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Sur le Champ/Sur le Terrain
Pays émergents

La rareté de l’espace dans les villages de métier du delta du Fleuve Rouge : l’exemple des stratégies socio spatiales villageoises dans la commune de Phong Khe, province de Bac Ninh

Yves Duchère

Résumé

Les villages de métier du delta du Fleuve Rouge existent pour certains depuis le XVe siècle et développent un artisanat qui depuis quelques décennies s’adapte aux nouvelles exigences d’un marché en pleine évolution. L’intensification de la production du village de métier de Phong Khe (province de Bac Ninh) s’accompagne d’importantes nuisances environnementales qui hypothèquent les rendements agricoles et affectent la santé publique. L’organisation du travail dans cette commune traduit le manque d’espace nécessaire pour développer de manière plus durable l’artisanat et l’industrie. L’article analyse les stratégies mises en place par les villageois et les autorités pour poursuivre l’effort industriel dans un environnement général de plus en plus instable.

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Texte intégral

  • 1  Les définitions varient en fonction des organismes. Ainsi, selon la province de Bac Ninh dans laqu (...)
  • 2  Le delta du Fleuve Rouge est une plaine alluviale située dans le nord du Vietnam. Le bassin versan (...)

1L’observateur qui découvre pour la première fois les villages de métier1  (làng nghề)du delta du Fleuve Rouge2 est immédiatement frappé par l’intense activité qui y règne. L’agitation et l’affairement de ces localités viennent contraster avec le calme et la fixité apparents des espaces agricoles alentours. En effet, autour des villages se dessinent de vastes étendues de rizières que les canaux d’irrigation et arroyos découpent en structures géométriques de toutes formes. Dans le delta, l’eau est omniprésente, elle traverse les villages, irrigue les rizières, remplit les mares et étangs et alimente les aquifères indispensables à la survie de la population locale.

  • 3  Le périurbain étant considéré comme un espace tiers (ni urbain ni rural) autonome mais sous influe (...)

2Si notre observateur prend le temps de visiter plusieurs villages de métier, il notera la diversité des situations : certains villages sont éloignés de 30 voire 40 km des grandes villes alors que d’autres s’inscrivent directement dans une continuité spatiale urbaine avec la ville centre. Le périurbain3, aussi difficile soit-il à définir, accueille un grand nombre de villages urbains qui correspondent à la définition qu’en fait T. Mc Gee (1991) lorsqu’il développe le concept de désakota.

  • 4  Transformation structurelle d’une région dont la paysannerie travaille de plus en plus à la produc (...)
  • 5  La culture intensive libère une quantité importante de méthane (environ 120 g par kilo de riz). Le (...)

3L’omniprésence de l’eau, la variabilité topographique des différentes terres du delta et ses densités démographiques rurales (plus de 1 300 hab/km² en 2009) en font un territoire fragile sur lequel les villages de métier se développent depuis le XVIIe siècle. Ces localités produisaient à bas coûts des articles destinés à la consommation courante (meubles, papier, éventails, textile…), à la Cour (objets de luxe et d’art) et à l’exportation. La phase de proto industrialisation4 dans laquelle se trouvent ces systèmes de production localisés aujourd’hui s’accompagne de nuisances environnementales menaçant la santé des villageois. La culture intensive du riz, par le méthane5 qu’elle libère et la quantité croissante de pesticides utilisée, ajoute aux conséquences environnementales de l’industrialisation une touche encore plus dramatique qui n’épargne aucun espace dans les villages de métier.

4Supportant de hautes densités démographiques et une intense activité artisanale assurant des revenus jusqu’à quatre fois supérieurs à ceux de l’agriculture (enquêtes Duchère Y., 2010), le village de métier de Phong Khe manque d’espace et doit alors mettre en œuvre des stratégies particulières (sociales et spatiales) pour s’adapter à ce contexte. Quelles sont alors ces stratégies ? Quelles relations existent entre la rareté de l’espace et les atteintes portées à l’environnement ? A quel coût social et environnemental se maintient la production  artisanale (organisation du travail, destruction des milieux, creusement des inégalités) ?

5Pour tenter de répondre à ces trois interrogations, l’article aborde la question de l’ancrage historique des villages de métier du delta du Fleuve Rouge en soulignant le contexte géographique (caractéristiques humaines et physiques) dans lequel ces localités se développent. La deuxième partie de l’article revient sur l’organisation sociale et spatiale du travail à l’échelle de la commune de Phong Khe afin de montrer la relation qui existe entre l’espace et la production. Enfin, la dernière partie s’intéresse à la gouvernabilité de ces espaces en proie à de profondes modifications sociales et environnementales.

  • 6  Dynamiques territoriales à la périphérie des métropoles des Suds. Le colloque de restitution a eu (...)

6L’analyse proposée ici repose sur des observations de terrain ainsi que sur des entretiens menés de 2009 à 2012 auprès des artisans et responsables politiques de la commune de Phong Khe et de la ville de Bac Ninh. Ce travail s’inscrit dans le cadre de recherches doctorales au sein du programme PERISUD6.

Les villages de métier du delta du Fleuve Rouge

  • 7  Sur les terres les plus hautes, un troisième cycle irrigué est possible pour une culture maraichèr (...)

7Dans la plaine alluviale du delta du Fleuve Rouge, on pratique depuis plusieurs siècles la riziculture intensive en association avec l’artisanat et le commerce. La riziculture intensive, de par son calendrier agricole spécifique qui comprend différentes étapes (sarclages, désherbages, irrigation, récoltes) et en raison de la pratique du repiquage, nécessite une masse de main d’œuvre très nombreuse, principalement de juillet à novembre et de février à juin7.

Ancrage historique et spatial des villages de métier du delta

  • 8  Les définitions varient en fonction des organismes. Ainsi, selon la province de Bac Ninh dans laqu (...)

8Le delta du Fleuve Rouge, avec des densités démographiques atteignant 1 300 hab/km² en 2009, fait partie des régions les plus densément peuplées de la planète. La riziculture est l’activité principale du delta : en 2002, on y produisait 19,6 % (6 685 300 tonnes) du total du riz du pays sur 16 % de la superficie des rizières (1 196 700 hectares) (Fanchette, Dao The Anh, 2008). A ce dynamisme agricole viennent s’ajouter des activités complémentaires telles que l’artisanat. Ainsi, depuis le XIe siècle (Langlet Quach Thanh-Tâm, 1993), des activités artisanales et industrielles viennent soutenir les faibles revenus générés par l’agriculture. A l’époque impériale, l’artisanat et l’industrie étaient pratiqués dans des villages spécialisés que sont les actuels villages de métier8.

  • 9  Chiffres tirés du rapport JICA-MARD intitulé : Etude sur la planification du développement des mét (...)

9Pierre Gourou recensait, en 1930, près de 800 métiers pour le delta du Fleuve Rouge (Gourou, 1936), les plus importants étaient les métiers de vannier, de tisserand ou encore d’ébéniste. En 2004, le MARD (Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural) comptait 2 000 villages de métier au Vietnam9. La création et le maintien des villages de métier trouvent leur fondement dans le rapport qu’ils entretiennent avec la riziculture et avec la ville de Hanoi. L’artisanat s’est développé principalement dans les villages où les paysans subissaient de longues périodes de temps mort en raison du calendrier spécifique à la riziculture intensive où le repiquage nécessite une main d’œuvre nombreuse sur des temps limités. Par ailleurs, on observe que l’artisanat était plus fortement développé dans les zones basses en raison de l’impossibilité d’y cultiver la terre sujette aux inondations.

10Les regroupements d’artisans existent depuis le XIIIe siècle. Dao Duy Anh (1955) revient sur la manière dont les artisans se sont regroupés en village avec l’aide de l’État qui a mis en place un cadre juridique de protection et de gestion de ces nouveaux regroupements. Au XVe siècle, des villages spécialisés se constituent et avec eux un système d’échange entre les campagnes et la capitale impériale. Le quartier des « 36 rues et corporations », qui comptait une centaine de rues, vendait les produits des villages de métier du delta du Fleuve Rouge. Ce système d’échange facilita la mise en place d’un processus d’urbanisation des campagnes et assura les bases de l’essor économique de Hanoi (Fanchette, 2011).

