évalue au cas par cas. L’interruption étant le phénomène produit par un énoncé interruptif sur un énoncé interrompu, elle prend donc la forme d’un discours. Pour analyser une interruption, il faut s’intéresser à la teneur du discours tenu par celui qui interrompt.

4Il existe deux types d’interruption selon qu’elle est accompagnée ou non d’un chevauchement de parole. Si le locuteur qui interrompt parvient à se glisser dans une pause intradiscursive du locuteur en place, et que ce dernier ne poursuit pas, il y a alors une interruption « nette ». L’autre cas, celui de l’interruption avec chevauchement, se produit lorsque le locuteur qui interrompt ne parvient à couper la parole au locuteur interrompu qu’après avoir parlé en même temps que lui sur un certain nombre de syllabes. Le chevauchement est un autre dysfonctionnement interactionnel, un autre « raté du système des tours », qui se produit à chaque fois que deux locuteurs ou plus parlent en même temps. Il ne sera pas analysé ici en tant que dysfonctionnement à part entière, mais seulement lorsqu’il accompagne une interruption. Si chacun des dysfonctionnements sert à occuper l’espace discursif, la superposition des deux témoigne d’une motivation redoublée pour parvenir à ce but.

  • 3  Nous parlons de genre du discours pour une question de clarté, mais il s’agit en fait d’une sous-c (...)

5Le corpus d’étude est bien défini : il s’agit du débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, organisé le 2 mai 2007. Celui-ci illustre exemplairement le genre du discours débat politique télévisé3. Il présente, comme tous les discours appartenant à ce genre, un emboitement énonciatif entre deux sphères coénonciatives imbriquées :
– la première est l’interaction en contact, construite autour du face-à-face entre les deux candidats qualifiés à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. L’échange du 2 mai 2007 est dirigé par deux animateurs, Patrick Poivre d’Arvor et Arlette Chabot, dont le rôle interactionnel est important, même si leur participation, posée d’office comme impartiale, se borne à la distribution de la parole, au lancement des thématiques et au contrôle des temps de parole ;
– la seconde est la scène englobante, médiatisée, construite entre les participants au débat lui-même et le public, c’est-à-dire l’ensemble des téléspectateurs, qui n’interviennent pas dans cet échange mais le prédéterminent dans son ensemble, puisque c’est bien aux téléspectateurs-électeurs que le débat s’adresse.

6Cet emboitement énonciatif sous-tend tous les objectifs du débat ; car si l’objectif global du genre est de confronter deux visions différentes de la politique en abordant différents thèmes, l’objectif interactionnel des candidats est d’obtenir l’adhésion des téléspectateurs-électeurs aux idées qu’ils défendent, de manière à emporter leurs voix au second tour de l’élection présidentielle.

7Notre but est de montrer que l’interruption est particulièrement présente dans ce débat d’entre-deux-tours et qu’elle obéit surtout à une visée polémique. Ce sera le premier point.

8Dans un second point, nous nous intéresserons aux discours qui accompagnent ces interruptions : il arrive, en effet, que les locuteurs parlent du dysfonctionnement, et ces discours nous renseignent sur la relation interpersonnelle construite par les participants au débat, mais aussi sur l’image que les candidats donnent d’eux-mêmes, c’est-à-dire leur ethos discursif (ou celui qu’ils prêtent à leur interlocuteur), lequel influe sur la réception de leur discours par les téléspectateurs.

Analyse des interruptions

Quelques chiffres

9L’analyse statistique est éclairante en ce qui concerne l’importance du dysfonctionnement auquel on s’intéresse. 313 interruptions ont été recensées au total. Le débat dure à peu près deux heures quarante minutes, il y a donc en moyenne une interruption toutes les trente secondes. Mais, étant donné que la première interruption est produite au bout d’un quart d’heure de débat et que les longues tirades des candidats présentant leur programme peuvent durer plus de six minutes, il y a en fait une concentration des interruptions lors de certains passages.

10Ségolène Royal est celle qui interrompt le plus, avec 148 interruptions effectuées (35 % de ses prises de parole sont des énoncés interruptifs), mais Nicolas Sarkozy n’est pas en reste avec un total de 132 interruptions (30 % de ses prises de parole sont des énoncés interruptifs). Celle qui interrompt le moins, Arlette Chabot, est aussi celle qui parle le moins, avec seulement 13 interruptions pour 75 interventions. Dans ce débat, donc, plus on intervient, plus on interrompt.

