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Varia 2018

Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeux de pouvoir sur des lieux de mémoire

Colonial wars and commemoration: the case of Western defeats. Power stakes on places of memory
Frédéric Lasserre et Catinca Adriana Stan

Résumés

Dans le cadre des guerres d’expansion coloniale, les armées occidentales ont parfois connu la défaite. Au-delà de l’événement, la mémoire de ces batailles a été investie d’un sens politique par des acteurs, dans le passé comme de manière contemporaine. Ces batailles ont été vécues différemment dans les sociétés des protagonistes, et les pratiques de commémoration anciennes et présentes comportent de grandes différences, selon leur histoire propre, mais aussi les enjeux géopolitiques contemporains du contrôle des lieux de mémoire. Comment ces événements ont-ils été mobilisés dans la construction de la mémoire historique ? La recherche repose sur l’analyse d’un corpus de sources bibliographiques, médiatiques et numériques. L’article, après un retour théorique, présente le traitement mémoriel des sites de six batailles pour proposer une typologie, qui souligne l’importance mais aussi la diversité des enjeux de pouvoir sur les processus de traitement mémoriel de ces sites de batailles passées.

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Texte intégral

1Nous assistons aujourd’hui à une résurgence des discours sur le passé, qui échappe aux seuls historiens autant par l’éventail des usages publics de l’histoire (Habermas, 1988), que par la légitimation du témoin, celui qui a traversé une expérience directe ou indirecte en lien avec le passé raconté : on peut penser, par exemple, à la prolifération des discours sur l’autochtonie des Albanais au Kosovo (Lasserre et al, 2016), ou la promulgation récente de lois mémorielles en Pologne et en Ukraine (Clarini, 2018). Certes, la mémoire et l’histoire entretiennent des relations tendues depuis la fin du Moyen Âge, quand l’historien commence à ne plus raconter sous forme de chroniques l’histoire immédiate qui l’englobe ou qui le concerne, mais l’histoire refroidie, lointaine, à l’aide d’une discipline historique qui se professionnalise (Dosse, 1998) et qui a désormais recours à l’analyse méthodique des traces du passé. L’avènement du discours mémoriel brouille l’intelligibilité de l’histoire et en vient à produire une multitude de récits parfois directement concurrents (Joutard, 2013), tandis que ce poids croissant de pratiques mémorielles vient renforcer l’importance politique d’une commémoration ancrée sur les lieux de mémoire, et donc traduisant des enjeux de contrôle de ces lieux et de leur valorisation (Lazzarotti, 2001 ; Foucher, 1991).

  • 1 Ce critère conduit à l’élimination de batailles comme la défaite russe de Tsushima face à la marine (...)
  • 2 Parmi les batailles qui ne sont pas étudiées ici, citons : les engagements de type guérilla dans le (...)

2Pour illustrer ces enjeux mémoriels, nous proposons ici d’examiner le traitement commémoratif de six batailles livrées dans le cadre des conquêtes coloniales (donc avant l’épisode des guerres de libération menées au XXe siècle), afin de souligner les enjeux historiques, mais aussi géopolitiques de ces monuments. Les victoires des peuples conquis durant la phase de conquête coloniale1 sont peu nombreuses, comme l’a confirmé une recherche documentaire. Celles qui ont été retenues reflètent des affrontements à différentes périodes, de la fin du XVIIIe siècle jusqu’en 1921. Il s’agit d’engagements de plus de 1 000 combattants (excluant donc la guérilla), dans lesquels les conquérants occidentaux pensaient disposer d’une supériorité matérielle déterminante, et faisant l’objet d’un traitement mémoriel en tant que batailles, c’est-à-dire des affrontements militaires significatifs. Enfin, ces batailles, qui parfois ont eu des répercussions sociales importantes, sont l’objet de pratiques mémorielles très diverses2, reflets d’enjeux géopolitiques propres différents : c’est cette diversité qui nous intéresse ici. Ces batailles sont souvent peu connues, et leur héritage mémoriel, social et politique, peu étudié dans la littérature, surtout dans une approche comparative. Pourtant, elles ont été instrumentalisées tout autant que les guerres de libération, et cela de diverses manières, dans la construction de discours politiques et de lieux de mémoire. Quels discours ont-elles permis de construire ? Quelles disparités dans les modes de commémoration peut-on observer, et quelles tensions contemporaines cela traduit-il ? La première partie de cet article abordera, de manière théorique, la construction des discours mémoriels ainsi que les enjeux politiques liés à la commémoration. Dans une deuxième partie, nous analysons le traitement mémoriel des six batailles, afin de saisir la manière dont les sociétés fabriquent, s’approprient et instrumentalisent ces événements, pour enfin proposer une typologie de ces batailles afin de souligner la diversité des enjeux politiques et de l’instrumentalisation politique de ces lieux de mémoire. Compte tenu de la quasi-inexistence d’études sur ce sujet, cet article traduit une démarche exploratoire et comparative, basée sur l’analyse de la littérature scientifique et médiatique et sur un corpus de sources bibliographiques, médiatiques et numériques. Certains éléments de cet article ont été présentés dans Lasserre 2016.

L’avènement du discours mémoriel et de l’enjeu politique des lieux de mémoire

Histoire et représentations

  • 3 C’est cet enjeu qui pousse le gouvernement chinois à survaloriser les vestiges laissés par des pêch (...)

3L’histoire est souvent écrite par les vainqueurs, qui imposent alors leur interprétation des événements et leur vision des vaincus (Goody, 2006). Ce constat souligne le poids des représentations dans le discours historique dominant, non qu’il soit forcément délibérément biaisé, mais parce que les historiens se heurtent à la difficulté de se détacher de leurs propres représentations et préjugés, quand le discours historique n’est pas délibérément manipulé par les pouvoirs publics (Stan, 2013). Le discours historique est rédigé par des narrateurs ou chercheurs humains, donc dotés de représentations propres qui viennent teinter tout discours, fût-il animé d’une quête scientifique (Lasserre, Gonon et Mottet, 2016), mais aussi parce qu’il représente un enjeu politique : définir le discours historique permet de légitimer la lecture et les conditions du vainqueur, et cet enjeu3 permet de comprendre l’importance accordée souvent au contrôle des recherches historiques et archéologiques (Lasserre, 1996 ; Payot, 2010).

4Ce fait est important à garder à l’esprit, dans un contexte de « poussée mémorielle » (Joutard, 2013), de désir croissant, des pouvoirs publics comme du public, de célébrer des événements du passé, car, si ce besoin de mémoire intervient en partie en réaction face à un discours historique jugé désincarné, détaché des réalités perçues des populations, voire entaché d’erreurs et d’oublis, la célébration d’événements du passé qui en découle n’est pas davantage garante d’une objectivité, aussi chimérique que le discours historique passé : toute commémoration, tout discours mémoriel est aussi affecté par le biais fondamental de la mémoire, faite de sélection, d’oublis et de distorsions. La commémoration est ainsi une activité sociale et politique de re-construction du passé (Wyllie, 2014).

  • 4 Un exemple majeur de ce changement d’approche historique est le travail considérable de Pierre Nora (...)

5Sur le plan épistémologique, on assiste à un double intérêt des historiens, d’une part pour davantage prendre en compte les perceptions, les vécus des individus, et étudier quels sont les lieux, les événements spécifiques qui aujourd’hui, de manière très subjective, sont inscrit dans la mémoire collective4 ; et d’autre part de prise en compte du fait que l’histoire est un discours, forcément orienté, en général écrit par les vainqueurs (Veyne, 1971 ; Goody, 2006).

6Ce souci de mémoire se nourrit donc d’une réaction par rapport à une histoire qui a pu gommer, du moins le perçoit-on, la perception de groupes minoritaires. Mais il se nourrit également d’un nouveau rapport au temps et à la manière dont on peut s’insérer, en tant que groupe historiquement marginalisé, dans le temps long de l’histoire (Hartog, 2003).

Mémoire et histoire, une relation complexe

7Si nous sommes aujourd’hui dans l’abus de la mémoire (Todorov, 1995 ; Lefebvre, 2000 ; Nora, 2011), qui s’exprime souvent par une mémoire manipulée, mémoire empêchée ou abusivement convoquée (Ricœur, 2000) lors des commémorations des événements passés, c’est aussi parce que ces rites sociaux permettent de produire un effet mémoriel du passé. En effet, « assister, c’est prendre part. […] Être spectateur est donc une manière authentique de prendre part » (Gadamer, 1976 : 51). Les individus qui célèbrent ont donc l’impression de faire partie de l’histoire de leur communauté et de s’inscrire dans une continuum passé présent. Pourtant, plusieurs aspects distinguent la mémoire de l’histoire.

8La mémoire n’est pas soumise à l’impératif de la vérité et à l’exigence critique. N’entretenant qu’un lointain rapport avec la réalité du passé (Bonniol, 2008), elle est souvent orientée et instrumentalisée en fonction des débats politiques et sociaux contemporains. La mémoire n’est pas l’Histoire, c’est même souvent le contraire, selon Paul Garde (Tertrais 2017). La mémoire divise et l’Histoire seule réunit (Nora, 2006).

9La mémoire collective désigne l’inscription dans l’histoire d’un groupe concerné. Selon la définition du sociologue français Maurice Halbwachs, la mémoire est collective non seulement parce que plusieurs personnes partagent les mêmes représentations sur le passé, mais aussi parce que la société structure la mémoire et les souvenirs des individus. Il s’agit des cadres sociaux de la mémoire (Halbwahcs, 1994). Il y a donc une mémoire collective et une multiplicité de mémoires individuelles, reliées par les cercles concentriques de la mémoire : mémoires individuelles, mémoires familiales, mémoires de groupe, mémoires nationales (Halbwachs, 1994). La mémoire donc joue à la fois le rôle de faculté de réactiver, mais aussi et surtout de tradition partagée (Comet, Lejeune et Maury-Rouan, 2008 : 20).

10Les événements qui font l’objet d’un discours mémoriel sont souvent, à l’origine, des événements violents et controversés. Ce que nous célébrons sous le titre d’événements fondateurs, ce sont pour l’essentiel des actes violents légitimés après coup par un État de droit précaire, légitimés, à la limite, par leur ancienneté même, par leur vétusté. Les mêmes événements se trouvent ainsi signifier pour les uns gloire, pour les autres humiliation (Ricœur, 2000 : 99)

11Les sociétés commémorent souvent des événements qui constituent déjà des enjeux du présent, dans une quête qui va au-delà de la reconnaissance formelle des blessures qu’elles ont subies dans le passé. Au nom de la justice sociale, elles demandent une réparation du passé. Or, comme le souligne Tzvetan Todorov, « Le devoir de mémoire est le devoir de rendre justice, par le souvenir, à un autre que soi. […] La victime dont il est ici question, c’est la victime autre, autre que nous » (Todorov, 1995 : 108).