  • 10  Réformes économiques de 1986. Cette libéralisation économique, contrairement à la perestroïka, ne (...)

11Après la période collectiviste, et plus particulièrement encore depuis le renouveau (Đổi mới10), on assiste à une résurgence de l’activité artisanale. Le délitement puis l’effondrement de l’Union Soviétique, associés à la perte de vitesse des coopératives vietnamiennes et à l’ouverture des marchés, ont entrainé un regain de l’activité individuelle.

12Selon un rapport de la Banque Mondiale de 1999, les villages de métier participent à 41 % au PIB du secteur industriel et occupent 64 % de la main d’œuvre du secteur industriel non étatique (1,35 millions d’employés). Le taux de croissance de la production artisanale et industrielle rurale atteint 9 % par an depuis la fin des années 1990 et le montant des exportations dépasse 600 millions de $US en 2003.

  • 11  Cette transition se caractérise par une augmentation du taux d’urbanisation et le passage d’une éc (...)
  • 12  En 1990, un centre urbain est une zone résidentielle qui regroupe au moins 4 000 habitants dont au (...)

13Le Đổi mới est alors le point de départ d’une double transition (Quertamp , 2009) économique et urbaine. Les recompositions socio-économiques et spatiales des espaces périurbains attestent du passage progressif d’une société majoritairement rurale à une société davantage urbaine11. Selon Fanny Quertamp, en 1990, le Vietnam comptait 457 centres urbains12 ; en 2004, il y en avait 667. Les communes périphériques aux centres urbains constituent de véritables laboratoires de la transition socio-économique. Le territoire de ces communes est convoité par de nombreux projets résidentiels et industriels qui viennent progressivement se substituer aux terres agricoles que les entreprises privées, avec l’aide de l’État, exproprient à moindre frais. Des espaces d’un nouveau genre sont alors en train de naître. Les villages côtoient des zones résidentielles modernes qui surplombent les rizières. De nombreux paysans dépossédés de leur terre cherchent en vain un moyen de survivre dans ce nouvel environnement dont la cohésion sociale est de plus en plus remise en cause (enquêtes 2011).

Les clusters et la très grande division du travail

14Les villages de métier sont le plus souvent organisés en cluster. Ce mode d’organisation, dont l’origine remonte au XVe siècle, implique une grande proximité (spatiale et sociale) entre les différents acteurs s’adonnant à la production d’un article particulier. Pour une même activité, plusieurs villages se regroupent et organisent échanges et collaborations entre eux. Cette organisation du travail permet une grande flexibilité de la production qui fait intervenir de nombreux acteurs allant de la production familiale sous traitée à l’entreprise formelle des zones industrielles.

  • 13  La province de Bac Ninh est entourée par les provinces de Bac Giang au nord, de Hung Yen au sud, d (...)

15Les clusters ont des tailles variables qui vont de l’échelle inter communale à des réseaux internationaux assurant  les exportations. Dans cet article, nous nous intéresserons à la commune de Phong Khe et à ses quatre villages (Duong O, Dao Xa, Cham Khe et Ngo Khe) situés dans la province de Bac Ninh13 .

Illustration 1 – La commune de Phong Khe dans la province de Bac Ninnh

Illustration 1 – La commune de Phong Khe dans la province de Bac Ninnh

Source : Fond cartographique : Service de l’environnement et des ressources naturelles de Bac Ninh ; réalisation :Y. Duchère.

  • 14  La commune de Dai Bai est composée de quatre villages : Dai Bai, Doan Bai, Ngoc Xuyen et Song Quyn (...)
  • 15  Enquêtes comité populaire de Bac Ninh, service de l’environnement et des ressources naturelles, Du (...)

16Ayant travaillé également sur la commune de Dai Bai14 (province de Bac Ninh) spécialisée dans le martelage, nous utiliserons ce travail pour apporter des éléments de comparaison. La commune de Phong Khe est considérée par le service de l’environnement provincial comme étant la plus polluée de la province de Bac Ninh15. Alors que la commune de Phong Khe, qui compte 10 047 habitants, est située à moins de 5 km de la ville de Bac Ninh, la commune de Dai Bai(illustration 2) s’insère dans un tissu plus rural et est éloignée de 30 km de la ville de Bac Ninh. Cependant, ces deux localités sont comparables par la structure de leur organisation du travail, et notamment par les impacts environnementaux qu’elles entrainent. L’intensification des activités artisanales, la diminution des espaces agricoles et l’aménagement de nouveaux projets industriels et/ou urbains questionnent le devenir de ces localités et de leur artisanat.

Illustration 2 – La commune de Dai Bai

Illustration 2 – La commune de Dai Bai

Source : Carte communale, Comité populaire, 2009 ; réalisation : Y.Duchère.

Illustration 3 – La commune de Phong Khe

Illustration 3 – La commune de Phong Khe

Source : Carte communale, Comité populaire, 2009 ; réalisation : Y.Duchère.

  • 16  Nous nous référons ici à la définition vietnamienne du secteur informel qui, selon le décret 88/20 (...)

17Il existe plusieurs types de relations et d’échanges concernant diverses échelles. Des échanges de savoir-faire ou de main d’œuvre existent entre les différents villages d’une même commune ou encore, plus rarement, entre plusieurs communes. En effet, certains villages peuvent fournir la matière première pendant que d’autres fournissent la main d’œuvre ou encore de nouveaux espaces de production. Dans cet article, nous nous intéresserons avant tout aux relations entre les villages d’une même commune. Les relations entre les entreprises du secteur informel16 et celles des zones industrielles formelles (Fanchette, 2010) constituent également un niveau d’organisation à part entière qui, à la différence des précédents, concerne toutes les échelles.

L’industrialisation des villages de métier

18A partir de 1954, les artisans des villages de métier doivent rejoindre les coopératives artisanales afin de soutenir le développement économique et industriel du Vietnam. En 1959, la guerre entre le sud et le nord éclate.

19C’est dans ce contexte que les villages de métier participent à l’effort de guerre : ils produisent pour la population, pour les pays frères et, pour l’armée (tracts, munitions..). Le système des coopératives structure l’organisation de la production des villages de métier jusque dans les années 80. Pendant cette période, la production individuelle est interdite, ce qui n’empêche pas certains de se livrer à des activités artisanales clandestines comme la production d’alcool par exemple (enquêtes Duchère Y., 2012).

20Lorsque la décollectivisation est engagée dans la seconde moitié des années 80, l’économie vietnamienne est au plus bas. Le petit artisanat n’est cependant pas occulté par les coopératives, certains villageois préférant cumuler un poste à la coopérative et travailler à domicile le soir (Nguyen Van Nghi, 2009). Entre 1976 et 1989, le nombre de petits artisans commerçants n’a cessé d’augmenter passant ainsi de 26,9 % à 46,9 % (Nguyen Van Nghi, 2009). A partir du Đổi mới, l’artisanat recherche de nouveaux marchés et augmente par là-même ses capacités de production. L’artisanat individuel se développe et la mécanisation devient nécessaire. Les machines des anciennes entreprises d’État sont vendues aux villageois et modifiées, ces dernières étant souvent obsolètes et en mauvais état. La mécanisation de la production reçoit le soutien de l’État et des provinces qui mettent en place une politique de soutien de l’activité artisanale (accès au crédit, aménagement de zones industrielles, formation professionnelle) (Digregorio, 1999).

21La concurrence entre les entreprises des villages de métier et celles de la grande industrie est forte (particulièrement avec les entreprises d’État largement subventionnées). Pour se maintenir dans la course, les villages de métier se spécialisent dans des productions délaissées par la grande industrie (papier blanc de basse qualité par exemple). Ce marché s’élargit mais reste le plus souvent confiné aux frontières nationales. Durant cette période, la mécanisation ne s’accompagne pas d’une réduction des effectifs humains ; il est vrai cependant que la mécanisation entraîne une restructuration de l’organisation du travail, notamment à l’échelle locale.