11Il y a plus d’interruptions subies que d’interruptions effectuées, car Arlette Chabot, à deux reprises, interrompt à la fois Patrick Poivre d’Arvor et Ségolène Royal. On remarque aussi que les animateurs interrompent davantage Ségolène Royal (22 interruptions) que Nicolas Sarkozy (seulement 7). Naturellement, ce sont Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal qui s’interrompent mutuellement le plus (avec respectivement 127 et 136 interruptions du discours de l’autre), et la grande majorité de ces interruptions sont à visée polémique, c’est-à-dire que le locuteur qui interrompt marque le dissensus et cherche à imposer sa manière de voir les choses.

Les interruptions à visée polémique

12Sur les 313 interruptions, 237 ont une visée polémique, parmi lesquelles 133 effectuées par Ségolène Royal et 104 par Nicolas Sarkozy. Les animateurs, du fait de leur rôle interactionnel, ne font aucune interruption à visée polémique : ce ne sont pas leurs idées qui sont en confrontation, mais bien celles des candidats.

13La visée polémique est perceptible à deux niveaux : le premier niveau concerne les contenus, les idées défendues par les candidats ; le second niveau, interne au débat, renvoie à leur manière de faire au cours de cette inter-action. Pour ce qui est des contenus, trois grandes thématiques sont sujettes à polémique : tout d’abord, le point de vue des deux candidats, c’est-à-dire leurs opinions politiques (les idéaux qu’ils défendent, leur façon de concevoir la politique), objet de 91 occurrences. Ensuite, la polémique concerne leur programme électoral (les réformes promises), avec 69 interruptions ; puis les politiques menées respectivement par leur formation lorsqu’elle est au pouvoir (32 interruptions) : il s’agit alors, pour Ségolène Royal, de discréditer la politique du gouvernement depuis cinq ans (23 occurrences) et de défendre celle du gouvernement socialiste précédent (2 occurrences), et, pour Nicolas Sarkozy, de défendre la politique du gouvernement auquel il appartenait durant le dernier quinquennat (7 occurrences). Enfin, pour ce qui est de leur manière de faire, la polémique concerne la manière dont ils gèrent le débat, avec 45 occurrences. Pour cette thématique, les interruptions sont bien réparties entre les deux candidats, mais renvoient à deux méthodes différentes : ainsi, sur les 25 interruptions effectuées par Ségolène Royal, 16 servent à défendre sa manière de faire, et 9 à critiquer celle de son adversaire ; alors que sur les 20 interruptions effectuées par Nicolas Sarkozy, 18 ont pour fonction d’attaquer la manière de faire de la candidate, et seulement 2 à défendre la sienne. Les interruptions à visée polémique se traduisent donc par la défense de son programme, de son point de vue, etc., ou bien par la critique de ceux de l’autre. Mais bien souvent, les deux tendances sont intimement liées : on discrédite le programme de l’autre pour valoriser le sien.

14Le premier exemple est une interruption effectuée par Nicolas Sarkozy, visant à discréditer le programme de Ségolène Royal :

  • 4  Conventions de transcription, ici mises en évidence entre parenthèses : (\) : auto-interruption ; (...)

(1) S. Royal. - […] mais ma taxe elle sera au niveau de ce qui sera nécessaire pour faire de la justice sociale h car une partie une partie une partie \\
N. Sarkozy. - c’est d’une précision bouleversante4.

15La candidate est en train d’expliquer qu’elle veut revaloriser les régimes de retraite au moyen d’une taxe sur les revenus boursiers. Nicolas Sarkozy lui demande de chiffrer la taxe, ce à quoi Ségolène Royal répond : « Mais ma taxe elle sera au niveau de ce qui sera nécessaire pour faire de la justice sociale », et elle veut justifier sa réponse : « car une partie ». Or, à ce moment-là, Nicolas Sarkozy commence un énoncé interruptif qui chevauche le discours de Ségolène Royal. Celle-ci ne peut achever son énoncé : en témoigne cette répétition à deux reprises du syntagme une partie, qui montre qu’elle voulait poursuivre son idée. L’interruption de Nicolas Sarkozy aboutit ; c’est lui qui finit son énoncé : « C’est d’une précision bouleversante ». Remarque ironique par laquelle il se moque du programme de Ségolène Royal, qu’il juge peu précis. Cette interruption lui permet donc de critiquer la mesure proposée par la candidate, comme il lui arrive de critiquer sa manière de gérer le débat :