Les lieux de mémoire : des enjeux politiques forts

12Ce discours mémoriel, reflet du choix d’un acteur de se souvenir d’un événement particulier, traduit donc un choix à la résonance politique – qui sont les vainqueurs, comment chercher une légitimité politique dans tel ou tel événement historique (Nora 1984). Il peut s’incarner dans des lieux, dits lieux de mémoire pour reprendre l’expression largement diffusée de Pierre Nora et aujourd’hui communément employée (Lazzarotti, 2012). Les monuments aux morts ou visant à célébrer des batailles en sont de bons exemples : ils supposent qu’un acteur, souvent le vainqueur mais pas toujours comme on le verra, érige un monument en mémoire de ses morts et pour marquer qu’en ce lieu, l’ennemi a été vaincu, ou parfois que ses troupes sont tombées héroïquement dans la défaite aux mains d’ennemis barbares. Un abondant héritage européen de monuments aux morts s’est développé à partir de la fin du XIXe siècle, puis a connu son essor après la Première Guerre mondiale : ces monuments avaient alors la double fonction sociale de porter un deuil collectif, national, et politique ainsi que de resserrer la société autour de symboles collectifs, nationaux (Pignard, 2014 ; Aubry et de Oliveira, 2014). Les lieux de mémoire, en particulier les monuments commémoratifs aux morts, n’échappent pas à la politisation possible du patrimoine (Gadamer, 1996 ; Belot, 2017 ; Even-Zohar, 2017 ; Gensburger et Lefranc, 2017), ne serait-ce que parce qu’ils renvoient à une « volonté politique de mémoire » (Namer, 1983, p.5) et sont pensés à l’aune quasi exclusive de l’usage politique du passé (Lavabre, 2014), par exemple pour étayer une revendication de souveraineté (Têtu et al, 2018). « Le monument aux morts est ainsi un « lieu discursif », dans la mesure où il produit un territoire et une identité : ce lieu permet dès lors, par sa mise en visibilité par le biais de la ritualisation de la commémoration, au territoire de devenir un mythe » (Tratnjek, 2009). Ces monuments constituent un outil de « propagande politique dans l’invention de l’histoire » (Koleva, 2018, p.181), une « idéologie identitaire en vertu d’une mise en scène plus ou moins habile » (Bédard, 2002, p.53) et servent à une instrumentalisation du passé, ancrée dans un lieu du quotidien, au profit d’une politique (Lazzarotti, 2001). En incarnant le choix d’un acteur de commémorer certains événements, d’établir un monument à un endroit spécifique, pour traduire un discours qui lui est propre et qui traduit une lecture souvent politique d’un événement, ils traduisent bien un enjeu de pouvoir sur un territoire comme marqueur des conséquences sociales et politiques de cet événement : ils incarnent de ce fait des enjeux géopolitiques (Tratnjek, 2011 ; Ginet et Wiesztort, 2013 ; Greani, 2017 ; Grumel-Jacquignon, 2018). La tension autour de ces monuments explique aussi que certains monuments soient délibérément détruits par d’autres acteurs par la suite (Denis, 2006).

13Dès lors, le lieu de mémoire commémorant une bataille est investi d’une forte valeur politique dans la mesure où il souligne l’issue d’un affrontement militaire, ou encore parce qu’il souligne le rôle de tel ou tel acteur dans le conflit. Plus encore, ce lieu hautement symbolique devient un élément structurant de l’espace public. Il constitue un repère signifiant où peuvent s’affirmer des positions politiques ou sociales (Sniter, 2004).

14Le lieu de mémoire peut, de plus, être investi d’une valorisation touristique, laquelle peut avoir une fonction politique. Au-delà de la valorisation économique, très présente à partir du début des années 1990 pour les monuments de la Première Guerre mondiale en France par exemple (Hertzog, 2014), la mise en tourisme de lieux de commémoration, dans le cadre de l’essor du tourisme dit de mémoire (Jacquot et al, 2018) peut viser la confirmation, la caution des motivation politiques de l’aménagement du site (Lazzarotti, 2001) ou encore une réconciliation idéalisée entre les peuples (Hertzog, 2012).

Le souvenir des batailles du passé : quels discours pour les défaites occidentales ?

  • 5 Comprise ici comme le processus de conquête des territoires par des puissances occidentales, en Amé (...)

15Les guerres de libération qui ont abouti à la fin des empires coloniaux européens au cours de la seconde moitié du XXe siècle ont été largement décrites, et leur mémoire racontée par l’historiographie tant des anciennes puissances coloniales que des pays devenus indépendants (Cooper, 1994 ; Triulzi, 2006 ; Kössler, 2007 ; Cabecinhas et Feijó, 2010 ; Cardina et Sena Martins, 2018). Sur le plan historique, le traitement des guerres de libération est clairement distingué de l’étude des guerres de conquête (Charnay, 1984 ; Pascal, 2009). Ces guerres de décolonisation ont mis un terme à l’occupation coloniale, qui a commencé souvent par une guerre de conquête. Il s’agit ici d’examiner le traitement mémoriel de six batailles livrées dans le cadre de la conquête coloniale5, au cours desquelles le belligérant occidental a connu une défaite, bien souvent sans effet politique déterminant sur l’issue générale du conflit (tableau 1) puisque seule la première guerre italo-éthiopienne a finalement été remportée par l’Empire éthiopien en 1896, l’Italie triomphant lors du 2e conflit italo-éthiopien de 1935-1936.

16Six batailles sont abordées dans cet article : il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, mais de plusieurs cas diversement connus et commémorés.

17En Amérique du Nord, Little Big Horn demeure une bataille des guerres amérindiennes relativement connue. Livrée en juin 1876 entre le 7e régiment de cavalerie commandé par le colonel Custer et une coalition de Sioux, Cheyennes et Arapahos, elle s’est soldée par la destruction du 7e régiment. Défaite majeure mais sans portée politique, elle eut un profond retentissement dans l’opinion publique américaine, et conduisit au massacre de Wounded Knee par le même 7e régiment de cavalerie en 1890, dernière bataille des guerres amérindiennes aux États-Unis. Cette bataille est bien plus connue dans l’opinion publique que la bataille de la rivière Wabash, dans le cadre de la guerre indienne du Nord-ouest (Northwest Indian War), réputée la « pire défaite américaine » contre des combattants amérindiens (California Indian Education, 2008 ; Calloway, 2015). Le 4 novembre 1791, les Amérindiens de la coalition des Miamis, Shawnees et Delawares ont détruit le campement des troupes américaines commandées par le général St. Clair. Cette victoire amérindienne faisait suite à une autre défaite américaine, la campagne de Harmar (19-22 octobre 1790) au cours de laquelle une rapide succession d’engagements militaires a conduit au retrait des troupes américaines avancées en Ohio, commandées par le général Harmar. La bataille de Wabash, n’eut pas, là encore, de portée politique durable : le 20 août 1794, la bataille de Fallen Timbers mit un terme à la guerre indienne du Nord-ouest avec une victoire américaine.

18En Afrique, la bataille d’Isandlwana en janvier 1879, dans le cadre de la guerre anglo-zouloue, a abouti à la destruction de deux détachements britanniques. Malgré leur net désavantage technologique, les troupes zouloues ont infligé une sévère défaite à des troupes britanniques trop confiantes et mal commandées. Cette victoire zouloue n’a pas empêché la victoire britannique finale le 4 juillet 1879 à la bataille d’Ulundi.

19La bataille d’Adoua a eu lieu à la fin de la première guerre italo-éthiopienne (1887-1896). Le désastre militaire força l’Italie à renoncer à ses projets de conquête de l’Éthiopie jusqu’en 1935, lorsqu’elle envahit à nouveau l’empire éthiopien pour cette fois-ci parvenir à le subjuguer (2e guerre italo-éthiopienne, 1935-1936).

20La bataille d’El Herri n’a pas eu de conséquence politique durable mais débuta une longue guerre. Marquant une défaite française face à la confédération Zayan qui refusait le protectorat français établi sur le Maroc en 1912, elle n’a pas empêché les troupes coloniales de vaincre la révolte (1914-1921), malgré la poursuite d’une guérilla dans les zones de montagne jusque dans les années 1930.

21La bataille d’Anoual a marqué une cinglante défaite espagnole dans la guerre du Rif (1920-1926), là encore au Maroc, contre la république berbère du Rif. Suite à la défaite d’Anoual, les Espagnols perdirent tous les territoires qu’ils avaient difficilement conquis dans le nord marocain depuis 1909. Malgré le recours à des armes chimiques, l’armée espagnole ne parvint pas à soumettre l’adversaire, une réalité politiquement d’autant plus douloureuse que la campagne de conquête marocaine débutée en 1909 avait comme objectif politique non avoué de dépasser l’humiliation de la défaite lors de la guerre hispano-américaine de 1898 qui avait abouti à la perte du reste de l’empire des Amériques (Cuba, Porto Rico) et des Philippines (Martínez Gallego et Laguna Platero, 2014). La France, après avoir vaincu l’essentiel de la révolte des Zayans, intervint aux côtés de l’Espagne en 1924, aboutissant à la défaite de la république du Rif en 1926.

22Ces batailles sont très diverses. De par les effectifs engagés tout d’abord : environ 2 200 combattants à Little Big Horn, contre au moins 26 000 à Anoual et 117 000 à Adoua, bataille majeure avec présence de nombreuses pièces d’artillerie de part et d’autre. Diverses de par les conséquences militaires et politiques aussi : la bataille d’Isandlwana ne parvint pas à enrayer l’invasion britannique du royaume zoulou, vaincu quelques mois plus tard. La bataille de la rivière Wabash n’empêcha pas le triomphe américain trois ans plus tard, tout comme la bataille de Little Big Horn ne dissuada pas l’armée américaine de continuer à investir le territoire amérindien à l’ouest des États-Unis. En revanche, la bataille d’Anoual accula l’armée espagnole à se retrancher sur ses positions de Melilla et Ceuta pendant des années, et força Madrid à solliciter une intervention française en 1924. La bataille d’Adoua mit un terme aux projets de conquête italiens pour 39 ans. Intervenant quelques années après la guerre égypto-éthiopienne (1875-1876), le conflit renforça la méfiance de l’Éthiopie envers l’étranger et aboutit à une politique étrangère plutôt isolationniste (Lasserre 2010). Le tableau suivant illustre les forces en présence et les conséquences des six batailles.