22En effet, la mécanisation des activités artisanales dans les villages de métier s’est accompagnée d’une reconfiguration de l’organisation spatiale de la production dans le village. A Phong Khe par exemple, lorsque la fabrication du papier était manuelle, les artisans se localisaient de préférence à proximité du fleuve qui traverse la commune, notamment pour réceptionner les matières premières acheminées par bateau. Actuellement, du fait de la mécanisation et de la forte pression démographique à l’intérieur du village, l’activité papetière se distribue dans l’espace villageois selon des critères liés à l’évacuation des eaux usées (dans des canaux d’évacuation des eaux domestiques), à l’accessibilité et à la surface disponible.

  • 17  Dans la province de Bac Ninh, la valeur brute de la production industrielle totale a été multiplié (...)
  • 18  Comité populaire de Phong Khe, 2007. Rapport annuel sur la situation socio-économique de Phong Khe (...)
  • 19  Bac Ninh DONRE, 2006. Rapport sur la situation environnementale à Bac Ninh. Vietnam : Bac Ninh.

23Si le Đổi mới a accéléré le processus d’industrialisation des campagnes, il a également précipité la dégradation écologique des écosystèmes ruraux des villages de métier. Le développement des activités artisanales et industrielles17 à l’échelle du delta s’est accompagné d’une augmentation des atteintes portées à l’environnement dont les conséquences paysagères, sanitaires et économiques viennent questionner la durabilité de l’activité telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui. A Phong Khe, en 1998, on comptait 80 chaînes de production de papier dont 56 localisées dans le village de Duong O (enquêtes Fanchette , 2003). Actuellement, la commune de Phong Khe accueille près de 175 chaînes de production de papier et concentre 90 % de la production papetière de la province de Bac Ninh (enquêtes Duchère, 2010). Selon le rapport annuel sur la situation économique et sociale de la commune de Phong Khe18, l’industrie dans la commune génère plus de 85 %  du revenu total communal. Les autorités provinciales estiment que les industries papetières de Phong Khe rejettent quotidiennement 2 000 à 2 500 m3 d’eaux industrielles non traitées19.

L’urbanisation en cours des villages de métier

  • 20  Densité calculée par nos soins d’après les données disponibles au comité populaire communal en 201

24La tension sur la terre décrite plus haut est d’autant plus importante qu’elle est amplifiée par la pression urbaine que la proximité à la ville de Bac Ninh accroît. La position périurbaine de nombreux villages de métier les positionne à mi-parcours entre la ville et la campagne. Du fait de la pratique de l’artisanat, l’espace des villages de métier s’urbanise. A Dai Bai et Phong Khe, les densités résidentielles (respectivement 1 218 hab/km² et 1 580 hab/km2)20, l’élévation du bâti, la diversification des activités liées à l’artisanat et aux services et la réduction des activités agricoles sont autant d’indicateurs attestant de l’urbanisation en cours dans ces localités.

  • 21  On distingue au Vietnam trois niveaux administratifs : le niveau provincial qui comprend 63 unités (...)

25Dans la province de Bac Ninh, une douzaine de villages de métier se situe dans un rayon de 10 km par rapport à la ville. D’ici l’horizon 2020, Bac Ninh verra son statut passer de province à ville province21 ; pour ce faire, il lui faudra élargir la zone urbaine de la ville de Bac Ninh. Dans ce processus, la commune de Phong Khe, se situant à moins de 5 km de la ville de Bac Ninh, devrait passer en 2013 de commune rurale à quartier urbain (phuong).

  • 22  Le 1er Aout 2008, la ville-province de Hanoi a absorbé la province voisine de Ha Tay, un district (...)
  • 23  En 2007, la commune de Phong Khe est rattachée administrativement à la ville de Bac Ninh qui, doré (...)
  • 24  Par exemple, un projet de traitement des eaux financé à 80 % par la ville est en cours de réalisat (...)
  • 25  Notons que seule la province a le droit de modifier le statut des terres en fonction de la compati (...)
  • 26  1 sao = 360 m2.

26Comme l’a montré récemment l’extension du périmètre administratif de Hanoi en 200822, l’intégration des communes rurales dans le périmètre de la ville a des implications environnementales. En effet, l’application des lois environnementales est plus stricte et concerne tout aussi bien le secteur formel qu’informel. Le changement de statut administratif d’une commune, la faisant passer de commune rurale à commune urbaine, s’accompagne le plus souvent d’une gestion plus stricte de l’environnement et des activités industrielles. En effet, nos enquêtes notent que, à partir du moment où la commune de Phong Khe a été intégrée au périmètre de la ville de Bac Ninh23, des initiatives en matière de contrôle de la production et de ses externalités négatives ont été prises24. Par ailleurs, cette intégration des communes rurales se fait le plus souvent par la suppression des terres agricoles communales. En effet, les terres agricoles périurbaines constituent de véritables réserves foncières pour le développement urbain, notamment depuis que la loi foncière de 1993 autorise la cession des DUS (droits d’usage du sol) à titre onéreux. Depuis cette date, on voit de grandes entreprises de construction-promotion acquérir des DUS à prix faibles en échange de quoi elles doivent aménager les terres selon les plans d’aménagement relatifs aux terres attribuées25. La terre étant la propriété de l’État, donc du peuple, les paysans sont faiblement indemnisés au regard du prix de la terre constructible sur le marché (d’après nos enquêtes en 2012 auprès de la population villageoise de Phong Khe, le rapport peut être de 1 à 100, parfois plus). C’est la province qui fixe le prix de la terre après avoir validé le changement de statut de cette dernière. A titre d’exemple, à Phong Khe, une nouvelle zone résidentielle devrait voir le jour en 2013 sur d’anciennes terres piscicoles d’une surface totale de 46 ha. Ce projet concerne 800 ménages qui seront indemnisés à hauteur de 69 millions VND/sao26, soit 7 à 6 euros/m2, en échange de l’abandon de leur DUS.

27L’intégration de Phong Khe dans la ville de Bac Ninh va se traduire par une diminution des terres agricoles : ces dernières vont laisser place à de nouvelles zones résidentielles ou industrielles. On peut alors s’interroger sur les conséquences environnementales (augmentation du risque d’inondation) et sociales (remise en cause du système de pluri activité partagée entre l’agriculture et l’artisanat pour les petites entreprises sous-traitantes occupées de façon saisonnière) de ces bouleversements territoriaux. Par ailleurs, la nécessaire mise aux normes environnementales de la production questionne le devenir de la production dans les villages de métier.

28Les villages de métier constituent de véritables bassins d’emplois en plus de s’inscrire dans le patrimoine culturel du delta du Fleuve Rouge. Ces localités aux très hautes densités démographiques ont atteint des niveaux d’industrialisation et d’urbanisation sans précédents qui viennent questionner la durabilité de leurs productions dans un contexte de raréfaction de l’espace disponible pour le développement artisanal et industriel.

L’optimisation de l’espace dans la production  des villages de métier : de la ressource à la contrainte

29Le système de production des villages de métier se caractérise par les liens de proximité et d’échanges entre les différentes unités de production. Dans un contexte de rareté des espaces, la chaine de production se fragmente et se répartit dans le village et entre les villages de la commune. Des spécialisations apparaissent également par quartier ou encore par rue tandis que les pollutions, émises par cet artisanat éparpillé, se diffusent sur l’ensemble du territoire villageois, notamment à travers les canaux (d’égouts et d’irrigation) et arroyos.  

Prédominance des activités informelles

  • 27  Selon l’enquête JICA –MARD (2004), 1,3 millions de personnes travaillent dans l’artisanat en 2004.

30Ce système de production localisé profite de sa proximité avec la ville de Hanoi et permet une plus grande adaptation face à la rigueur du marché. L’informalité de la production confère à ces systèmes de production localisés une grande flexibilité et un type d’organisation particulier. Les liens de confiance entre les différents types d’entreprises sont l’atout principal d’une telle organisation. Selon Nguyen Quy Nghi, « Les habitants mettent l’accent sur le sentiment dans leurs relations sociales » (2009, p. 303). Mc Millan et Woodruff (1999) rajoutent que « La confiance mutuelle entre les ateliers de production est née de longues années de relations de partenariat. » C’est ainsi que la valeur des créances de l’entreprise est proportionnelle au nombre des années de production (Nguyen Van Quy, 2009, p. 303), Par ailleurs, ces clusters constituent un véritable bassin d’emplois et limitent l’exode vers la ville27.