(2) N. Sarkozy. - ’fin madame Royal ne m’en voudra pas mais +++ à évoquer tous les sujets en même temps elle risque de les survoler et d’pas être assez précis dans c’qu’attend notre audit- \\
S. Royal. - laissez-moi la responsabilité de mes prises de parole.

16L’exemple 2 présente une interruption de Ségolène Royal visant à défendre sa manière de faire, critiquée au tour précédent par Nicolas Sarkozy. Celui-ci l’accusait de manquer de précision : « À évoquer tous les sujets en même temps elle risque de les survoler et d’pas être assez précis ». Si ce reproche la concerne en premier lieu, il faut noter qu’il ne lui est pas directement adressé : Nicolas Sarkozy répond ici aux animateurs qui viennent de lui donner la parole. Ce procédé permet au candidat de se positionner au-dessus de son interlocutrice afin de lui reprocher sa manière de conduire le débat et notamment d’enchainer les différentes thématiques. Ségolène Royal l’interrompt alors pour se défendre, en s’adressant à lui directement : elle revendique personnellement ce rôle (« laissez-moi la responsabilité de mes prises de parole ») et conteste par là même à Nicolas Sarkozy le droit de se poser comme porte-parole des téléspectateurs, ce qu’il tentait de faire avant d’être interrompu : « dans c’qu’attend notre audit- \\ ». Son interlocutrice lui refuse donc cette position –  qui le placerait au-dessus de l’interaction – et, en se défendant, lui réattribue le rôle de simple participant au débat.

17Ces deux exemples illustrent les deux fonctions de la visée polémique : critiquer/défendre. Ces deux fonctions sont intimement liées, puisque toutes les prises de parole vont dans le même sens : prouver aux téléspectateurs qu’on est le meilleur candidat. En effet, « les débats politiques sont […] l’occasion de voir des locuteurs chercher à la fois à poser leur légitimité et à contester celle de l’adversaire » (Le Bart, 1998, p. 82), et s’il est toujours efficace, pour poser sa légitimité, de se valoriser, « la délégitimation d’autrui, à qui on dispute la prétention à incarner l’intérêt général, à décider ou même à parler au nom de tous » (ibid.) est aussi fréquemment employée, ces deux moyens étant tout à fait adaptés à la visée polémique.

Les interruptions visant à gérer l’interaction

18Cette visée, uniquement interactive, est beaucoup moins représentée : seulement 67 interruptions illustrent ce cas. Les énoncés interruptifs de ce type peuvent avoir quatre objectifs : distribuer la parole, contrôler les temps de parole, lancer les thématiques et demander des précisions. Cette visée correspond donc aux différentes manières de gérer l’interaction et convient parfaitement au rôle interactionnel des animateurs. Pourtant, ce n’est pas eux qui effectuent le plus d’interruptions visant à gérer l’interaction (32 occurrences), mais les candidats eux-mêmes (35 occurrences, dont 24 effectuées par Nicolas Sarkozy), adoptant ainsi, à plusieurs reprises, les fonctions propres au rôle interactionnel d’animateur, en particulier pour la distribution de la parole et les demandes de précisions.

19L’objectif le moins représenté est le contrôle des temps de parole, avec seulement 12 interruptions. Elles sont presque toutes effectuées par les animateurs, qui doivent veiller à l’égalité du temps de parole entre les deux candidats. Une seule occurrence est le fait de Nicolas Sarkozy, à la fin du débat : il dit faire cadeau à Ségolène Royal des trois minutes de retard qu’il a par rapport à elle.

20Le second objectif est le lancement des thématiques : 19 occurrences illustrent ce cas. 18 interruptions sont effectuées par les animateurs, qui doivent suivre un programme thématique préétabli permettant d’aborder une grande diversité de sujets. Ségolène Royal interrompt une fois Nicolas Sarkozy pour lui rappeler un sujet sur lequel il doit répondre.