Tableau 1 - Six défaites occidentales dans le cadre de guerres de conquête coloniales

Tableau 1 - Six défaites occidentales dans le cadre de guerres de conquête coloniales

Sources : Sugden, J. (2000), Blue Jacket : Warrior of the Shawnees, Lincoln, University of Nebraska Press; Edel, W. (1997) Kekionga! : the worst defeat in the history of the U.S. Army, Westport, Praeger; Buffenbarger, T (2011). St. Clair's Campaign of 1791: A Defeat in the Wilderness That Helped Forge Today's U.S. Army. U.S. Army Heritage and Education Center; Eckert, A. (1995), That Dark and Bloody River, New York : Bantam; Thomas, R. (2016), Indian Casualties of the Little Big Horn Battle, www.littlebighorn.info/Articles/IndianCasualties.pdf; Philbrick, N. (2010). The Last Stand: Custer, Sitting Bull, and the Battle of the Little Bighorn, Viking; Urwin, G. (2019). Battle of the Little Bighorn, Encyclopedia Britannica, www.britannica.com/event/Battle-of-the-Little-Bighorn; Knight, I. (2002). Isandlwana 1879: The Great Zulu Victory, Londres : Osprey; Knight, I. (2003). The Anglo-Zulu War. Osprey; Lock, R., & Quantrill, P. (2015). Zulu victory: the epic of Isandlwana and the cover-up. New York : Frontline Books; Pollard, T. (2002). The Mountain is their Monument. In Doyle, Peter; Bennett, Matthew R. Fields of Battle. Kluwer Academic Publishers, p. 118-131; Morris, D. (1998). The Washing of the Spears: A History of the Rise of the Zulu Nation under Shaka and Its Fall in the Zulu War of 1879. Johannnesbourg : Da Capo Press; Snook, M. (2006). Like Wolves on the Fold: The Defence of Rorke's Drift. Londres : Greenhill Books; Brown, P. et Yirgu, F. (1996) The Battle of Adwa 1896, Chicago: Nyala; Jonas, R.A. (2011) The Battle of Adwa: African Victory in the Age of Empire, Bellknap Press; Pando, J. (1999). Historia Secreta del Annual. Madrid: Temas de Hoy; La Porte Fernández-Alfaro, P. (2003). El desastre de Annual y la crisis de la Restauración en España (1921-1923), Universidad Complutense de Madrid, Servicio de Publicaciones; Francisco, L. M. (2014). Morir en África: la epopeya de los soldados españoles en el Desastre de Annual. Barcelona: Crítica; Etat-major des armées- Service historique (1939). Les armées françaises dans la Grande guerre. Tome IX. 9,3; Voinot, L. (1939). Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc. Charles-Lavauzelle et Cie; Drouin, J. (1975). Un Cycle oral hagiographique dans le Moyen-Atlas marocain. Paris : Publications de la Sorbonne.
* Grandes divergences dans les sources : F. Caballero Poveda (1984). La Campaña del 21 en cifras reales (I) et (II), Ejército, n°522 et 523 ; D. Bloxham, A. Dirk Moses (2010). The Oxford Handbook of Genocide Studies, Oxford Univ. Press.

23Il existe un discours, une pratique mémorielle visant à commémorer ces batailles de l’époque des guerres de conquête coloniales, qui n’avaient souvent pas connu, pendant longtemps, d’attention particulière dans le discours des historiens, ou encore étaient l’objet d’un discours mémoriel élaboré par les seuls Occidentaux. Les monuments occidentaux remontent à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle ; les commémorations pratiquées par les pouvoirs publics des pays issus de l’indépendance ou par des associations autochtones ou locales, sont beaucoup plus récentes et remontent aux années 1980. Ces pratiques sont très diverses, dans leur visibilité et dans les enjeux politiques contemporains qu’elles traduisent. Ce discours mémoriel prend plusieurs formes : monuments aux morts certes, qui rassurent d’une part les endeuillés en leur promettant de garder intact le nom de leurs disparus, et d’autre part rassemblent la société post-conflit, surtout en cas de défaite, pour invoquer la solidarité nationale (Pignard, 2014) ; mais aussi films, livres, stèles, célébrations publiques, valorisation touristique... A travers la diversité de la forme de la commémoration se lit aussi la représentation des héritiers des belligérants, Occidentaux et peuples conquis in fine malgré ces défaites occidentales.

Wabash : une tragédie américaine largement oubliée

24Ainsi, les batailles de Wabash et de Little Big Horn, à des degrés divers, étaient bien retracées dans l’historiographie américaine, mais du point de vue américain : la bataille de Wabash était plus connue sous le nom de St.Clair’s Defeat, du nom du général qui commandait les forces américaines lors du désastre militaire6. La bataille de Wabash est l’objet de peu d’attention mémorielle : on relève ainsi quelques panneaux à vocation historique installés par la Société Historique de Fort Recovery, ou par l’association privée Ohio Historical Society, qui viennent en écho à la victoire de Fort Recovery de 1794 (fig. 1 à 3), mais elle est largement tombée dans l’oubli (Feng, 2014 ; Calloway, 2015).

Fig. 1 - Panneau historique, St Clair’s Defeat, 1954.

Fig. 1 - Panneau historique, St Clair’s Defeat, 1954.

Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb (Historical Markers database), www.hmdb.org/Marker.asp?Marker=19950

Fig. 2 - Autre panneau explicatif, St. Clair’s Defeat, 2003.

Fig. 2 - Autre panneau explicatif, St. Clair’s Defeat, 2003.

Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb, www.hmdb.org/PhotoFullSize.asp?PhotoID=68673

Fig. 3 - Panneau historique, Wayne’s Victory, écho à St. Clair’s Defeat, 2003.

Fig. 3 - Panneau historique, Wayne’s Victory, écho à St. Clair’s Defeat, 2003.

Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb, www.hmdb.org/marker.asp?marker=20333

En revanche la bataille de Fort Recovery, victoire américaine en juillet 1794, est célébrée depuis 1913 avec l’inauguration d’un monument à la mémoire des soldats américains tués, décidé en 1908 par le président Taft7 et financé par le Congrès (Keller et al, 2011) (fig. 4)8, puis la construction d’un musée9, et même l’organisation de célébrations commémoratives (Kincald, 2013) le jour du Souvenir (Memorial Day10). Le 11 septembre 2016, la date n’étant pas fortuite, a été inaugurée la place des Vétérans de Fort Recovery11 non loin du monument inauguré en 1913. La perspective est résolument américaine : la défaite est mentionnée sous le nom du général américain (St. Clair’s Defeat), la victoire souligne celle de son collègue Wayne et l’effacement de la « pire défaite » de l’armée américaine (Edel, 1997) grâce à la victoire du fort Recovery (= récupération, rétablissement). A travers ces lieux et cérémonies, il s’agit de commémorer la lutte difficile, puis la victoire finale des États-Unis dans la guerre indienne du Nord-ouest (1790-1794), soulignée par le traité de Greenville de 1795 qui permit l’annexion d’une grande partie de l’Ohio.

Fig. 4. Monument aux morts américains, batailles de Wabash et de Fort Recovery. 1913.

Fig. 4. Monument aux morts américains, batailles de Wabash et de Fort Recovery. 1913.

Source : Johnson Mechanical, avec permission, www.johnsonmechanical.net/ft-recovery-oh-heating-air-conditioning-contractor/

Little Big Horn : commémorer la tragédie humaine au-delà des victimes de l’armée américaine

25D’innombrables livres et films américains ont retracé l’histoire de la bataille de Little Big Horn12, souvent pour dépeindre la résistance héroïque du général Custer13, d’où le nom de la bataille qui a longtemps coexisté avec celui de Little Big Horn, Custer’s Last Stand, ou avec le nom amérindien de Greasy Grass14. Ce n’est que plus récemment qu’on y dépeint la tragédie humaine de l’affrontement, et non le seul martyre du 7e régiment de cavalerie. Un cénotaphe, de style classique (Aubagnac, 2014; Aubry et de Oliveira, 2014 ; Pignard, 2014), en mémoire des seuls morts du régiment américain avait été érigé par le Département de la Guerre en 188115 (Fig. 5), comme pour la commémoration de la bataille de Wabash, sur le site préservé dès 1879 par la création du parc national (National Monument).

26Le Service des Parcs Nationaux (National Park Service) devint propriétaire du site de la bataille suite au transfert du département de la Guerre le 1er juillet 1940 (Janiskee, 2008). Le 22 mars 1946, le parc historique fut appelé Custer Battlefield National Monument, avec donc une perspective très axée sur la tragédie du régiment américain. Suite à un long travail sur l’opinion publique, mené notamment par le groupe de pression American Indian Movement et à une évolution des représentations sociales et politiques (Reece, 2005), le 10 décembre 1991, un décret signé du président George H.W. Bush transforma le nom en Little Bighorn Battlefield National Monument, éliminant la référence directe à la seule épopée de Custer et optant pour un nom connu et neutre, entre le nom amérindien Greasy Grass et le nom centré sur la tragédie du 7e régiment, Custer’s Last Stand. Le décret de 1991 prévoyait également l’édification d’un monument à la mémoire des combattants amérindiens, proche du mémorial au 7e régiment (Janiskee, 2008). En 2003, le Service des Parcs Nationaux a inauguré16 un monument d’inspiration nettement amérindienne, en mémoire des combattants amérindiens tués lors de l’affrontement17 (fig. 6), signe du changement radical décidé en 1991 dans l’approche de la commémoration de la bataille, plus inclusif et rendant hommage aux morts des deux camps. « Avec un nouveau mémorial indien, le site de Custer’s Last Stand [sic] attire les descendants des vainqueurs comme des vaincus »18. De style très différents, les deux monuments se trouvent à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre, dans le parc national, de part et d’autre de la route conduisant au musée. Une ouverture dans le mur situé à l'extrémité sud du mémorial amérindien offre aux visiteurs une vue directe sur le monument de 1881 : les deux monuments sont donc conçus pour se compléter plutôt que pour rivaliser, et souligner le thème du mémorial, « La paix par l’unité ».

27Ce nouveau monument n’a pas été du goût de tous : des protestations se sont élevées, faisant valoir le coût bien supérieur du monument moderne en mémoire des Amérindiens (2,3 millions $) (Reece, 2005), ou exprimant la frustration de voir un monument aux morts amérindiens érigé près des tombes des soldats américains (Brooke, 1997 ; Reece, 2005).

Fig. 5. Monument aux morts américains, Little Big Horn, 1881.

Fig. 5. Monument aux morts américains, Little Big Horn, 1881.

Source : TripAdvisor, avec permission.

Fig. 6. Monuments aux morts amérindiens, Little Big Horn, 2003.

Fig. 6. Monuments aux morts amérindiens, Little Big Horn, 2003.

Source : Wikipédia Commons, https://commons.wikimedia.org/​wiki/​File:Indian_Monument_at_Little_Bighorn_Battlefield_National_Monument.JPG

Isandlwana : mémoire et tourisme

  • 19 Plusieurs tableaux de Charles Edwin Fripp, dont The Battle of Isandlwana, 1885, National Army Museu (...)
  • 20 Mentionnons ainsi Zulu, de Cy Endfield (1964); Zulu Dawn, de Douglas Hickox (1979); voir ci-dessous

28La bataille d’Isandlwana, à l’instar de celle de Little Big Horn, a profondément bouleversé l’opinion, ici britannique (Lock et Quantrill 2002), un sentiment qui s’est notamment traduit dans la peinture (fig. 7 et 8)19 puis, plus tard, dans la filmographie sur l’affrontement20. Le public britannique victorien s’est trouvé « abasourdi par la nouvelle que des "sauvages brandissant des javelots" avaient vaincu l’armée britannique bien équipée » (David 2011). La bataille de Rorke’s Drift, livrée à proximité les 22 et 23 janvier 1879 lorsqu’une petite garnison britannique (150 hommes) retranchée dans une mission et un poste de commerce, a résisté à l’assaut d’un fort contingent zoulou (entre 3 000 et 4 000 hommes), a connu un fort écho dans l’opinion britannique blessée, malgré son faible impact stratégique : elle incarnait la résistance dans l’adversité et a inspiré le film Zulu de Cy Enfield (1964).

Fig. 7. The defence of Rorke’s Drift, Alphonse de Neuville, 1879

Fig. 7. The defence of Rorke’s Drift, Alphonse de Neuville, 1879

Source : Google Art project – et Wikipédia Commons.