31Selon le Comité populaire de la Province de Bac Ninh, en 2005, 89 % des actifs dans l’artisanat travaillaient dans leur résidence et 11 % seulement dans des compagnies et des coopératives (Fanchette, Nguyen Xuan Hoan, 2010). Dans les ateliers informels, la gestion de l’entreprise est moins bureaucratique que dans le secteur formel et les coûts de production sont considérablement réduits. Le non-respect des normes de production et l’emploi d’une main d’œuvre familiale et infantile sous-payée explique en grande partie cet avantage comparatif par rapport au secteur formel. Par ailleurs, le fait d’occuper une niche économique, comme peut l’être la fabrication de papier hygiénique de qualité inférieure, limite la concurrence avec la grande industrie. En effet, la production ne répondant pas aux normes d’exportation internationale est confinée au marché domestique. Néanmoins, si la grande majorité des entreprises ne sont pas déclarées, certaines d’entre elles entretiennent d’intenses relations de production avec le secteur formel. C’est le cas par exemple du village de Phong Khe où de nombreux ateliers informels du village reçoivent leurs commandes d’entreprises formelles situées dans la zone industrielle de la commune. Certaines entreprises formelles  produisent des rouleaux de papiers hygiéniques d’un mètre de diamètre et de trois mètres de long : il va de soi que, en l’état, ces rouleaux ne sont pas commercialisables ; d’autres ateliers s’occupent alors de la découpe et de l’empaquetage. Ces relations peuvent prendre la forme de sous-traitance. Le type de sous-traitance le plus poussé est la sous-traitance à domicile : une entreprise mère va donner une tâche à effectuer à un foyer possédant éventuellement la machine nécessaire pour la réaliser.

Modernisation de la production (mécanisation, allongement et fragmentation des chaines de production) à Phong Khe

32La spécialisation des villages et la grande division du travail observées par Pierre Gourou en 1930 sont toujours d’actualité et s’expliquent quasiment de la même manière : l’esprit de monopole et la pauvreté des artisans qui n’ont pas le capital pour investir dans l’intégralité de la chaine de production entrainent la spécialisation. Cette spécialisation des villages nous incite à appréhender la production des villages de métiers comme un système de complémentarités inter-villages. Cependant, la réalité d’aujourd’hui diffère légèrement de ce que P. Gourou avait pu observer : l’industrialisation s’accompagne d’une segmentation et d’un allongement des chaines de production entre les villages et dans les villages. A Phong Khe, la matière première provient du recyclage de papier (illustration 4), la chaine de collecteurs est très longue, certains artisans investissent dans des machines pour traiter la matière première avant de la revendre à d’autres qui réaliseront la première étape de transformation de la matière première avant de passer le relais à un atelier spécialisé dans une autre étape. A Dai Bai, les villageois récupèrent la matière première (illustration 5) auprès de collecteurs, le métal est fondu puis revendu sous forme de lingots qui seront également transformés. A Dai Bai, de la collecte au produit fini, nos enquêtes font état d’une dizaine d’étapes (collecte, fonte, mise en plaque de 1 à 2 cm d’épaisseur, découpe, martelage manuel ou automatique, fabrication et ajustement des pièces détachées, décapage à la soude, recyclage du mâchefer). Plateaux, gongs, marmites sont produits ainsi à Dai Bai.

Illustration 4 – Recyclage des chutes de papier à Phong Khe

Illustration 4 – Recyclage des chutes de papier à Phong Khe

Auteur : Y. Duchère, 2009.

Illustration 5 – Recyclage des douilles d’obus à Dai Bai

Illustration 5 – Recyclage des douilles d’obus à Dai Bai

Auteur : Y. Duchère, 2012.

33Notons que la mécanisation de la production observée depuis les années 80 a entrainé une modification du rapport à l’espace, notamment dans le cas de l’industrie papetière fortement dépendante de la ressource en eau.

  • 28  Ngu Huyen Khe se déverse dans la rivière Cau 4 km plus en aval de Phong Khe. Ce canal a été creusé (...)

34Nos observations font état d’un déplacement des ateliers qui s’éloignent de l’accès à l’eau en recréant ailleurs les conditions nécessaires à leur implantation (pompages électriques dans les aquifères). Avant les années 80, les ateliers se localisaient de préférence à proximité du canal Ngu Huyen Khe28 ; aujourd’hui la situation est différente (illustration 6). Désormais, le transport des matières premières se fait par la route : mieux vaut être localisé le long d’une route au gabarit assez large pour permettre le passage des camions plutôt que sur le chemin de terre sur la digue (illustration 6). Cet affranchissement du cours d’eau ouvre la voie à de nombreuses possibilités en matière de localisation et participe par là même à l’allongement de la chaîne de production.

Illustration 6 - L’organisation du travail à Duong O, commune de Phong Khe

Illustration 6 - L’organisation du travail à Duong O, commune de Phong Khe

Source : enquêtes de terrain Y. Duchère, 2010 ; réalisation : Y.Duchère.

  • 29  La zone industrielle d’une superficie de 12,6 ha a été créée en 2002 et accueille 58 entreprises ( (...)

35Toutefois, notons que cette nouvelle organisation spatiale s’accompagne de problèmes d’enclavement. L’activité artisanale et industrielle s’intensifiant, les villageois qui n’ont pas accès à la zone industrielle29 sont contraints de développer leur production dans l’espace d’habitation, ce qui peut être handicapant lorsque la maison est située en fond d’impasse. Par ailleurs, la commune est coupée par un pont sur lequel passe l’autoroute 18 ; ce pont d’une hauteur de 3,7 mètres ne permet pas le passage des camions, ce qui limite donc le développement industriel dans la partie nord de la commune (illustrations 9 et 11) (enquêtes Duchère Y., 2010).

36L’activité productive à Duong O montre qu’en amont et en aval de la fabrication du papier, il y a une grande division du travail, de la collecte de papier usagé jusqu’aux différentes étapes de fabrication. A Duong O, si la chaîne de production s’allonge et intègre davantage d’étapes assumées dans le village, de nombreux travailleurs viennent d’autres communes, parfois même d’autres provinces pour exercer une activité de collecteur ou de trieur. Les artisans sont liés les uns aux autres dans la chaîne de production ; seuls ceux qui assurent l’intégralité de la production s’affranchissent de la dépendance au système de production des villages de métier. Ces entreprises sont pour la plupart situées dans la zone industrielle, c’est le cas de la société Viet Duc Anh dont la capacité de production de papier blanc avoisine les 100 T/jour (enquêtes Duchère Y., 2012).

37L’intérêt de l’analyse des chaines de production repose sur le souhait de montrer comment la production du papier ne peut s’affranchir des contraintes physiques du site, mais surtout comment chaque acteur s’inscrit dans un système d’interactions : celui du cluster du papier.

38L’analyse de la complémentarité entre les villages, et dans le village, autour du processus de production ne doit pourtant pas se limiter aux simples étapes de production (un village vend son produit non fini à un autre village qui l’achèvera). En effet, d’autres relations, d’autres échanges sont en œuvre : on pense notamment à la transmission des savoir-faire, à la formation, aux échanges de main d’œuvre. L’espace dans les villages de métier est une donnée cruciale, c’est selon nous une des principales limites du développement de l’activité industrielle. M. Digregorio, dans sa thèse, montre que les densités résidentielles à Da Hoi, village de métallurgiste,  atteignaient 25 000 hab/km², en comprenant les 2 000 non-résidents. 85 % des ateliers de Da Hoi sont installés dans l’espace résidentiel et ont une taille moyenne de 185 m² alors que les parcelles n’accueillant que des résidences avaient une taille moyenne de 125m². Tout cela dessine alors des spécialités locales ou micro locales qui constituent la trame de fond du fonctionnement des villages de métier.

Les échelles de l’organisation du travail

  • 30  Du point de vue administratif, làng (le village) est appelé xa (dénomination administrative de la (...)

39Au niveau local, nos enquêtes font état d’une organisation spatiale du travail dans laquelle tous les échelons (du xom au xa en passant par le thôn)30 entrent en relation dans le cadre de la production artisanale. Au niveau du village, différentes entreprises peuvent se diviser le travail à travers une chaîne de production plus ou moins longue faisant intervenir des artisans assurant soit un segment de la chaine soit un produit particulier.