21Le troisième objectif est la distribution nominative de la parole : le corpus présente 19 occurrences de ce type, réparties de façon tout à fait inégale entre les animateurs, auteurs de 4 interruptions seulement, et les candidats, auteurs de 15 interruptions. En fait, les animateurs n’effectuent ce type d’interruption que lorsqu’ils sont obligés de couper la parole à un candidat pour donner la parole à l’autre afin qu’il réponde aux questions ou rattrape son retard de temps de parole. Les candidats savent aussi très bien gérer la distribution de la parole et, par le biais d’interventions métadiscursives, s’octroient la parole ou la donnent à leur adversaire. Ils court-circuitent ainsi les animateurs en endossant leur rôle.

22Certains énoncés interruptifs peuvent remplir plusieurs objectifs, c’est pourquoi nous avons compté 50 occurrences relevant de ces trois premiers objectifs, alors qu’il n’y a que 45 interruptions. Il n’est pas rare, en effet, que les animateurs profitent du fait d’avoir la parole pour remplir plusieurs fonctions de leur rôle interactionnel, comme le montre l’exemple 3 :

(3) S. Royal. - […] qui est en effet un des problèmes les plus les plus aigus \\
P. Poivre d’Arvor. - Nicolas Sarkozy}{vous avez trois minutes de retard
A. Chabot. - et qu’vous avez encore trois minutes de retard et il faut encore traiter beaucoup de sujets

23L’interruption du discours de Ségolène Royal permet à Patrick Poivre d’Arvor de donner la parole à Nicolas Sarkozy, comme le montre l’apostrophe nominative qui introduit son intervention, et aussi de rappeler l’écart de temps de parole entre les deux candidats – « vous avez trois minutes de retard ». Cet énoncé interruptif remplit bien deux fonctions en même temps. Mais ce qui est intéressant ici, c’est le second chevauchement, entre les deux animateurs : Arlette Chabot surenchérit sur Patrick Poivre d’Arvor en énonçant quasiment la même phrase – « et qu’vous avez encore trois minutes de retard » – et elle ajoute qu’« il faut encore traiter beaucoup de sujets » en faisant référence à leur programme de thématiques. Elle appuie donc son coanimateur et soutient les raisons de son interruption, comme elle le fait souvent au cours du débat : elle vient plus souvent soutenir Patrick Poivre d’Arvor qu’elle ne prend d’initiative dans l’interaction, et pour cela il lui arrive même de l’interrompre ou d’effectuer un chevauchement, comme ici.

24Le dernier objectif est le plus représentatif de l’emprise des candidats sur la gestion de l’interaction : il s’agit des 22 occurrences qui servent à demander des précisions sur le programme des candidats. Les animateurs n’effectuent que 4 interruptions de ce type et ne le font que dans la dernière demi-heure, pour obtenir des éclaircissements sur des sujets très précis. Ségolène Royal le fait à deux reprises, en posant à Nicolas Sarkozy des questions sur le chiffrage de son programme. Ce dernier, en revanche, effectue 16 interruptions de ce type en interrogeant à de multiples reprises son adversaire sur son programme, tout au long du débat. Pour justifier ces interrogations, il lui arrive de se positionner en tant que porte-parole des téléspectateurs (voir aussi l’exemple 2 ci-dessus) :

(4) S. Royal. - […] je parle des 35 heures là \\
N. Sarkozy. - parce que c’est important qu’on sache ce qu’on fait qu’est-ce que &
S. Royal. - je parl- \
N. Sarkozy. - & vous changez dans les 35 heures
S. Royal. - je vous \\
N. Sarkozy. - on n’y comprend rien

25L’exemple 4 présente deux interruptions. La première sert à poser la question : « qu’est-ce que & / & vous changez dans les 35 heures » ; la seconde est une interruption polémique visant à critiquer le programme de son adversaire en dénonçant son manque de clarté. Ce qui est intéressant ici, c’est le triple emploi du pronom on. Dans l’énoncé « parce que c’est important qu’on sache ce qu’on fait », il distingue les téléspectateurs – le premier on – des deux candidats qui doivent présenter leur programme – le second on. Cet énoncé sert à justifier la question sur le contenu qu’il introduit. Le troisième emploi du pronom, dans l’énoncé interruptif à visée polémique – « on n’y comprend rien » –, renvoie, lui, à la fois au candidat Nicolas Sarkozy et aux téléspectateurs, auxquels il s’allie pour montrer leur incompréhension. Cet exemple montre bien qu’en effectuant des interruptions pour gérer l’interaction, visée incombant théoriquement aux animateurs, les candidats ne respectent pas les fonctions du rôle d’animateur, qui doit rester impartial, mais les utilisent plutôt à des fins polémiques.