Fig. 8. La bataille d’Isandlwana, Charles Edwin Fripp, 1885.

Fig. 8. La bataille d’Isandlwana, Charles Edwin Fripp, 1885.

Source : Wikipedia commons, https://fr.wikipedia.org/​wiki/​Bataille_d%27Isandhlwana#/​media/​File:Isandhlwana.jpg

29La mémoire est un enjeu politique fort dans l’Afrique du sud post-apartheid, en témoigne la transformation de la célébration du 16 décembre, commémoration afrikaner de la victoire contre les Zoulous lors de la bataille de Blood River (16 déc. 1838), en jour de la Réconciliation à partir de 1994 (Monareng, 2015). De nombreux monuments mémoriaux ont été érigés par les autorités militaires britanniques entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe sur le site de la bataille d’Isandlwana (fig. 9 à 11), et une stèle de la fin du XIXe s. se trouve également sur le site de Rorke’s Drift (fig. 12), en mémoire des seuls soldats britanniques tués, ce qui paraissait d’autant moins politiquement acceptable dans une Afrique du Sud elle aussi sensible au mouvement de poussée mémorielle, et en pleine mutation socio-politique suite à l’abolition de l’apartheid en 1991. Pour des raisons politiques, l’Afrique du Sud post-apartheid ne pouvait n’exposer que des monuments aux morts blancs sur ce site. Il n’a donc jamais été question d’éliminer les monuments britanniques, mais de les compléter avec un mémorial pour les Zoulous dans les deux parcs de l’État du KwaZulu Natal. Il s’agit là d’un choix politique qui n’allait pas de soi, car les monuments commémoratifs, enjeux géopolitiques, sont parfois délibérément détruits, comme en Namibie où le gouvernement a éliminé la statue du cavalier allemand, hommage aux soldats allemands morts lors de la répression coloniale de 1904-1908, pour la remplacer par une statue aux victimes du massacre des populations locales (Becker, 2018). En 1999, un nouveau monument en mémoire des combattants zoulous morts a ainsi été inauguré par les autorités de l’État du KwaZulu21 sur le site d’Isandlwana (fig. 13), puis un autre sur le site de Rorke’s Drift en 2005 (fig. 14). Les monuments aux morts britanniques sont de style très classique, colonnes cénotaphes honorant le souvenir des soldats tués, tandis que les monuments contemporains sont d’inspiration résolument africaine. À Isandlwana, le monument moderne est situé sur le champ de bataille, non loin des multiples cénotaphes britanniques; à Rorke’s Drift, il a été placé non loin du cénotaphe britannique et du musée, sur le terrain de l’église autrefois assiégée.

Fig. 9. Monuments aux morts militaires britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.

Fig. 9. Monuments aux morts militaires britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.

Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges - www.isibindizululodge.co.za/about-us/the-battle-of-isandlwana/isandlwana-graves/

Fig. 10. Monument aux morts britanniques, Isandlwana, 1913.

Fig. 10. Monument aux morts britanniques, Isandlwana, 1913.

Source : Nicolas Billington; avec la permission de Shutterstock.

Fig. 11. Monuments aux morts britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.

Fig. 11. Monuments aux morts britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.

Source : avec la permission d’Audley Travel, www.audleytravel.com/ie/blog/2010/february/top-five-battlefields

Fig. 12. Monument aux morts britanniques, Rorke’s Drift.

Fig. 12. Monument aux morts britanniques, Rorke’s Drift.

Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges.

Fig. 13. Monument aux morts zoulous, Isandlwana, 1999.

Fig. 13. Monument aux morts zoulous, Isandlwana, 1999.

La sculpture en bronze représente un collier offert aux guerriers en reconnaissance de leur courage, appelé iziqu.

Source : Gavin Ford avec la permission d’Africa Inscribed Safaris, www.africainscribed.travel/explore/wp-content/uploads/2013/12/DSC_4968.jpg

Fig. 14. Mémorial des morts zoulous, Rorke’s Drift, 2005.

Fig. 14. Mémorial des morts zoulous, Rorke’s Drift, 2005.

Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges.

  • 22 De nombreuses agences touristiques proposent des produits centrés sur ce thème, par exemple African (...)
  • 23 The Battle of Isandlwana, Isibindi Zulu Lodge, www.isibindi.co.za/blog/the-cursed-battle-of-isandlw (...)
  • 24 Par exemple un tour de 3 jours pour visiter les sites des batailles d’Isandlwana, Rorkes Drift et B (...)
  • 25 Battlefields of KwaZulu-Natal, Gouvernement d’Afrique du Sud, http://country.southafrica.net/countr (...)

30Longtemps négligé, l’événement est aujourd’hui non seulement l’objet de pratiques commémorielles avec la reconstitution annuelle des deux batailles, mais aussi d’une mise en valeur touristique. Ainsi, la bataille figure dans les circuits mettant en valeur les sites de batailles, Battlefield Tours22, et l’on remet en scène la bataille pour les touristes férus d’histoire23. Des visites des sites de batailles, incluant celle d’Isandlwana, sont organisées, et des itinéraires mettant en valeur les sites des conflits passés entre colons Boers, forces britanniques et troupes autochtones24, dans un but de commémoration clairement souligné (« Bloody Battles remembered »25), avec comme objectif, au-delà de la mise en valeur, la reconstruction et l’appropriation d’une histoire qu’on ne peut oublier mais qui peut être apaisée (Wyllie, 2014), du moins l’espère-t-on, même si cet objectif politique n’est pas toujours aisé à atteindre à travers des pratiques mémorielles (Dumas et Korman, 2011), lesquelles peuvent même parfois se révéler contre-productives, notamment en Afrique du Sud (Gensburger et Lefranc, 2017). La perception de l’événement dans la filmographie a également évolué avec le temps : le film Zulu (1964), de Cy Endfield, met en scène la résistance glorieuse du détachement britannique attaqué par une force largement supérieure en nombre lors de la bataille de Rorke’s Drift. En 1979, le même Cy Endfield a écrit le scénario de Zulu Dawn (L’Ultime attaque), mis en scène par Douglas Hickox, qui dépeint la bataille d’Isandlwana et l’ampleur de la consternation britannique suite à la victoire zouloue.

31A l’instar de la bataille de Wabash de 1791 qui est souvent associée, dans sa commémoration américaine, aux victoires de Fort Recovery (juillet 1794) et de Fallen Timbers (août 1794), les circuits touristiques sud-africains associent presque systématiquement la bataille d’Isandlwana à celle de Rorke’s Drift. La bataille de Wabash n’est cependant pas l’objet d’une mise en valeur touristique active.

Adoua : l’idée de « résistance africaine »

32La bataille d’Adoua est célébrée le 1er mars de chaque année par le gouvernement fédéral éthiopien : le pouvoir commémore ainsi activement un lieu de mémoire fort dans le discours historique du pays à travers le jour férié de l’Adwa Day, le « symbole de la lutte pour la liberté » qui permet aussi à l’Éthiopie de se poser en porte-étendard de la résistance africaine à la conquête européenne du XIXe siècle26 (Milkias et Metaferia, 2005 ; Jones, 2011) et qui alimente les discours sur la tradition éthiopienne de résistance à l’adversité, face notamment à l’hostilité contemporaine perçue de la part de l’Égypte ou de l’Érythrée.

  • 27 Le 26 janvier 1887, un contingent de 15 000 soldats éthiopiens avait surpris et écrasé un bataillon (...)
  • 28 Il Nuovo Monumento Eretto sul Colle di Dogali (Eritrea) nel 1889, www.maremagnum.com/stampe/il-nuov (...)
  • 29 Ministero della Difensa [Ministère de la Défense], Cimiteri Militari Italiani al Estero - Eritrea, (...)

33Plusieurs monuments ont été érigés en souvenir de l’événement, ou de la bataille de Dogali livrée en 188727. Du côté italien, une croix (non datée) avec une inscription en italien se trouve dans un cimetière à Adoua (fig. 15.). Les Italiens ont installé deux mémoriaux militaires, un érigé en 188928 en mémoire des morts de Dogali (fig. 16), un autre en 1939 à Daero Kunat en territoire érythréen (fig. 17) pour rendre hommage aux morts italiens de la bataille d’Adoua, soit après la conquête italienne en 1936. Les deux mémoriaux sont encore de nos jours entretenus par les autorités militaires italiennes29 avec l’aval des autorités érythréennes. Il serait intéressant d’explorer les raisons de cet accord érythréen dans le cadre de la rivalité avec l’Éthiopie.

Fig. 15. Croix commémorative des morts italiens lors de la bataille d’Adoua; cimetière d’Adoua (Éthiopie).

Fig. 15. Croix commémorative des morts italiens lors de la bataille d’Adoua; cimetière d’Adoua (Éthiopie).

« Aux [soldats] tombés. Adoua 1896. Nous ne devons pas oublier ».

Source : A. Davey, Wikipédia Commons, https://commons.wikimedia.org/​wiki/​File:Adua_Memorial,_or_The_Folly_of_Imperialism_(3130882917).jpg

Fig. 16. Monuments aux morts de Dogali (Érythrée), 1889.

Fig. 16. Monuments aux morts de Dogali (Érythrée), 1889.

Source : Wikipedia Commons, https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons/​e/​ef/​Dogali_Monument.jpg.

Fig. 17. Monument aux morts de Daero Kunat (Érythrée) commémorant la bataille d’Adoua, 1939.

Fig. 17. Monument aux morts de Daero Kunat (Érythrée) commémorant la bataille d’Adoua, 1939.

Source : Andrea Moroni, www.flickr.com/photos/bandytam/16356245681, avec permission.

34Signe du traumatisme que ces deux défaites ont provoqué dans les représentations collectives italiennes, un monument en commémoration de la bataille de Dogali a aussi été érigé à Rome (voir fig. 18), participant à une pesante tragédie des « glorieuses défaites », Custoza, Lissa, Dogali, Adoua, Caporetto (Vidotto, 2000) qui a fini par trouver son succès dans la victoire de Vittorio Veneto (1918) puis la conquête de l’Éthiopie lors de la 2e guerre italo-éthiopienne (1935-36). La bataille a été rapportée par les médias internationaux, dont le New York Times, suscitant de vives réactions chez les Occidentaux, allant du choc à la colère outragée (Giorgis, 2015). La mémoire, du côté italien, a présenté la bataille comme une cruelle tragédie, que l’opinion a cherché un temps à oublier avant que le régime fasciste de Mussolini ne la ravive, afin de chercher sa revanche dans l’invasion de l’Éthiopie en 1935 (Triulzi, 2003).

Fig. 18. Monument aux morts de Dogali, Rome, 188730.

Fig. 18. Monument aux morts de Dogali, Rome, 188730.

Source : Wikipédia Commons, https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons/​8/​86/​Monumento_a_Dogali.jpg

  • 31 Ethiopia: Emperor Menelik II Statue. All Africa, 2 mars 2018, https://allafrica.com/stories/2018030 (...)
  • 32 Adwa Landmark Project, www.adwalandmark.com.et/, c. le 3 oct. 2018.
  • 33 Ministry, Historian Emphasize Need For Building Memorial Museum For Victory Of Adwa, EthioSports, 2 (...)
  • 34 Ethiopia intensifies efforts to realize Pan-African University, Ambassade d’Éthiopie en Belgique, 2 (...)
  • 35 Yonas Abiye, Adwa to erect memorials for war heroes, The Reporter, 3 mars 2018, www.thereporterethi (...)