40A Phong Khe, les chaines de production sont plus grandes et plus complexes qu’à Dai Bai. La production mécanisée a pris le pas sur la production artisanale de papier. L’activité du papier fait intervenir 5 villages : Duong O, Dao Xa, Cham Khe Ngo Khe (c'est-à-dire les quatre villages de la commune de Phong Khe) et Phu Lam, un village de la commune voisine.

  • 31  En 2009, à Duong O, il y avait 3 foyers agricoles (sur un total de 927 foyers) ; en 2009, à Dao Xa (...)

41A l’échelle de la commune, du sud vers le nord, on observe un gradient d’urbanité31 qui correspond au degré d’industrialisation des villages (illustration 3).

  • 32  On recensait un grand nombre de types de papiers, tous fabriqués à la main à partir de la pulpe du (...)

42Si Duong O a un profil franchement industriel, Cham Khe conserve ses paysages agricoles et possède encore quelques artisans faisant du papier manuellement32 (illustration 7).

Illustration 7 – Fabrication manuelle du papier à Cham Khe

Illustration 7 – Fabrication manuelle du papier à Cham Khe

Auteur : Y. Duchère, 2009.

  • 33 Par exemple à Dai Bai, Xom Tay est spécialisé dans la production des plateaux,  xom Ngoai spécialis (...)

43A Cham Khe, les femmes pratiquent l’agriculture en complément de la fabrication traditionnelle du papier. Cette complémentarité des activités artisanales et agricoles ne suffit plus aux villageois pour subvenir à leurs besoins ; pourtant l’activité manuelle se maintient. C’est l’embauche des hommes de Cham Khe, dans les ateliers et/ou les entreprises formelles de Duong O, qui permet le maintien de la pluri activité à Cham Khe. Paradoxalement, ce sont ces mêmes entreprises (dont la surface varie de 500 à 2000 m² en fonction de leur implantation dans la zone industrielle ou dans le tissu villageois) qui, par la diffusion de leurs pollutions sur tout le territoire communal, participent à la pollution de l’espace agricole. Dans le village de Duong O ainsi que dans le village de Dai Bai, la distribution des activités se fait par xom33(hameaux) mais également en fonction des contraintes physiques du site. Dans le village de Dai Bai, la production est organisée par xom (illustration 8) ; comme à Phong Khe, la proximité de l’eau est une condition à l’installation de certaines activités, notamment celles qui rejettent des eaux usées (dans les mares par exemple).

44A l’échelle de la rue, l’activité s’organise autour des relations lignagères, de voisinage (enquêtes Duchère Y., 2011). Là encore, les caractéristiques locales conditionnent la nature des activités : par exemple, à Cham Khe, dans le cœur villageois ancien, les ruelles étroites et tortueuses ne permettent pas l’installation de larges unités productives. A Dai Bai, la localisation privilégiée pour les ateliers qui décapent l’aluminium à la soude est à proximité des mares (illustration 8).

Illustration 8 – Répartition des activités artisanales dans la commune de Dai Bai

Illustration 8 – Répartition des activités artisanales dans la commune de Dai Bai

Source : Google earth, 2002 ; réalisation Céline Hamel, Bénédicte Dubiez.

  • 34  D’après un entretien avec S. Fanchette, ce phénomène est commun à tous les villages producteurs de (...)

45Dans cet article, nous nous intéressons à l’organisation du travail à l’échelle du village et de la commune. Comme nous l’avons précisé plus haut, il existe en réalité d’autres niveaux d’organisation (inter communal, national, international). Des filières commerciales longues existent, elles s’apparentent plus à des réseaux. L’analyse de l’activité artisanale à l’échelle de la commune ou du village permet de mettre davantage en relief les conditions premières  (sociales, environnementales et économiques) qui permettent une telle organisation. Le métier est rattaché à une localité : à Phong Khe, d’après nos enquêtes avec les artisans, le métier serait né à Duong O il y a plusieurs centaines d’années. Cependant, personne ne connait le  nom du père fondateur du métier34.

Un artisanat en prise avec le manque d’espace

  • 35  Pour cette zone industrielle, 14 parcelles furent édifiées sur une ancienne zone de battage du riz

46Tous les ateliers présents dans le cluster ne nécessitent pas la même surface minimale pour mener à bien leurs activités. Peu d’entreprises assurent l’intégralité de la chaîne de production en raison en partie de la faible disponibilité des terres. Dans les faits, une même entreprise peut avoir plusieurs ateliers à différents endroits du village et ainsi assurer elle-même diverses étapes de la production. A Duong O, les villageois ont depuis toujours développé des activités artisanales dans l’espace domestique. Certaines familles peuvent cumuler deux voire trois ateliers dans le village en raison des différentes étapes d’extension de la production qu’a connu Phong Khe. Quand, en 199435, les autorités ont aménagé une première zone industrielle (illustration 9), de nouvelles parcelles ont alors été disponibles pour l’extension de la production. En 1996, s’est constituée une zone artisanale informelle en bordure de la rivière Ngu Huyen Khe. Cette localisation de choix (pour son accessibilité et sa proximité avec le cours d’eau) a rapidement été saturée : elle compte 56 unités spécialisées dans la production de papier hygiénique et papier votif. En 2002, sur une surface de 12 ha, la dernière zone industrielle de la commune a été créée, les parcelles vont de 1 000 m2 à plus de 2 000 m2 (enquête Duchère Y., 2009).

Illustration 9 – Les 3 sites industriels de Phong Khe

Illustration 9 – Les 3 sites industriels de Phong Khe

Source : Carte communale, observations, 2010 ; réalisation : Y. Duchère.

47Les plus grandes entreprises produisent des cahiers et divers supports papiers à partir de cellulose importée (d’Indonésie par exemple). Les autres entreprises, aux moyens plus modestes, fabriquent du papier kraft ou encore du papier hygiénique à partir de matières recyclées que les collecteurs du cluster, ou d’ailleurs, leur apportent à vélo, à moto ou en camion (illustration 10).

Illustration 10 – Le difficile transport des marchandises à Duong O

Illustration 10 – Le difficile transport des marchandises à Duong O

Auteur : Y. Duchère, 2009.

  • 36  A Phong Khe, la mécanisation du papier implique l’utilisation de machine fonctionnant au charbon. (...)
  • 37  Par exemple, de grandes essoreuses pour séparer la partie plastifiée de la partie cartonnée des sa (...)

48Plus haut, nous avons décrit la division verticale du travail (distribution des différentes tâches entre artisans) dans le cluster ; la division horizontale concerne la répartition des ateliers dans l’espace. Cette répartition spatiale est conditionnée par la disponibilité de l’espace. Des ruelles tortueuses et anciennes de Cham Khe aux grandes parcelles de la zone industrielle de Duong O, les activités changent de nature et d’envergure. A Cham Khe, l’étroitesse de l’espace résidentiel ne permet pas d’autres activités artisanales que la fabrication manuelle de papier. En effet, une cour de 20 m2 suffit à ce type d’activité. D’autres ménages, coincés au fond d’impasses ou de ruelles dont la largeur ne dépasse pas 2 m, s’adonnent à des activités très spécifiques telles que le pliage du papier votif. A Cham Khe, seuls les espaces marginaux (à l’extérieur du cœur villageois) offrent suffisamment d’espace pour que s’y développent des activités mécanisées. Ces activités très polluantes36 recouvrent deux types d’installation : les grands ateliers mécanisés faisant jusqu’à 2 000 m2 et situés sur des terres à vocation industrielles, et les ateliers illégaux, souvent localisés au contact des rizières, possédant une à deux machines37.

49A Duong O, certains artisans, possédant l’espace nécessaire pour l’installation d’une machine, vont rentabiliser cette dernière en effectuant une seule et unique tâche. C’est le cas des ateliers qui découpent les rouleaux de papier hygiénique pour les transmettre ensuite à un atelier voisin possédant la machine servant à empaqueter ces mêmes rouleaux. Ces artisans, insérés dans un tissu de relations socioprofessionnelles, sont généralement produisent à domicile pour les grandes entreprises de la zone industrielle.

  • 38  Certificat attestant des Droits d’Usage du Sol.