Les interruptions à visée coopérative

26La visée coopérative représente moins de 3 % des interruptions. Sur les 9 occurrences, 8 (réparties équitablement) sont le fait des candidats et signalent un accord provisoire avec les propos de l’autre. La dernière interruption de ce type est effectuée par Arlette Chabot, qui aide Ségolène Royal à finir sa phrase :

(5) sroyal. - je ne suis pas favorable au boycott <mais je pense qu’il faut> \\
achabot. - >poser le problème<
S. Royal. - poser la question + pour que ça bouge + […]

27Cet exemple 5 est intéressant car il s’agit d’un cas atypique de soutien linguistique. En effet, il n’est pas rare que les interactants s’aident mutuellement à trouver un mot lorsqu’un locuteur est en panne et marque verbalement sa recherche. Dans le cas évoqué ci-dessus, il n’y a aucun signe, de la part de Ségolène Royal, qui indiquerait qu’elle cherche son mot. Pour comprendre l’intervention d’Arlette Chabot, il faut la resituer dans le débat : cette interruption a lieu au bout de deux heures quinze minutes de débat ; Ségolène Royal est très en avance sur Nicolas Sarkozy pour ce qui est du temps de parole, dont Arlette Chabot est garante. La candidate est ici en train de parler du boycott des Jeux olympiques à Pékin et, au cours de son énoncé, son débit ralentit sensiblement. L’animatrice décide de l’interrompre en proposant une fin attendue – « >poser le problème< » – à l’amorce de phrase de la candidate – « <mais je pense qu’il faut> \\ ». Le débit rapide de l’intervention d’Arlette Chabot montre bien son intention d’accélérer et de clôturer l’intervention de Ségolène Royal. Mais celle-ci ne se laisse pas déstabiliser par cette interruption : elle finit sa phrase en reformulant la proposition de l’animatrice, et poursuit son idée en introduisant les objectifs attendus de cette mise en question.

28L’interruption est un dysfonctionnement interactionnel très présent dans le débat de l’entre-deux-tours : 25 % des prises de parole sont des énoncés interruptifs. Les trois-quarts de ces interruptions sont à visée polémique : elles correspondent donc bien à l’objectif du genre du discours débat politique télévisé, qui est de confronter deux programmes politiques différents.

29Si l’analyse des interruptions nous renseigne sur les objectifs discursifs des participants au débat, l’analyse des discours accompagnant les interruptions peut, elle, nous renseigner sur la relation interpersonnelle construite par les interactants.

Analyse des discours accompagnant l’interruption

30L’interruption construit inévitablement un rapport de force entre le locuteur qui interrompt et celui qui est interrompu. En effet, interrompre quelqu’un donne un pouvoir sur la parole de l’autre, ce qui constitue l’offense conversationnelle dont parle Catherine Kerbrat-Orecchioni. L’interruption est une menace pour la face d’autrui. Il existe donc des précautions verbales permettant de préserver la face de celui qu’on interrompt, mais aussi des formules permettant au locuteur interrompu de préserver sa propre face. Nous renvoyons ici, bien évidemment, au concept de Goffman (1973 et 1974) et notamment au travail de figuration ( face work) qui correspond à « tout ce qu’entreprend une personne pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne (y compris elle-même) » (1973, p. 15). Nous référons également au concept de Face Threatening Acts de Brown et Levinson (1978 et 1987), qui correspond au classement des différents actes menaçants pour la face. Ces notions permettent d’analyser les discours accompagnant les interruptions, mais on ne peut pas les appliquer directement au corpus étudié à cause des spécificités du débat politique télévisé. On ne peut en effet traiter les interruptions de ce genre de la même manière que pour les conversations quotidiennes, par exemple. Le fait est que les interruptions sont tout à fait attendues, à la fois par les participants et par les téléspectateurs, dans ce genre basé sur la confrontation. Pourtant, comme nous le rappelle Robert Vion :

Même dans les interactions compétitives, comme le débat ou la dispute, nous trouvons des formes de coopération […]. Le débat représente aujourd’hui, avec sa variante du face-à-face télévisé, la version moderne du tournoi chevaleresque où tous les coups ne sont pas permis en raison d’un code de courtoisie (1992, p. 126).