35Des monuments ont également été érigés par le gouvernement éthiopien. Il est question d’un monument construit par le régime communiste de Haile Mengistu (Derg) en 1987 sur le site de Dogali, que la guérilla érythréenne aurait totalement détruit en 1989 lors de la guerre d’indépendance du pays, tout en ménageant les monuments italiens : en 1996, un observateur n’y relevait aucune trace du monument éthiopien (Erlich, 1996 ; Henze, 2000). Le gouvernement éthiopien a également installé une grande statue de l’empereur Ménélik II érigée sur la place éponyme à Addis Abeba en 1930 (ancienne place Adoua), afin de célébrer le rôle de celui-ci dans la marche vers la victoire d’Adoua31 (Fig. 19). Un projet de construction d’un musée mémorial national à Adoua a été rendu public dès 200832, puis relancé par le gouvernement éthiopien en 201733. Le gouvernement éthiopien nourrit également un projet de fondation de l’Université Pan-Africaine34, pour lequel un terrain a été octroyé (Xinhua, 2019), ainsi qu’un projet de mémorial porté par la ville d’Adoua afin de « glorifier les patriotes qui ont pris part à la victoire d’Adoua »35. Une abondante tradition de tableaux éthiopiens dépeignant la bataille s’est également développée dès la fin du XIXe siècle (Pankhurst, 1987) (voir fig. 20).

Fig. 19. Statue de Ménélik II érigée en 1930 pour célébrer la victoire d’Adoua.

Fig. 19. Statue de Ménélik II érigée en 1930 pour célébrer la victoire d’Adoua.

Source : Semonegna.com, avec permission

Fig. 20. La bataille d’Adoua, détail, Addis Abeba, nd.

Fig. 20. La bataille d’Adoua, détail, Addis Abeba, nd.

Source : A. Davey, Wikipedia Commons.

  • 36 Offensive de Noël, 15 déc. 1935-20 janv. 1936, victoire éthiopienne sans lendemain : 190 000 soldat (...)
  • 37 Ethiopians mark Africa’s first victory over a colonial power in 1896. Face2Face Africa, https://fac (...)
  • 38 « La victoire d’Adoua devrait être honorée avec des efforts redoublés de lutte contre la pauvreté, (...)

36Le souvenir de cette bataille est profondément inscrit dans la mémoire collective éthiopienne, souvenir renforcé par d’importantes activités de commémoration. Cette victoire a été préférée au souvenir de la bataille de Dembeguina du 4 décembre 1935 et de l’offensive de Noël36 dans le cadre de la 2e guerre italo-éthiopienne, qui n’est pas l’objet de commémoration. Victoire sans portée stratégique, l’offensive n’a pu enrayer la conquête italienne finale en 1936. La bataille d’Adoua marque au contraire la fin victorieuse de la 1ere guerre italo-éthiopienne. Cette « victoire africaine » permet de poser l’Éthiopie en modèle de la lutte de l’Afrique pour l’indépendance et contre une puissance coloniale (Jonas, 2011; Aidid, 2018), voire de faire de la bataille d’Adoua la « première victoire d’un pays africain sur une puissance coloniale »37. Cette célébration contemporaine, gommant le souvenir de la bataille d’Isandlwana de 1879, serait-elle l’indice d’une possible rivalité mémorielle avec l’Afrique du Sud ? « Adoua a donné l’inspiration spirituelle pour le mouvement pan-africain » affirme Muluken sans mentionner Isandlwana ni la lutte anti-apartheid... (Muluken, nd:21). L’héritage de la victoire d’Adoua a contribué à forger l’idée d’une Éthiopie « principal porte-parole de l’Afrique » (Gebrekidan, 2012 :71). Le gouvernement éthiopien instrumentalise activement ce symbole politique pour souligner sa volonté d’œuvrer pour une Éthiopie prospère et forte : « The Adwa victory should be honored with sustained anti-poverty efforts as well as efforts to fight any foreign interference in Ethiopia's sovereignty, »38 a affirmé le vice-président Gebremichael lors du 123e anniversaire de la bataille, en mars 2019 (Xinhua, 2019). De plus, en soulignant la dimension africaine de la victoire d’Adoua, le gouvernement éthiopien d’origine tigréenne qui a renversé le régime de Mengistu en 1991 peut récupérer l’héritage historique de cette victoire tout en écartant l’idée de la prééminence ahmara sur l’Éthiopie et en ménageant la susceptibilité des autres peuples de l’Éthiopie, Tigréens et Oromo notamment (Triulzi, 2003).

Anoual : consternation espagnole, controverse marocaine

37La bataille d’Anoual vit les troupes de la République auto-proclamée du Rif défaire sévèrement les troupes espagnoles stationnées au Maroc espagnol dans le cadre de rébellion berbère de la guerre du Rif (1921-1926).

  • 39 Monumento a los caídos en la Guerra de África, www.ceutaturistica.com/monumentos/monolitoplazafrica (...)
  • 40 Avec une murale en bas-relief en mémoire de la victoire espagnole de Tétouan (1861). Iloilo's San J (...)
  • 41 Y compris la 2e guerre hispano-marocaine de 1909-1910, et la guerre du Rif 1921-1926. Monumento a l (...)
  • 42 Par exemple La Porte Fernández-Alfaro, P. (2003). El desastre de Annual y la crisis de la Restaurac (...)

38Ici encore, la pratique de commémoration à travers des monuments traduit d’abord le souci de l’Espagne de souligner la mémoire de ses soldats morts au combat. Ainsi, un monument (1895) à Ceuta célèbre le souvenir des soldats tombés pendant la 1ère guerre hispano-marocaine de 1859-6139; la fin de cette guerre est d’ailleurs célébrée sur le portail de l’église de San Joaquin à Iloilo (Philippines)40, l’archipel étant possession espagnole lors de la construction achevée en 1869. Un autre monument aux morts, érigé à Melilla en 1931, donc également dans une enclave espagnole en Afrique du Nord, célèbre tous les morts des campagnes d’Afrique41. L’impact de cette défaite, qui a choqué tant l’armée que le pouvoir politique espagnols, se traduit encore à travers la publication de plusieurs ouvrages récents42.

  • 43 Association marocaine constituée en avril 1978 et se proposant notamment de promouvoir la place de (...)
  • 44 Traduction libre de Mme Dalila Dehhani. Stèle inaugurée le 11 juil. 1979. https://i.pinimg.com/orig (...)
  • 45 Yabiladi, « Commémoration de la bataille d’Anoual : du coup de bluff officiel au symbole... », 11 j (...)

39Du côté marocain, on trouve deux monuments, inaugurés en 1979 et 1980 par l’Association culturelle et sociale du bassin de la Méditerranée43, pour célébrer la bataille, mais aucune stèle du gouvernement marocain. La stèle de 1979 rappelle que l’armée de Abdel Krim Khattabi composée de centaines de soldats a pu vaincre « l’armée ennemie composée de dix mille soldats »44. Le monument de 1980 (fig. 21) précise qu’ « Ici apparaît la volonté du peuple marocain, déterminé à lutter pour sauvegarder sa liberté, la souveraineté de son territoire et son unité. Lors de cette bataille, le peuple rifain s’est soulevé contre l’occupant venu pourtant victorieux, et a terrassé cette armée considérée alors comme l’une des plus puissantes au monde » [sic] 45.

Fig. 21 - Stèle commémorative de la bataille d’Anoual, 1980.

Fig. 21 - Stèle commémorative de la bataille d’Anoual, 1980.

Source : https://rifhistoir.skyrock.com/​221464162-Anoual.html, permission de reproduction.

  • 46 « Cette bataille fut […] l'une des grandes étapes d'un processus d'émancipation, annonciateur du mo (...)
  • 47 Yabiladi, « Maroc : Militants rifains et officiels s'opposent sur le lieu de commémoration de la ba (...)
  • 48 Maroc Leaks, « La commémoration de la bataille d’Anoual se transforme en confrontation », 24 juil. (...)
  • 49 Maghress, « La commémoration de la bataille d'Anoual se transforme en confrontation », 22 juil. 201 (...)
  • 50 « Le peuple marocain et l'ensemble de la famille de la résistance et de l'armée de libération célèb (...)
  • 51 Fadma.be, 95e Anniversaire de la bataille d’Anoual, célébrant « l'éclatante victoire des résistants (...)
  • 52 Yabiladi, op. cit, 16 juil. 2015.
  • 53 Zamane, Rif- Anoual, la bataille de toutes les discordes, 20 juil. 2015, https://zamane.ma/fr/rif-a (...)
  • 54 Yabiladi, Commémoration de la bataille d’Anoual : du coup de bluff officiel au symbole..., 11 juil. (...)

40Le Royaume marocain se pose en héritier de cette victoire en assurant la commémoration de cette bataille depuis plusieurs années46, ce qui ne permet pas au gouvernement marocain de masquer les tensions qui prévalent encore entre l’État et des mouvements de revendication berbères ou amazighes, en témoignent de vives tensions à l’approche de plusieurs commémorations, par exemple de 201547 ou de 201748, et les heurts qui ont émaillé celle de 2013 : les manifestants des associations rifaines ont alors « exprimé leur contestation à l’égard de l’État marocain, qui selon eux, marginalise la langue amazigh et l’héritage légué par Abdelkrim El Khattabi, d’autant que les banderoles de la cérémonie officielle étaient écrites en arabe uniquement »49. Il s’est développé une concurrence sur la captation de l’héritage historique de la bataille, le Royaume marocain y voyant un événement fondateur de la résistance aboutissant à l’indépendance en 195650, les associations rifaines y saluant surtout une épopée amazighe et y voyant la marque de la quête d’autonomie des communautés kabyles51, adressée tant à l’occupant espagnol qu’au gouvernement marocain indépendant : « les ONG locales appellent à révéler la vérité à la fois sur la victoire des troupes d’El Khattabi sur l’Espagne en 1921 mais également sur les événements tragiques de 1958-1959, les incidents de 1984 à Nador et sur les assassinats de plusieurs figures de la résistance amazighe au lendemain de l’indépendance du royaume »52. Cette concurrence dans l’instrumentalisation du souvenir de la bataille, exprimée à travers le mécontentement d’associations amazigh face à l’organisation de discrètes cérémonies commémorielles par le gouvernement marocain53, traduit une rivalité politique : « Ce qu’on omet de dire […], du moins dans le discours officiel, c’est que le peuple rifain désirait avant tout son indépendance et sa liberté certes contre les occupants européens mais aussi contre le pouvoir monarchique marocain. […] L’histoire marocaine réfute la volonté d’Abdelkrim d’avoir créé un État rifain et intègre cette bataille comme l’un des prémices au processus du mouvement de libération du Maroc », selon des médias amazighs54. « Malgré l’importance […] de la bataille d’Anoual, sa commémoration est passée dans un silence total. […] Au Maroc, on préfère regarder ailleurs, publier des communiqués lapidaires […]. Pourtant, dans un pays comme le nôtre, composé d’une mosaïque d’identités ethniques et tribales, cette consolidation d’une appartenance commune est plus que nécessaire » (Tourabi, 2015).