50L’accès à de nouvelles terres semble être un des leviers pour répondre aux exigences de la production de ces villages. Pourtant, il est particulièrement difficile d’obtenir de la terre, notamment en raison du prix de cette dernière. Les artisans les plus à même d’acquérir de nouvelles terres sont ceux qui possèdent les garanties demandées par les banques lors d’un emprunt ; ceux n’ayant pas de carnet rouge38 sont donc pénalisés. En effet, en raison de la difficulté à obtenir de nouvelles terres, certains villageois n’ont pas hésité, dans les années 80 et 90, à occuper et à construire illégalement des terres à vocation agricole. Or, pour pouvoir  hypothéquer sa maison (condition indispensable pour accéder au crédit), il faut pouvoir être en mesure de justifier de la possession d’un droit d’usage du sol de terres résidentielles (enquêtes Duchère Y., 2010).

Le coût environnemental d’un tel système de production

51Le manque d’espace, la vétusté des installations, l’ancienneté des machines, souvent achetées d’occasion en Chine ou aux anciennes coopératives, et l’impérieux besoin pour la production de se développer entraînent d’importantes nuisances environnementales. Par ailleurs, l’absence de système de traitement des eaux usées (domestiques et industrielles) contribue pour une très large part à la dégradation de la qualité de l’environnement villageois.

  • 39  Notons toutefois que,  à Dai Bai et Phong Khe, il existe trois systèmes spatiaux différents : les (...)

52A Phong Khe et à Dai Bai, les paysans qui n’ont pas accès au foncier ont installé leur atelier dans leur résidence ou dans leur cour. Ce mélange des genres, qui permet de rentabiliser l’utilisation de l’espace, concerne aussi bien l’échelle de l’habitation (une même pièce accueille machines et divans) que l’échelle du quartier ou du village (des ateliers bruyants et extrêmement polluants côtoient des habitations). Le villageois vit au quotidien avec des monticules de papier sous toutes ses formes et des machines qui envahissent sa maison. La disposition des parcelles, distribuées linéairement39 le long des axes de circulation, et leur étroitesse participent également à accentuer les problèmes d’environnement, notamment ceux relatifs à la congestion et au bruit. Le stockage des matières premières se fait le plus souvent sur la voie publique, faute de place dans les ateliers. Le tissu rural du village de Cham Khe ne facilite pas la mécanisation de la production, sauf sur les marges villageoises. Ainsi, il existe une hiérarchie des zones polluées qui coïncide avec le type d’organisation du bâti (illustration 11).

Illustration 11 – Répartition des activités polluantes à Cham Khe, commune de Phong Khe

Illustration 11 – Répartition des activités polluantes à Cham Khe, commune de Phong Khe

Source : Enquêtes Y. Duchère, 2010 ; réalisation Y. Duchère.

  • 40  D’après les prélèvements réalisés par  le département des ressources naturelles et de l’environnem (...)

53Dans le cœur villageois de Cham Khe, s’entremêlent d’étroites ruelles de qualités variables où l’on retrouve des activités manuelles peu polluantes telles que la fabrication du Giay ban ou encore le tri et le pliage du papier votif. Par ailleurs, le fait qu’une entreprise soit localisée dans la zone industrielle du cluster ne signifie pas que l’impact environnemental de sa production est davantage contrôlé. A titre d’exemple, en 2009, seulement 4,7 % des ateliers de la zone industrielle et 2,2 % des ateliers du reste de la commune étaient dotés d’un système de traitement des eaux usées avant rejet dans le réseau d’égouts commun (Mau Dung Nguyen, 2010). De plus, Mau Dung Nguyen (2010) précise que 71,1 % des usines de la zone industrielle payaient les taxes environnementales sur les eaux usées alors que seulement 30 % des usines et ateliers installés à l’extérieur de la zone s’en acquittaient en 2009. Chaque atelier mécanisé rejette quotidiennement dans l’environnement 5 à 15 m3 d’eau industrielle non traitée (enquêtes comité populaire, Duchère Y., 2010). Selon le rapport sur la situation environnementale à Bac Ninh en 2006 (DONRE, 2006), les ateliers de production de papier à Phong Khe brûlent tous les jours plus de 200 T de charbon et utilisent 50 à 100 m3 d’eau par tonne de papier produite. Dans les 2 000 à 2 500 m3 d’eau rejetés chaque jour dans l’environnement, on retrouve près de 20 tonnes de résidus de charbon ainsi que des métaux lourds40.

54La production se développe malgré tout : à Phong Khe, les autorités ont facilité le crédit auprès de quelques banques telle que la Banque Agricole et ont modifié le statut de certaines terres pour faciliter le développement industriel. Lorsque l’initiative ne vient pas des autorités (du comité populaire de la commune), elle vient directement des villageois. Comme nous l’avons signalé précédemment, certains villageois s’installent sur les marges du village au contact des rizières. Des activités artisanales se créent alors de manière illégale. Ces nouvelles zones de rejet en formation sont, d’après nous, révélatrices de la tension qui pèse sur l’espace villageois. La constitution de ces zones de rejet est souvent le résultat d’une démarche individuelle, ainsi il n’existe pas de regroupement. Les activités qui se développent dans ces espaces excentrés sont le plus souvent des activités qui génèrent une pollution difficilement évacuable et traitable. Ainsi, la proximité des canaux d’irrigation est souvent recherchée. L’activité qui consiste à récupérer la partie plastifiée des sacs de ciment, via une étape d’essorage mécanique, rejette de grandes quantités de pulpe et de déchets de papier. Les canaux d’irrigation servent alors ici de canaux d’évacuation des déchets artisanaux (observations et enquêtes Duchère Y., 2010).

  • 41  Les autorités provinciales (DONRE, 2006) estiment que, en 2006, les ateliers de la zone industriel (...)

55Aujourd’hui, les autorités communales de Phong Khe estiment que près de 4 ha des terres agricoles de Dao Xa et 8 ha des terres agricoles de Duong O ne sont plus cultivables en raison de la pollution croissante (enquêtes Duchère Y ., comité populaire Phong Khe 2011). L’essentiel de la production papetière à Phong Khe se localise dans le village de Duong O. Toutes les eaux industrielles41 de ces ateliers se déversent, via des égouts, dans le canal Ngu Huyen Khe. A Cham Khe, la coopérative agricole irrigue les rizières grâce à une station de pompage qui utilise l’eau du canal Ngu Huyen Khe. S’il est difficile de prouver la relation qui existe entre pollution industrielle et baisse des rendements agricoles, nos enquêtes relatent que de nombreux paysans de Cham Khe et de Dao Xa abandonnent progressivement l’agriculture en raison de l’impossibilité de cultiver la terre qui est envahie par les eaux usées.

  • 42  Comité populaire Phong Khe, coopérative agricole, (enquêtes Duchère Y., 2011).

56En ce qui concerne les rendements agricoles, la commune de Phong Khe produit, en 2011, 1 814 tonnes/an de riz paddy alors qu’elle en produisait, en 2006, 3 010 tonnes. La production de paddy a chuté tous les ans de 430 tonnes, soit une baisse totale de 142 kg par personne42. Plusieurs éléments peuvent expliquer cette baisse des rendements. Tout d’abord, la diffusion de polluants dans les rizières affecte les rendements sans pour autant qu’on soit à même de le quantifier précisément. De plus, la surface agricole est en nette diminution et le désintérêt pour cette activité peu rémunératrice grandit. L’entretien des champs et des diguettes est insuffisant (Fanchette, 2011). Enfin, les parcelles qui continuent à être exploitées peuvent l’être par des ouvriers ou des paysans de communes voisines en contrepartie d’une redevance (métayage) souvent symbolique (enquêtes coopérative agricole Phong Khe, Duchère Y., 2010).

57A Dai Bai, les atteintes portées à l’environnement sont d’un autre type. La pollution de l’air est le principal problème. Nous n’avons pas eu accès aux prélèvements réalisés par la province. Cependant, nos enquêtes au dispensaire de Dai Bai font état d’un taux de cancers alarmant et croissant. Les fumées toxiques issues de la combustion puis de la fonte du métal (cuivre et aluminium principalement) sont inhalées quotidiennement par les habitants et les ouvriers. En 2009, on comptait moins de 15 cas de cancers ; en 2010, 19; et de janvier 2011 à avril 2011, 20 cas de cancers sur une population totale de 9700 âmes (registres des décès, dispensaire Dai Bai, Duchère Y., 2011).