31C’est pourquoi il arrive que les interruptions soient accompagnées de discours visant à atténuer l’offense, même s’ils servent aussi, et surtout, à construire un ethos discursif positif pour le public.

32Avant tout, il faut noter que la majorité des interruptions est effectuée sans aucune précaution verbale : le locuteur qui interrompt s’en tient à ce qu’il voulait dire et ne tient pas compte de l’interruption dans son énoncé. Mais parfois, le locuteur interrompant accompagne l’interruption d’un discours visant à préserver la face du locuteur interrompu. Il peut prévenir l’interruption au moyen d’un discours préliminaire pour en atténuer l’offense, ou réparer cette offense a posteriori en s’excusant. Pour comprendre ces discours qui accompagnent l’interruption, il faut les analyser en relation avec l’emboitement énonciatif proposé par la médiatisation du débat politique. En effet, ces discours n’ont pas la même valeur selon qu’on les analyse en fonction de la première interaction – en présence – ou en fonction de la sphère englobante médiatisée. Pour les participants au débat, l’objectif n’est pas tant de préserver la face de leur adversaire que de montrer aux téléspectateurs leur souci de le faire. Ainsi, les formules sont davantage attendues, contraintes par le genre et notamment par la médiatisation, qu’elles ne relèvent réellement du face work.

33Pour illustrer cela, j’ai choisi une occurrence très particulière puisqu’il s’agit de la première interruption :

(6) N. Sarkozy. - + bon ++ j’v- j’veux pas polémiquer avec euh Madam’ Royal j : je dirai juste un mot elle trouve qu’y a pas assez de policiers c’est dommage que le groupe socialiste n’ait pas voté les créations d’emplois d’policiers + sur les quatre dernières années c’est dommage pa’ce que \\
S. Royal. - vous permettez qu’j’vous qu’j’vous interrompe

34Le débat a commencé depuis quinze minutes, sans interruption jusque-là. Ségolène Royal vient, au tour précédent, d’expliquer qu’elle ne veut pas diminuer le nombre de fonctionnaires, contrairement à Nicolas Sarkozy, parce qu’elle estime qu’il n’y a pas assez de policiers. Ce dernier répond ici à sa remarque : il affirme ne pas vouloir polémiquer, mais discrédite tout de même les propos de la candidate en rappelant l’opposition des socialistes aux créations de postes dans la police au cours des quatre dernières années ; il souhaite s’expliquer – « c’est dommage pa’ce que  \\ » – mais il est interrompu par Ségolène Royal qui lui demande l’autorisation de le faire : « vous permettez qu’j’vous qu’j’vous interrompe ». Cette précaution verbale permet à la candidate de préserver la face de son interlocuteur en ne lui coupant pas la parole de manière abrupte, mais au moyen d’une formule métadiscursive à laquelle Nicolas Sarkozy répondra : « Bien sûr, Madame. » Elle pourra alors exposer les raisons de son interruption en procédant à la critique de sa politique. L’utilisation de précautions verbales s’explique par le fait que Ségolène Royal est très consciente du caractère offensif de son interruption, mais aussi parce qu’il s’agit de la première interruption du débat et qu’à ce titre, elle nécessite un discours accompagnateur. Pourtant, à un autre niveau, cette formule métadiscursive permet aussi à la locutrice de ne pas apparaitre aux yeux des télé-spectateurs comme quelqu’un d’agressif, mais comme une locutrice polie et maitre de son discours. Cette formule participe à la construction de l’ethos discursif positif de Ségolène Royal, visant bien entendu à emporter l’adhésion des téléspectateurs-électeurs.