El Herri : vers l’oubli dans la controverse ?

41On observe le même enjeu politique dans la commémoration de la bataille d’El Herri, livrée elle aussi par des insurgés berbères, cette fois-ci contre des troupes françaises : le gouvernement marocain en fait une lecture nationale marocaine, gommant ainsi toute tension entre le Royaume et la minorité amazighe. Ainsi, « la commémoration de cet événement historique vient s’ajouter aux multiples efforts et initiatives visant à préserver la mémoire nationale et à mettre en exergue l’épopée du Trône et du peuple pour l’indépendance et l’unité nationale […] cette manifestation vise en premier lieu à maintenir vivaces les nobles principes fondateurs de la Nation et à consacrer la fidélité à ses valeurs sacrées, sous la conduite éclairée de S.M. le Roi Mohammed VI »55. On ne trouve apparemment nulle stèle commémorative française ou marocaine pour cette bataille ; on ne relève que des monuments aux morts français (non datés) dans un cimetière désaffecté à Khénifra, sur la rive gauche de l’Oum Er Rebia56. Pourtant, « la victoire d’Elhri constitue un tournant décisif dans l’histoire de la résistance armée amazighe en particulier, marocaine en général contre l’occupant. […] Paradoxe : ces faits historiques, desquels les Marocains et surtout les jeunes générations peuvent tirer une grande réelle fierté nationale, ne figurent nullement dans les manuels scolaires en vigueur depuis l’indépendance. » (Khadaoui, 2014).

Une pluralité des mémoires et des enjeux de pouvoir sur les sites

42Pour chacune des batailles étudiées, l’analyse a présenté les acteurs impliqués dans les affrontements, puis la façon dont ces batailles ont été perçues par les protagonistes, puis commémorées – ou pas - par les acteurs contemporains ou d’alors. Une comparaison synoptique de ces six cas de figure permet de souligner les convergences et les différences.

43Il n’existe pas dans la littérature d’analyse comparée des monuments commémoratifs de batailles passées ; on trouve en revanche des analyses de monuments aux morts, surtout portant sur la Première Guerre mondiale. Aubry et de Oliveira (2014) proposent une ébauche de typologie des monuments aux morts. On peut analyser la mise en mémoire (Jewsiewicki 1997) des batailles étudiées dans cet article dans le tableau synthèse suivant, dans laquelle les paramètres incluent les pratiques mémorielles, la construction des monuments, l’existence de tensions liées au contrôle du site ou des pratiques mémorielles :

Tableau 2. Analyse des caractéristiques des six batailles étudiées

Tableau 2. Analyse des caractéristiques des six batailles étudiées

44Il apparait ainsi que les pratiques de commémoration tout comme les différences significatives dans l’aménagement des lieux traduisent des perceptions politiques vives et des enjeux de contrôle des sites des batailles. Si la pression politique des associations amérindiennes a pu conduire à l’évolution des représentations du Service des parcs nationaux et à l’instauration d’une double commémoration, à vocation pacifiste, sur le site de Little Big Horn, en revanche il apparait clairement que le site de Wabash demeure commémoré dans la seule perspective de l’épopée tragique de l’armée américaine. En Afrique du Sud, le gouvernement, pour souligner le changement de régime et des pratiques commémorielles associées, a souhaité, non pas effacer les monuments coloniaux comme en Namibie, mais proposer une lecture syncrétique du souvenir de la bataille, comme à Little Big Horn. À Adoua, alors que le souvenir chez les Italiens s’estompe peu à peu, même si des monuments sont encore entretenus par les autorités militaires italiennes avec l’assentiment des autorités érythréennes, la commémoration active de la bataille constitue un levier politique fort pour le gouvernement éthiopien, qui souhaite marquer le lieu de mémoire à travers un mémorial et un musée. Les batailles d’Anoual et d’El Herri constituent un point de friction entre le gouvernement marocain, accusé par les associations amazighes de peu valoriser ces épisodes de la guerre du Rif et de la résistance berbère face aux Français et aux Espagnols, dans un contexte de tension politique entre autorités locales amazighes et pouvoir central marocain.

45De cette matrice, il est ainsi possible de dégager la typologie suivante :

461) Mémoire très axée sur la commémoration du martyre et de la souffrance des troupes occidentales (Wabash) ; aucune recherche de dépassement du discours partisan.

472) Mémoire autrefois axée sur le souvenir de la souffrance des troupes occidentales, mais rendant désormais hommage aux deux camps. Une valorisation patrimoniale, voire touristique de cette mémoire que l’on veut apaisée se développe (Little Big Horn, Isandlwana) ;

483) Mémoire séparée ou contradictoires, témoin d’un traumatisme des sociétés européennes mais dont la mémoire s’efface peu à peu. La mémoire demeure vive dans le pays colonisé. Cette catégorie regroupe :

49a) Mémoire nationale vive, activement entretenue par le Gouvernement, notamment à des fins politiques (Adoua).

50b) Mémoire locale vive, avec célébration ambiguë du Gouvernement et controverse politique interne sur la signification de la bataille (Anoual).

51c) Mémoire locale vive, sans célébration gouvernementale mais locale, avec controverse politique domestique également (El Herri).

Conclusion

52Les batailles étudiées ici sont l’objet d’un investissement émotif socio-politique fort, qui témoigne de l’enjeu de la célébration des lieux de mémoire dans la manière dont on écrit et contrôle l’histoire. En effet, l’attention politique et artistique qu’elles suscitent, la monumentalisation dont font l’objet certaines d’entre elles, relèvent d’une volonté de souligner l’épopée nationale. Ces batailles ont peu changé le cours de l’histoire. Leur poids politique se traduit davantage sur le plan de la mémoire : commémorées et mises en récit, elles deviennent un repère signifiant à qui l’on donne la mission de transmettre une certaine conception de l’histoire.

53Devenues des lieux de mémoire, ces batailles sont investies d’une forte valeur politique dans la mesure où elles soulignent l’issue d’un affrontement militaire, ou encore parce qu’elles mettent en valeur le rôle de tel ou tel acteur dans le conflit. Plus encore, ces lieux symboliques peuvent devenir des éléments structurants de l’espace public à travers un effort d’aménagement et de valorisation touristique – ou parfois pas. Ils constituent un repère signifiant où peuvent s’affirmer des positions politiques, sociales, etc. (Sniter, 2004), mais qui deviennent alors également des enjeux politiques, car différents acteurs peuvent avoir développé des pratiques de commémoration divergentes. Les Britanniques ont commémoré la gloire et la souffrance des soldats qui ont donné leur vie pour la conquête de l’Afrique du Sud, et le gouvernement sud-africain a choisi, non pas d’effacer cet héritage, mais de la compléter avec un monument aux morts zoulous. De même, l’administration des parcs nationaux américains, après avoir longtemps préservé un monument dédié aux seuls soldats américains, a par la suite érigé un monument aux morts amérindiens également. Inversement, les associations amazighes déplorent la faible commémoration monumentale des batailles de la guerre du Rif et promeuvent leurs propres monuments. Ces divers cas de figure soulignent, au-delà de l’enjeu politique du contrôle de la mémoire, que l’aménagement des lieux de mémoire de ces batailles demeure un fort enjeu social et géopolitique.

54La présente enquête repose sur l’analyse de données issues de la littérature afin de retracer les enjeux géopolitiques du contrôle de ces lieux de mémoire et des représentations qui y sont associées. Elle permet de souligner la grande diversité de ces enjeux mémoriels et de pouvoir sur les sites de leur marquage territorial. Cependant, l’enquête était tributaire des sources mobilisées, reflet de la difficulté variable d’accès à celles-ci, produisant ainsi des corpus d’analyse d’ampleurs différentes. Des analyses plus fines sur les jeux de pouvoir pourraient utilement compléter ce travail exploratoire.

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Notes

1 Ce critère conduit à l’élimination de batailles comme la défaite russe de Tsushima face à la marine japonaise en 1905 : il ne s’agissait pas d’une tentative de conquête de la part de l’Empire russe, mais d’un conflit entre deux ambitions impériales en Asie.

2 Parmi les batailles qui ne sont pas étudiées ici, citons : les engagements de type guérilla dans le Maine pendant la guerre du Roi Philippe (1675-78) entre Anglais et Amérindiens en Nouvelle-Angleterre, avec de faibles effectifs et sans pratique commémorielle contemporaine (Schultz et Tougias 1999) ; la campagne de Harmar, (1790), davantage une série d’engagements limités entre Américains et Amérindiens qu’une bataille rangée ; la bataille de Barranco del Lobo (1909) pendant la guerre du Rif, militairement et politiquement moins importante qu’Anoual étudiée ci-après (de Madariaga 2011); la bataille de Dembeguina entre troupes italiennes et éthiopiennes en 1935, évoquée ici mais pas étudiée : sans lendemain militaire, la bataille n’est pas commémorée.

3 C’est cet enjeu qui pousse le gouvernement chinois à survaloriser les vestiges laissés par des pêcheurs supposés chinois sur les îlots disputés en mer de Chine du Sud (Lasserre 1996); ou qui permet de comprendre les difficultés majeures rencontrées par le projet de rédaction d’un manuel d’histoire commun aux États des Balkans (Koulouri 2006).

4 Un exemple majeur de ce changement d’approche historique est le travail considérable de Pierre Nora incarné dans Les Lieux de mémoire, en plusieurs tomes publiés de 1984 à 1992.

5 Comprise ici comme le processus de conquête des territoires par des puissances occidentales, en Amérique du Nord mais aussi en Afrique.

6 St. Clair’s Defeat. www.ohiohistorycentral.org/w/St._Clair%27s_Defeat, c. le 3 oct. 2018; Feng 2014.

7 Village of Fort Recovery, www.fortrecovery.org/Monument-Park.html, c. le 28 fév. 2019.

8 Monument Park, Village of Fort Recovery, www.fortrecovery.org/Monument-Park.html, c. le 9 oct. 2018.

9 Fort Recovery State Museum, situé à Fort Recovery, Ohio. www.fortrecoverymuseum.com/, c. le 5 oct. 2018.

10 Jour férié aux États-Unis, le dernier lundi de mai, pour rendre hommage aux membres des Forces armées des États-Unis morts au combat toutes guerres confondues.

11 Ed Gebert, Sacrifices remembered. Fort veterans plaza dedication set for Sept. 11. Daily Standard, 1er sept. 2016, www.dailystandard.com/archive/2016-09-01/stories/30284/sacrifices-remembered, c. le 9 oct. 2018.

12 Parmi ces nombreux films, on peut relever General Custer at the Little Big Horn (1926) de H. Fraser; Custer’s Last Stand (1936), d’E. Clifton; They Died with Their Boots On (1941), de R. Walsh; Little Big Horn (1951), de C. Warren; Sitting Bull (1954), de S. Salkow et R. Cardona; Glory Guys (1965), d’A. Lavende; Custer of the West (1967) de R. Siodmak; Little Big Man (1970), avec D. Hoffman, d’A. Penn; et Crazy Horse (1996) de J. Irving.