58Les marges de rentabilité des ateliers de Phong Khe et de Dai Bai étant très faibles, les coûts de production sont réduits au maximum. La concurrence est effectivement très forte, les artisans doivent innover et s’adapter pour se maintenir sur le marché. Ainsi, chacun est à la recherche de matières potentiellement recyclables. A Dai Bai par exemple, des douilles de cartouches de fusil sont utilisées lors de la fonte, ou des dizaines de litres de shampoing sont récupérés pour décaper l’aluminium.

Illustration 12 – Fonte de l’aluminium à Dai Bai

Illustration 12 – Fonte de l’aluminium à Dai Bai

Auteur : S. Fanchette, 2012.

59Dans cette course à la rentabilité, les artisans ne perçoivent pas la préservation de l’environnement comme un investissement rentable. Les cheminées des fours de Dai Bai ne doivent pas, en théorie, dépasser 12 m de haut et 10 m de large. Le coût d’une telle cheminée est de 20 millions de VND (800 euros). Tous les artisans ne peuvent pas investir dans ces cheminées coûteuses. Dans les récentes extensions de la commune de Dai Bai, ce ne sont pas des membres d’un même lignage qui se regroupent dans une rue, les familles s’y distribuent de manière aléatoire contrairement à ce qu’on observe dans le cœur villageois. Cette réalité pose alors la question de la cohésion villageoise et de sa gouvernabilité. La logique lignagère, qui est plus forte dans le centre ancien, accentue le contrôle social et les responsabilités des uns et des autres quant aux nuisances environnementales. A Phong Khe comme à Dai Bai, toutes les zones qui ont été créées pour agrandir l’espace de production (les différentes zones industrielles à Duong O ou les extensions de xom de Dai Bai) sont peuplées par des villageois qui n’ont pas de relations lignagères avec leurs voisins. Dans ces nouveaux espaces libérés du contrôle lignager, on observe que les ateliers produisent même la nuit, ce qui n’est pas le cas pour les ateliers du centre ancien.

60L’organisation spatiale de la production à Phong Khe et à Dai Bai fait intervenir différentes étapes et différents espaces ; des hiérarchies spatiales se créent, les espaces de rejets en sont l’exemple le plus prégnant. Les faibles marges de rentabilité et le difficile accès à la terre ne permettent pas l’agrandissement des ateliers. Les productions débordent et les ateliers ont atteint leurs limites de production. Dans ce contexte, l’investissement dans des technologies environnementales, telles que le traitement des fumées ou encore des eaux usées, n’apparait pas comme rentable.

La gouvernabilité des villages de métier

61Toutes ces observations conduisent à se poser la question suivante : comment le village vit-il au quotidien avec ces pollutions, et comment le manque d’espace s’impose-t-il comme contrainte essentielle à la gestion de la production et de ses externalités négatives ? Le problème n’est ignoré ni par les autorités ni par les villageois. La pollution est assimilée par la communauté comme étant une dimension à part entière de la production qui manque de place pour se développer. La rareté de l’espace impose aux artisans des modes de production coûteux pour l’environnement et renforce l’unité villageoise qui intègre dans ses normes de régulation sociale les impératifs du développement industriel. Certes, des tensions peuvent exister, notamment entre artisans et agriculteurs, mais elles ne semblent pas remettre en cause la cohésion de la communauté villageoise lancée sur le chemin du développement.

La cohésion villageoise et la norme communautaire

62La norme communautaire s’impose face à la loi, elle régule les rapports sociaux et limite les conflits. La loi ne s’efface pas pour autant face aux normes, mais ces dernières la modifient et l’adaptent à la réalité de chaque localité. A partir de ce constat, les recherches sur la gouvernance territoriale au Vietnam doivent être appréhendées différemment. On ne peut pas se contenter de souligner les cas où les lois passées au niveau central restent lettre morte au niveau local en expliquant que cette passivité est le résultat d’un manque de formation des cadres locaux ou d’un manque d’effectif. Des choix délibérés sont opérés par les autorités locales et la gestion différenciée du droit est un fait (Nguyen Hoang Anh, 2006).

  • 43  Au contraire de la police de l’environnement de la province, la commune ne peut amender au-dessus (...)
  • 44  Nous n’avons pas vérifié.

63Ainsi, il convient de s’interroger sur la force de la loi. S’est-elle imposée comme norme de référence déterminante pour les praticiens de la loi et pour les vietnamiens ? L’autonomie villageoise pré 1945, tant dépeinte par les orientalistes, continue de laisser sa trace dans la gestion des problèmes rencontrés par la communauté. En 1936, Pierre Gourou, dans sa thèse de doctorat sur le delta du Fleuve Rouge, affirmait que « Le bonheur du village dépend de la soumission de tous aux bons usages » (p. 269). Paul Mus rajoute : « Le village auquel on appartient avant de s’appartenir à soi-même » (Mus, 1952, p. 254). La situation n’a pas réellement changé, la cohésion sociale repose sur la participation de la grande majorité des villageois au développement artisanal et industriel de la commune. Ainsi, la cohésion sociale semble excuser la dégradation généralisée de l’environnement ; on a parfois l’impression que la règle sociale consiste à ne pas polluer plus que ses voisins. « Ma cheminée ne fait que 6 mètres de haut, celles de mes voisins également. Si les autres ne se mettent pas aux normes, je ne vois pas pourquoi je le ferais. Si demain ma cheminée fait 12 mètres de haut et qu’autour de chez moi il n’y a que des cheminées de 6 mètres, qu’est-ce que cela changera-t-il ? » (Hoang Van Cuong, patron d’une entreprise de fonte du cuivre à Dai Bai, 2011). La forte proximité des habitants, vécue parfois comme une véritable promiscuité, ne permet pas aux villageois d’exprimer leur mécontentement face aux nuisances que peuvent générer leurs voisins. Dans les relations de voisinage, on préserve la « bonne entente » en évitant de s’adresser reproches et critiques qui seraient déstabilisatrices pour la communauté. Cet évitement permet par là même de s’octroyer des droits à polluer ou à gêner…dans une certaine limite. La loi n’est pas la norme de régulation sociale, elle passe après la norme politique et plus encore après la norme sociale/communautaire que nous pouvons qualifier d’impératif social. Le sentiment et la raison priment sur la loi. Un dirigeant qui ne respecte pas ces règles risque d’être mal vu par la population « Dans ce village, on ne peut pas sanctionner tous les abus environnementaux pour la simple et bonne raison que, si on le faisait, on devrait fermer 90 % des chaînes de production. Lorsque, par exemple, un artisan utilise des déchets (plastique principalement) pour faire fonctionner son four, et qu’on reçoit des plaintes des voisins, nous nous rendons sur les lieux pour régler le problème. L’amende prévue pour ce genre d’infraction est de deux millions de VND (80 Euros43), généralement, nous discutons ensemble et le problème se résout par lui-même sans que le besoin d’amender s’impose. » Par ailleurs, de nombreux fonctionnaires et cadres politiques du comité populaire ont développé leur propre chaîne de production dans la commune et on peut supposer44 qu’elles ne sont pas toutes aux normes environnementales.

  • 45 Les premiers huong  uoc, dont l’apparition remonte au XVe-XVIIe siècle, énonçaient « les règles par (...)
  • 46  Dans les provinces de Ha Tay, Bac Ninh, Nghe An, Quang Binh et Ha Tinh, 90 % des villages ont déjà (...)

64Pour mieux saisir ce que recouvre le concept de norme communautaire, nous nous sommes intéressés aux Huong uoc45 qui apportent, d’après nous, quelques éclaircissements relatifs aux règles communautaires et à la gestion villageoise par la communauté. Actuellement, les autorités provinciales, en relation avec les communes, rédigent de nouveaux Huong Uoc46. Le nouveau Huong Uoc semble être un document stratégique qui facilite l’introduction de l’État dans le village. Ce document ne fait pas office de loi, il respecte la philosophie d’origine du document, mais apparait de plus en plus comme un moyen pour la loi d’entrer en contact avec la norme communautaire : c’est pour nous la preuve de l’existence d’un pouvoir villageois fort que l’État tente d’appréhender.