35Ces discours accompagnant l’interruption sont assez rares par la suite, les interruptions étant généralement effectuées sans aucune précaution verbale. Dans ce cas, le locuteur offensé, qui a subi l’interruption, peut reprocher cette dernière au locuteur interrompant, ce que fait Ségolène Royal dans l’exemple 7 :

(7) S. Royal. - attendez a- cessez de m’interrompre parce que je connais bien la technique &
N. Sarkozy. - excusez-moi mais euh \
S. Royal. - & deuxièmement nous prendrons en compte la pénibilité des tâches

36Dans le cotexte amont, Nicolas Sarkozy l’a interrompue à plusieurs reprises en lui posant des questions sur son programme. Il a ainsi menacé la face de Ségolène Royal, qui lui reproche ici : « attendez a- cessez de m’interrompre », en justifiant sa remarque : « parce que je connais bien la technique ». Nicolas Sarkozy s’excuse ; il répare donc l’offense mais essaie tout de même de la justifier : « mais euh ». Il est pourtant contraint de s’auto-interrompre et c’est Ségolène Royal qui poursuit son tour. Au premier niveau, il y a la volonté de préserver sa face, mais au second niveau, il y a surtout la crainte d’être vu perdant la face, qui contraint la candidate à se manifester. Ce reproche lui permet de reprendre la parole et de pouvoir enchainer sur la suite de son discours en maitrisant l’espace discursif : en témoigne l’auto-interruption de Nicolas Sarkozy.

37Le locuteur offensé peut aussi reprocher à son interlocuteur son comportement de manière plus détournée, comme dans l’exemple 8 où Nicolas Sarkozy demande l’autorisation de poursuivre son énoncé :

(8) N. Sarkozy. - madame est-ce que vous est-ce que vous souf- &
S. Royal. - en deux-mille deux
N. Sarkozy. - & est-ce que vous souffrez que je puisse faire une phrase
S. Royal. - mais je vous en prie

38Ici, c’est Ségolène Royal qui, dans le cotexte amont, a interrompu Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises, pour discréditer sa politique et plus précisément ses promesses de 2002 contre la délinquance. Nicolas Sarkozy lui demande : « madame est-ce que vous est-ce que vous souf- & / & est-ce que vous souffrez que je puisse faire une phrase ». On remarque qu’un passage de la question est en chevauchement avec une remarque de la candidate qui précise l’année où son adversaire a mis en place sa politique. Cette requête de Nicolas Sarkozy laisse entendre que Ségolène Royal ne respecte pas son interlocuteur, victime des interruptions répétées de la candidate : en témoigne le choix du verbe souffrir, d’un registre soutenu assez inattendu. Celle-ci l’invite alors à poursuivre son discours en lui répondant : « mais je vous en prie ». Sur le plan de la relation interpersonnelle, cette formule métadiscursive permet à Nicolas Sarkozy de préserver sa face en ne se laissant pas interrompre sans protester. Mais elle sert aussi à construire une certaine image de son interlocutrice auprès des téléspectateurs, puisqu’il fait passer Ségolène Royal pour quelqu’un d’irrespectueux.

39S’il est courant dans toute interaction de préserver la face de son interlocuteur ou la sienne lorsqu’il y a offense, dans un débat politique télévisé, la plupart des interruptions ne font l’objet d’aucune précaution verbale. En effet, le genre tolère, plus qu’un autre, la présence du dysfonctionnement interactionnel qu’est l’interruption. Pourtant, « les infractions manifestes aux règles d’alternance et les rappels à l’ordre qu’elles entrainent de la part des interlocuteurs et/ou des animateurs ne sont jamais sans conséquence sur l’image que le public se fait des débattants » (Trognon, Larrue, 1994, p. 63). C’est pourquoi les précautions verbales qu’on peut relever dans le débat politique télévisé ont généralement une autre fonction que la réelle préservation des faces : elles servent à construire une image positive du locuteur pour les téléspectateurs. Bien entendu, plus l’image est positive, plus le candidat a de chances de gagner la voix de l’électeur qui regarde le débat.

40L’interruption est un dysfonctionnement dont tous les locuteurs sont conscients : il n’est pas rare, dans la vie de tous les jours, de reprocher ou de se voir reprocher d’avoir interrompu. De même, les participants au débat ont remarqué la présence des interruptions, qu’ils en soient les auteurs ou les victimes : en témoignent les formules métadiscursives analysées supra. Le public est, lui aussi, sensible aux interruptions effectuées par les interactants, car les téléspectateurs ne jugent pas seulement les programmes des candidats mais aussi leur attitude et leur façon de se comporter. Ils ont donc remarqué l’importance de l’interruption dans ce débat de l’entre-deux-tours.