13 Le lieu de sa naissance est également commémoré en Ohio depuis 1910, voir Custer Monument, www.ohiohistory.org/visit/museum-and-site-locator/custer-monument, c. le 3 oct. 2018 et https://en.wikipedia.org/wiki/George_Armstrong_Custer_Equestrian_Monument, c. le 4 oct. 2018.

14 ‘Custer’s Last Stand’: the battle of Little Big Horn, 1876. California Indian Education, nd, www.californiaindianeducation.org/native_american_history/historic_indian_battles.html, c. le 5 oct. 2018.

15 7th US Cavalry Memorial, www.nps.gov/libi/learn/historyculture/7th-us-cavalry-memorial.htm, c. le 5 oct. 2018.

16 Little Bighorn Reborn. www.smithsonianmag.com/travel/little-bighorn-reborn-79240914/, c. le 9 oct. 2018.

17 Little Big Horn Battlefield, www.nps.gov/libi/index.htm, c. le 3 oct. 2018.

18 Little Bighorn Reborn, op. cit.

19 Plusieurs tableaux de Charles Edwin Fripp, dont The Battle of Isandlwana, 1885, National Army Museum, Londres, www.nam.ac.uk/online-collection/detail.php?acc=1960-11-182-1, c. le 3 oct. 2018 ou James McConnel, The Battle of Isandlwana, 1973, https://bookpalace.com/acatalog/info_McConnellZulu2LL.html, c. le 4 oct. 2018.

20 Mentionnons ainsi Zulu, de Cy Endfield (1964); Zulu Dawn, de Douglas Hickox (1979); voir ci-dessous.

21 Isandlwana Monument, http://gertswartsculptor.homestead.com/Isandlwana.html#anchor_9, c. le 7 oct. 2018. Le monument a été vandalisé à deux reprises par, semble-t-il, des voleurs intéressés par le métal.

22 De nombreuses agences touristiques proposent des produits centrés sur ce thème, par exemple African Battlefields, www.africatravelservices.co.za/, Visit the Battlefields, https://www.audleytravel.com/south-africa/places-to-go/the-battlefields, ou BattleScenes, www.battlescenes.co.za/, où sont mis en valeur sur le même plan les guerres zoulou-boers, anglo-zouloues, et la guerre des Boers. C. le 25 sept. 2018.

23 The Battle of Isandlwana, Isibindi Zulu Lodge, www.isibindi.co.za/blog/the-cursed-battle-of-isandlwana/, c. le 22 oct. 2018.

24 Par exemple un tour de 3 jours pour visiter les sites des batailles d’Isandlwana, Rorkes Drift et Blood River, cette dernière livrée en 1838 entre des combattants zoulous et des colons afrikaners; Battlefields of KwaZulu-Natal, https://timbrowntours.com/our-tours/battlefields-of-kwazulu-natal-three-day-tour/, c. le 22 sept. 2018; Natal Battlefields Tour, www.southerncircle.com/tour/natal-battlefields-tour-3-days, c. le 22 sept. 2018.

25 Battlefields of KwaZulu-Natal, Gouvernement d’Afrique du Sud, http://country.southafrica.net/country/us/en/articles/entry/article-southafrica.net-battlefields-of-kwazulu-natal, c. le 22 sept. 2018.

26 Ethiopia: Commemoration of the Victory at Adwa in 1896. All Africa, 3 mars 2015, https://allafrica.com/stories/201503040427.html, c. le 22 sept. 2018; 122nd Anniversary of the Battle of Adwa-Press release, 6 fév. 2018, http://ehsna.org/122nd-anniversary-of-the-battle-of-adwa-press-release/, c. le 22 sept. 2018..

27 Le 26 janvier 1887, un contingent de 15 000 soldats éthiopiens avait surpris et écrasé un bataillon avancé italien de 550 hommes à Dogali, aujourd’hui en territoire érythréen.

28 Il Nuovo Monumento Eretto sul Colle di Dogali (Eritrea) nel 1889, www.maremagnum.com/stampe/il-nuovo-monumento-eretto-sul-colle-di-dogali-eritrea-nel/130784715, c. le 2 mars 2019.

29 Ministero della Difensa [Ministère de la Défense], Cimiteri Militari Italiani al Estero - Eritrea, 2002, Daro Ghunat, Monumento Ossario ai Caduti Italiani Della Battaglia di Adua, www.difesa.it/Il_Ministro/ONORCADUTI/Pubblicazioni/Pieghevoli/Documents/Daro%20Ghunat.pdf; Cimiteri Militari Italiani al Estero – Eritrea, Dogali, Monumento ai Caduti ai Caduti Italiani, 2002, www.difesa.it/Il_Ministro/ONORCADUTI/Pubblicazioni/Pieghevoli/Documents/Dogali.pdf, c. le 25 sept. 2018.

30 Monumento ai Caduti di Dogali, Wikipédia, https://it.wikipedia.org/wiki/Monumento_ai_Caduti_di_Dogali, c. le 3 oct. 2018.

31 Ethiopia: Emperor Menelik II Statue. All Africa, 2 mars 2018, https://allafrica.com/stories/201803020620.html, c. le 26 sept. 2018.

32 Adwa Landmark Project, www.adwalandmark.com.et/, c. le 3 oct. 2018.

33 Ministry, Historian Emphasize Need For Building Memorial Museum For Victory Of Adwa, EthioSports, 26 nov. 2017, www.ethiosports.com/2017/11/26/ministry-historian-emphasize-need-for-building-memorial-museum-for-victory-of-adwa/, c. le 2 oct. 2018.

34 Ethiopia intensifies efforts to realize Pan-African University, Ambassade d’Éthiopie en Belgique, 24 avril 2018, https://ethiopianembassy.be/en/2018/04/24/ethiopia-intensifies-efforts-to-realize-pan-african-university/, c. le 4 oct. 2018.

35 Yonas Abiye, Adwa to erect memorials for war heroes, The Reporter, 3 mars 2018, www.thereporterethiopia.com/article/adwa-erect-memorials-war-heroes, c. le 2 oct. 2018.

36 Offensive de Noël, 15 déc. 1935-20 janv. 1936, victoire éthiopienne sans lendemain : 190 000 soldats éthiopiens ont refoulé 125 000 soldats italiens.

37 Ethiopians mark Africa’s first victory over a colonial power in 1896. Face2Face Africa, https://face2faceafrica.com/article/ethiopians-mark-africas-first-victory-colonial-power-1896, c. le 4 oct. 2018.

38 « La victoire d’Adoua devrait être honorée avec des efforts redoublés de lutte contre la pauvreté, ainsi qu’avec des efforts pour lutter contre toute interférence étrangère avec la souveraineté éthiopienne ». Traduction libre.

39 Monumento a los caídos en la Guerra de África, www.ceutaturistica.com/monumentos/monolitoplazafrica.html, c. le 28 août 2018.

40 Avec une murale en bas-relief en mémoire de la victoire espagnole de Tétouan (1861). Iloilo's San Joaquin Parish: A Symbol of the Victory of Good Over Evil, 9 nov. 2015, www.choosephilippines.com/go/heritage-sites/3735/classic-church-iloilo-san-joaquin-parish, c. le 28 août 2018.

41 Y compris la 2e guerre hispano-marocaine de 1909-1910, et la guerre du Rif 1921-1926. Monumento a los héroes y mártires de las campañas, www.esculturaurbana.com/paginas/loplj001.htm, c. le 28 août 2018.

42 Par exemple La Porte Fernández-Alfaro, P. (2003). El desastre de Annual y la crisis de la Restauración en España (1921-1923), Universidad Complutense de Madrid, Servicio de Publicaciones; Francisco, L. M. (2014). Morir en África: la epopeya de los soldados españoles en el Desastre de Annual. Barcelona: Crítica.

43 Association marocaine constituée en avril 1978 et se proposant notamment de promouvoir la place de la culture amazighe dans l’ensemble marocain. On impute à l’action de cette association, la commémoration officielle de la bataille d'Anoual (quoique diversement appréciée par d’autres associations amazighes) en tant qu'événement national, et son intégration dans les commémorations officielles par le Haut-Commissaire aux Anciens Combattants et de l'Armée de la Libération. www.hcar.gov.ma/memoire-nationale/, c. le 25 sept. 2018.

44 Traduction libre de Mme Dalila Dehhani. Stèle inaugurée le 11 juil. 1979. https://i.pinimg.com/originals/67/7b/ab/677bab7177fc3d198953cd02a060a03c.jpg, c. le 15 juil. 2018.

45 Yabiladi, « Commémoration de la bataille d’Anoual : du coup de bluff officiel au symbole... », 11 juil. 2006, www.yabiladi.com/forum/commemoration-bataille-d-anoual-coup-bluff-2-1240477.html, c. le 24 sept. 2018. Stèle inaugurée le 11 juil. 1980. Nous n’avons pu vérifier la traduction proposée.

46 « Cette bataille fut […] l'une des grandes étapes d'un processus d'émancipation, annonciateur du mouvement national conduit par feu SM Mohammed V pour la libération du Maroc, et qui a trouvé son accomplissement dans l'œuvre inscrite à l'actif de feu SM Hassan II et de son digne successeur, SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, pour conforter les acquis du parachèvement de l'intégrité territoriale du Royaume. » AtlasInfo, Maroc: Commémoration du 89e anniversaire de la célèbre bataille d'Anoual, 20 juil. 2010, www.atlasinfo.fr/Maroc-Commemoration-du-89-eme-anniversaire-de-la-celebre-bataille-d-Anoual_a6440.html, c. le 18 sept. 2016.

47 Yabiladi, « Maroc : Militants rifains et officiels s'opposent sur le lieu de commémoration de la bataille d'Anoual », 16 juil. 2015, www.yabiladi.com/articles/details/37528/maroc-militants-rifains-officiels-s-opposent.html, c. le 24 sept. 2018.

48 Maroc Leaks, « La commémoration de la bataille d’Anoual se transforme en confrontation », 24 juil. 2017, http://maroc-leaks.com/commemoration-de-bataille-danoual-se-transforme-confrontation/, c. le 24 sept. 2018.

49 Maghress, « La commémoration de la bataille d'Anoual se transforme en confrontation », 22 juil. 2013, www.maghress.com/fr/lakomefr/2106, c. le 24 oct. 2016.

50 « Le peuple marocain et l'ensemble de la famille de la résistance et de l'armée de libération célèbrent, vendredi, le 96ème anniversaire de la glorieuse bataille d'Anoual, lors de laquelle les valeureux résistants marocains avaient remporté une victoire décisive contre les forces d'occupation… ». « Le 96e anniversaire de la bataille d'Anoual », Maroc.ma, www.maroc.ma/fr/actualites/96-eme-anniversaire-de-la-bataille-danoual, c. le 25 sept. 2018. Le gouvernement marocain célèbre de plus la bataille de Dcheira du 13 janvier 1958 contre l’armée espagnole, bataille livrée pour le contrôle du Sahara espagnol et présentée implicitement dans le discours officiel comme une victoire marocaine. Un article paru en 2017 célèbre ainsi « un acte héroïque de l’épopée de la lutte pour le parachèvement de l’intégrité territoriale du Royaume », mais sans aucune mention de la bataille d’Anoual. Maroc-Diplomatique, « La bataille de Dcheira », 27 fév. 2017, http://maroc-diplomatique.net/bataille-de-dcheira-acte-heroique-de-lepopee-de-lutte-parachevement-de-lintegrite-territoriale-royaume/, c. le 25 sept. 2018. Des analyses espagnoles ne reflètent pas un telle victoire, parlant plutôt d’engagement indécis, voire de victoire espagnole... ABC Historia, Edchera: la sangrienta gesta en la que los legionarios españoles aplastaron a la letal guerrilla marroquí, 6 fév. 2018, www.abc.es/historia/abci-edchera-sangrienta-gesta-legionarios-espanoles-aplastaron-letal-guerrilla-marroqui-201802060235_noticia.html. La guerre de l’Ifni (1957-1958), conclue par le traité d’Angra de Cintra entre Espagne et Maroc, mit un terme au protectorat espagnol mais confirma plusieurs possessions espagnoles en territoire marocain, que les Espagnols ne quittèrent qu’en 1969 sous la pression internationale, puis en 1975 pour le Sahara espagnol, prélude au conflit sahraoui.

51 Fadma.be, 95e Anniversaire de la bataille d’Anoual, célébrant « l'éclatante victoire des résistants rifains sur les forces d'occupation espagnole… », occasion « pour le peuple amazigh de rendre hommage à la population du Rif pour sa bravoure… », 21 juil. 2016, www.fadma.be/news/95-eme-anniversaire-de-la-bataille-danoual, c. le 29 août 2018.

52 Yabiladi, op. cit, 16 juil. 2015.

53 Zamane, Rif- Anoual, la bataille de toutes les discordes, 20 juil. 2015, https://zamane.ma/fr/rif-anoual-la-bataille-de-toutes-les-discordes/, c. le 24 sept. 2018.

54 Yabiladi, Commémoration de la bataille d’Anoual : du coup de bluff officiel au symbole..., 11 juil. 2006, www.yabiladi.com/forum/commemoration-bataille-d-anoual-coup-bluff-2-1240477.html, c. le 24 sept. 2018.

55 Libération, Khénifra s'apprête à commémorer le centenaire de la bataille d'El Herri. Objectif : préserver la mémoire nationale. Casablanca, 11 nov. 2014, www.libe.ma/Khenifra-s-apprete-a-commemorer-le-centenaire-de-la-bataille-d-El-Herri_a55891.html, c. le 4 oct. 2018.

56 Voir les photos sur https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?t=16518&start=170, c. le 25 sept. 2018.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 - Six défaites occidentales dans le cadre de guerres de conquête coloniales
Crédits Sources : Sugden, J. (2000), Blue Jacket : Warrior of the Shawnees, Lincoln, University of Nebraska Press; Edel, W. (1997) Kekionga! : the worst defeat in the history of the U.S. Army, Westport, Praeger; Buffenbarger, T (2011). St. Clair's Campaign of 1791: A Defeat in the Wilderness That Helped Forge Today's U.S. Army. U.S. Army Heritage and Education Center; Eckert, A. (1995), That Dark and Bloody River, New York : Bantam; Thomas, R. (2016), Indian Casualties of the Little Big Horn Battle, www.littlebighorn.info/Articles/IndianCasualties.pdf; Philbrick, N. (2010). The Last Stand: Custer, Sitting Bull, and the Battle of the Little Bighorn, Viking; Urwin, G. (2019). Battle of the Little Bighorn, Encyclopedia Britannica, www.britannica.com/event/Battle-of-the-Little-Bighorn; Knight, I. (2002). Isandlwana 1879: The Great Zulu Victory, Londres : Osprey; Knight, I. (2003). The Anglo-Zulu War. Osprey; Lock, R., & Quantrill, P. (2015). Zulu victory: the epic of Isandlwana and the cover-up. New York : Frontline Books; Pollard, T. (2002). The Mountain is their Monument. In Doyle, Peter; Bennett, Matthew R. Fields of Battle. Kluwer Academic Publishers, p. 118-131; Morris, D. (1998). The Washing of the Spears: A History of the Rise of the Zulu Nation under Shaka and Its Fall in the Zulu War of 1879. Johannnesbourg : Da Capo Press; Snook, M. (2006). Like Wolves on the Fold: The Defence of Rorke's Drift. Londres : Greenhill Books; Brown, P. et Yirgu, F. (1996) The Battle of Adwa 1896, Chicago: Nyala; Jonas, R.A. (2011) The Battle of Adwa: African Victory in the Age of Empire, Bellknap Press; Pando, J. (1999). Historia Secreta del Annual. Madrid: Temas de Hoy; La Porte Fernández-Alfaro, P. (2003). El desastre de Annual y la crisis de la Restauración en España (1921-1923), Universidad Complutense de Madrid, Servicio de Publicaciones; Francisco, L. M. (2014). Morir en África: la epopeya de los soldados españoles en el Desastre de Annual. Barcelona: Crítica; Etat-major des armées- Service historique (1939). Les armées françaises dans la Grande guerre. Tome IX. 9,3; Voinot, L. (1939). Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc. Charles-Lavauzelle et Cie; Drouin, J. (1975). Un Cycle oral hagiographique dans le Moyen-Atlas marocain. Paris : Publications de la Sorbonne.* Grandes divergences dans les sources : F. Caballero Poveda (1984). La Campaña del 21 en cifras reales (I) et (II), Ejército, n°522 et 523 ; D. Bloxham, A. Dirk Moses (2010). The Oxford Handbook of Genocide Studies, Oxford Univ. Press.
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Titre Fig. 1 - Panneau historique, St Clair’s Defeat, 1954.
Crédits Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb (Historical Markers database), www.hmdb.org/Marker.asp?Marker=19950
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Fichier image/png, 1,1M
Titre Fig. 2 - Autre panneau explicatif, St. Clair’s Defeat, 2003.
Crédits Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb, www.hmdb.org/PhotoFullSize.asp?PhotoID=68673
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Fichier image/png, 985k
Titre Fig. 3 - Panneau historique, Wayne’s Victory, écho à St. Clair’s Defeat, 2003.
Crédits Source : Dale K. Benington, 5 juin 2009. Avec la permission de HMdb, www.hmdb.org/marker.asp?marker=20333
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Titre Fig. 4. Monument aux morts américains, batailles de Wabash et de Fort Recovery. 1913.
Crédits Source : Johnson Mechanical, avec permission, www.johnsonmechanical.net/ft-recovery-oh-heating-air-conditioning-contractor/
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Titre Fig. 5. Monument aux morts américains, Little Big Horn, 1881.
Crédits Source : TripAdvisor, avec permission.
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Titre Fig. 6. Monuments aux morts amérindiens, Little Big Horn, 2003.
Crédits Source : Wikipédia Commons, https://commons.wikimedia.org/​wiki/​File:Indian_Monument_at_Little_Bighorn_Battlefield_National_Monument.JPG
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Fichier image/png, 662k
Titre Fig. 7. The defence of Rorke’s Drift, Alphonse de Neuville, 1879
Crédits Source : Google Art project – et Wikipédia Commons.
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Titre Fig. 8. La bataille d’Isandlwana, Charles Edwin Fripp, 1885.
Crédits Source : Wikipedia commons, https://fr.wikipedia.org/​wiki/​Bataille_d%27Isandhlwana#/​media/​File:Isandhlwana.jpg
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Titre Fig. 9. Monuments aux morts militaires britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.
Crédits Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges - www.isibindizululodge.co.za/about-us/the-battle-of-isandlwana/isandlwana-graves/
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Titre Fig. 10. Monument aux morts britanniques, Isandlwana, 1913.
Crédits Source : Nicolas Billington; avec la permission de Shutterstock.
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Titre Fig. 11. Monuments aux morts britanniques, Isandlwana, fin du XIXe s.
Crédits Source : avec la permission d’Audley Travel, www.audleytravel.com/ie/blog/2010/february/top-five-battlefields
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-12.png
Fichier image/png, 203k
Titre Fig. 12. Monument aux morts britanniques, Rorke’s Drift.
Crédits Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges.
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-13.png
Fichier image/png, 2,6M
Titre Fig. 13. Monument aux morts zoulous, Isandlwana, 1999.
Légende La sculpture en bronze représente un collier offert aux guerriers en reconnaissance de leur courage, appelé iziqu.
Crédits Source : Gavin Ford avec la permission d’Africa Inscribed Safaris, www.africainscribed.travel/explore/wp-content/uploads/2013/12/DSC_4968.jpg
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-14.png
Fichier image/png, 957k
Titre Fig. 14. Mémorial des morts zoulous, Rorke’s Drift, 2005.
Crédits Source : Roger de la Harpe ; avec l’autorisation d’Isibindi Africa Lodges.
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Titre Fig. 15. Croix commémorative des morts italiens lors de la bataille d’Adoua; cimetière d’Adoua (Éthiopie).
Légende « Aux [soldats] tombés. Adoua 1896. Nous ne devons pas oublier ».
Crédits Source : A. Davey, Wikipédia Commons, https://commons.wikimedia.org/​wiki/​File:Adua_Memorial,_or_The_Folly_of_Imperialism_(3130882917).jpg
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Titre Fig. 16. Monuments aux morts de Dogali (Érythrée), 1889.
Crédits Source : Wikipedia Commons, https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons/​e/​ef/​Dogali_Monument.jpg.
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-17.png
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Titre Fig. 17. Monument aux morts de Daero Kunat (Érythrée) commémorant la bataille d’Adoua, 1939.
Crédits Source : Andrea Moroni, www.flickr.com/photos/bandytam/16356245681, avec permission.
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-18.png
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Titre Fig. 18. Monument aux morts de Dogali, Rome, 188730.
Crédits Source : Wikipédia Commons, https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons/​8/​86/​Monumento_a_Dogali.jpg
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-19.png
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Titre Fig. 19. Statue de Ménélik II érigée en 1930 pour célébrer la victoire d’Adoua.
Crédits Source : Semonegna.com, avec permission
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-20.png
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Titre Fig. 20. La bataille d’Adoua, détail, Addis Abeba, nd.
Crédits Source : A. Davey, Wikipedia Commons.
URL http://journals.openedition.org/espacepolitique/docannexe/image/5591/img-21.png
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Titre Fig. 21 - Stèle commémorative de la bataille d’Anoual, 1980.
Crédits Source : https://rifhistoir.skyrock.com/​221464162-Anoual.html, permission de reproduction.
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Titre Tableau 2. Analyse des caractéristiques des six batailles étudiées
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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric Lasserre et Catinca Adriana Stan, « Guerres coloniales et commémoration : le cas des défaites occidentales. Enjeux de pouvoir sur des lieux de mémoire »L’Espace Politique [En ligne], 36 | 2018-3, mis en ligne le 01 juin 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/5591 ; DOI : https://doi.org/10.4000/espacepolitique.5591

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Auteurs

Frédéric Lasserre

Professeur, département de Géographie, Université Laval
Directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques (CQEG)
Frederic.lasserre@ggr.ulaval.ca

Articles du même auteur

Catinca Adriana Stan

Professeure, département d'Études sur l'enseignement et l'apprentissage
Université Laval
catinca-adriana.stan@fse.ulaval.ca

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Droits d’auteur

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