41C’est, en effet, un phénomène langagier tout à fait fondamental, inhérent au genre du discours débat politique télévisé et complètement lié à la visée polémique qui caractérise le genre : le dysfonctionnement ne marque plus ici le mauvais fonctionnement de l’interaction, mais participe pleinement au fonctionnement lui-même en régulant l’interaction et en construisant la relation interpersonnelle.

42Si, à l’échelle du débat, l’interruption permet aux interactants de se positionner les uns par rapport aux autres, de mettre en avant leur esprit critique et de s’affirmer en tant que locuteurs, à l’échelle de l’interaction médiatisée, il convient de montrer au public à la fois qu’on est un locuteur respectueux de son adversaire, mais qu’en même temps on est quelqu’un de déterminé et fort – bref, qu’on est un bon président potentiel.

43Les discours qui accompagnent les interruptions servent à construire cette image du parfait candidat en travaillant un vrai ethos de président, qu’il s’agisse d’user de politesse pour préserver la face de l’autre ou de réagir lorsque sa propre face est menacée. Une autre tactique consiste à faire passer son adversaire pour un mauvais candidat en commentant son comportement agressif et incontrôlé pour que le public en prenne bien note. Ainsi, quand il ne reste plus dans l’arène politique que deux candidats, chaque fois que l’un ternit l’image de son adversaire, il valorise forcément la sienne.

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Bibliographie

Brown Penelope, Levinson Stephen, 1978, « Universals in language use : politeness phenomena », E. Goody éd., Questions and Politeness. Strategies in Social Inter-action, Cambridge, Cambridge University Press, p. 56-289.

— 1987, Politeness. Some Universals in Language Use, Cambridge, Cambridge University Press.

Goffman Erving, 1973, La mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Minuit.

— 1974, Les rites d’interaction, Paris, Minuit.

Kerbrat-Orecchioni Catherine, 1990, Les interactions verbales, t. I, Paris, Armand Colin.

— 1992, Les interactions verbales, t. II, Paris, Armand Colin.

Le Bart Christian, 1998, Le discours politique, Paris, PUF.

Traverso Véronique, 1999, L’analyse des conversations, Paris, Nathan.

Trognon Alain, Larrue Janine éd., 1994, Pragmatique du discours politique, Paris, Armand Colin.

Vion Robert, 1992, La communication verbale. Analyse des interactions, Paris, Hachette.

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Notes

1  Voir Kerbrat-Orecchioni, 1992, p. 159-321.

2  Voir Goffman, 1973 et 1974 et Brown, Levinson, 1978.

3  Nous parlons de genre du discours pour une question de clarté, mais il s’agit en fait d’une sous-catégorie de ce genre, avec des particularités, dues aux spécificités du discours politique et du discours médiatique, qui s’ajoutent à celles du genre du discours débat.

4  Conventions de transcription, ici mises en évidence entre parenthèses : (\) : auto-interruption ; (\\) : hétéro-interruption ; (gras) : chevauchement de parole ; (}{) : limite entre le chevauchement avec le locuteur précédent et le chevauchement avec le locuteur suivant ; (&) : continuation d’un même tour de parole ; (+) : pause très brève ; (++) : pause brève ; (+++) : pause moyenne ; (::) : allongement d’un son ; (h) : inspiration audible ; (-) : troncation d’un mot ; (>…<) : débit rapide ; (<…>) : débit lent.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marion Sandré, « Analyse d’un dysfonctionnement interactionnel – l’interruption – dans le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2007 »Mots. Les langages du politique, 89 | 2009, 69-81.

Référence électronique

Marion Sandré, « Analyse d’un dysfonctionnement interactionnel – l’interruption – dans le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2007 »Mots. Les langages du politique [En ligne], 89 | 2009, mis en ligne le 30 mars 2011, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/mots/18793 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mots.18793

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Auteur

Marion Sandré

Université de Montpellier 3, CNRS (Praxiling)
marion.sandre@univ-montp3.fr

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