65Ce pouvoir villageois se matérialise, entre autres, par d’intenses relations communautaires. Les villageois, dont les pratiques sont ancrées dans cette structure de relations communautaires, ne croient pas en la force de la loi et encore moins à l’idée qu’elle puisse défendre un faible par rapport à un puissant (Nguyen Hoang Anh, 2006). Les raisons de la situation environnementale sont certes à chercher dans les impératifs politiques liés à la transition économique qui s’opère depuis quelques années, elles sont également à chercher dans les représentations qu’ont les citoyens de la loi. Les conflits sont donc le plus souvent réglés à l’amiable, de manière informelle.

66Pour les vietnamiens, la loi s’impose donc comme nouveau paramètre à prendre en compte plus ou moins sérieusement… selon sa position sociale. La représentation populaire de la loi au Vietnam semble aujourd’hui dépendre de la place que chacun occupe dans la société. En fonction de ses rapports avec les autorités des différents niveaux, en fonction également de ses capacités financières, l’artisan des villages de métier subira plus ou moins la législation environnementale, en matière de production, comme une contrainte (enquêtes Duchère Y., 2011). Christophe Gironde, dans son article  Grandes réformes et petits arrangements dans les campagnes vietnamiennes (2008), analyse les transformations des systèmes d’activités productives au cours des années 1980 à 1990 dans plusieurs villages. Selon lui, les réformes ne s’appliquent pas à tous les foyers des villages étudiés. Lors de la distribution des terres de 1989 à Tan Dan, « les plus capables des travailleurs ont pu recevoir jusqu’à 3,5 sao, la capacité traduisant surtout le capital de relations auprès des autorités » (Gironde, 2008). A Phong Khe, nos enquêtes révèlent une situation similaire en ce qui concerne l’application des lois environnementales : les villageois s’acquittant des taxes sur les eaux usées sont très peu nombreux et ont, pour la plupart, des membres de la famille impliqués dans la vie politique locale (cadre politique, chef de xom, de village ou encore chef de la coopérative agricole).

  • 47  Nous traitons ici uniquement des conflits liés à l’environnement et à la production artisanale. No (...)
  • 48  Telle que l’association des femmes, des jeunes ou encore des anciens combattants.

67La norme sociale a évalué elle-même les limites à ne pas franchir afin de ne pas remettre en cause la cohésion sociale qui accompagne la communauté villageoise sur le chemin du développement. Ces limites sont évidemment déraisonnables en ce qui concerne l’environnement et la santé publique, mais elles sont le produit d’un consensus populaire élaboré tacitement. Des conflits existent malgré tout47, par exemple lorsque des eaux usées sont rejetées chez les voisins. Pour résoudre ces problèmes, différents niveaux interviennent successivement : lors d’un litige, le chef de xom rencontre les deux parties pour tenter d’apaiser les tensions et trouver une issue favorable aux deux parties ; en cas d’échec, le chef de village intervient accompagné des associations de masses48 ; enfin, si ces deux étapes n’ont en rien résolu le problème, ce sont les cadres politiques du comité populaire communal qui interviennent et qui peuvent, si besoin est, passer le relais à la police de l’environnement de la province de Bac Ninh. En clair, avant que ne soient appliquées de véritables sanctions, il existe de nombreuses étapes permettant d’éviter le recours à la loi.

La commune révolutionnaire et le pouvoir villageois

  • 49  Chaque individu était classé par rapport aux autres, devenir notable était un honneur convoité par (...)

68L’instauration de la commune révolutionnaire en 1945 était un des piliers de l’avènement d’une société nouvelle construite sur les ruines du féodalisme. Dans cette entreprise, c’est le pouvoir lignager ainsi que le système d’ordre des préséances49 qui étaient visés.

69La mise en place des comités populaires communaux a permis de supprimer ce pouvoir gérontocratique et, par là même, d’instaurer un nouveau système aux ambitions plus égalitaires. Un des objectifs de la création des communes populaires a également été de rassembler des villages qui n’entretenaient pas jusqu’ici de relations particulières ou qui pouvaient même être en conflit.

  • 50  Le fait que les autres villages ne pratiquent pas l’artisanat pose le problème de la gestion des a (...)
  • 51  A Dai Bai, un projet de zone industrielle financée par un investisseur coréen  est en cours de réa (...)

70Mais, cette nouvelle organisation ne reçut pas l’unanimité des villageois ; aujourd’hui encore, une méfiance existe envers les comités populaires communaux ou, plus particulièrement, envers les hommes du Parti en charge de l’administration des localités (les can bo). Par exemple, à Dai Bai, la nomination d’un homme extérieur au village50 au poste de président du comité populaire fait l’objet de critiques de la part des villageois. Dans ce type de cas, l’administration locale ne bénéficie pas d’une légitimité suffisante pour faire appliquer la loi ; de toute manière, elle ne dispose pas des moyens exécutifs suffisant pour le faire. Le village, qui autrefois gérait ses affaires de manière indépendante (à travers le pouvoir du conseil des notables qui confirmait ou infirmait les décisions du conseil communal dont les membres étaient élus par les familles du village), s’est vu confisquer le droit de gestion de son territoire par des autorités « invisibles » situées à des échelons plus hauts. En effet, au Vietnam, le pouvoir exécutif est davantage entre les mains du district et de la province plutôt que des communes (enquêtes prérogatives comité populaire communal, Duchère Y., 2010). Par ailleurs, la gestion défaillante du foncier par les autorités locales a ravivé les tensions entre la communauté villageoise et ses administrateurs qui sont dans de nombreux cas suspectés de clientélisme et de corruption (enquêtes Duchère Y., 2011). Nos enquêtes révèlent en effet que, lors de la phase de compensation financière dans le cadre des expropriations de terres51, certains villageois sont curieusement oubliés et n’apparaissent pas dans le registre…

De l’importance de considérer le territoire villageois dans la résolution des problèmes environnementaux

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  • 53  Selon Digregorio (1999), ce phénomène est commun à tous les villages producteurs de papier du delt (...)

71Comme nous l’avons spécifié plus haut, l’activité artisanale s’ancre dans un territoire organisé autour du métier et de l’agriculture. Certains hameaux ou villages détiennent la paternité du métier alors que d’autres sont traditionnellement spécialisés dans une étape de la production. A Dai Bai52, on compte 4 hameaux : hameau Tay (ouest), hameau Ngoai (extérieur), hameau Giua (au milieu) et un nouveau hameau Son (nouveau par rapport aux autres hameaux, mais il a été créé sous la dynastie de Mac). Dans les années 1960, quelques habitants se sont installés (avec l’accord du district) à Bai Chay pour former xom Moi. Comme nous l’avons vu précédemment, chaque hameau est spécialisé dans un article. A Phong Khe, le village de Duong O a vu se développer les débuts de l’activité papetière, on ne connait pas le nom du fondateur ni la date à laquelle a été initié le métier53. L’espace de production est marqué par la division du travail qui entretient d’intenses relations entre les artisans du village.

72Le cœur villageois où a été initié le métier est l’espace dans et à partir duquel s’organise la production, d’où l’importance de le mettre au centre des préoccupations liées à l’aménagement actuel de ces localités en proie à une dégradation des conditions environnementales de production. La proximité des zones artisanales avec le cœur historique du métier est un paramètre aussi important que la desserte de ces dernières. L’exemple de Dai Bai, où une zone artisanale a été créée en 2002-2004, illustre assez bien cette idée. Cette zone désenclave la production du tissu villageois et permet de libérer une partie du village de l’empreinte industrielle. Le site s’étend sur une douzaine d’hectares et moins de 50 % des parcelles ont été construites. De plus, les installations sont souvent modestes. De nombreuses entreprises travaillant le cuivre sont localisées dans cette zone, ce qui est positif d’un point de vue environnemental puisque la fonte du cuivre, demandant beaucoup plus de chaleur, émet davantage de pollution.

73Le fait que le site soit éloigné du village ne joue pas en sa faveur ; les artisans hésitent à quitter leur localisation d’origine pour aller si loin, à l’autre bout de la commune. Par ailleurs, le profil moyen des entreprises du site industriel n’autorise pas à parler d’une véritable spécificité industrielle par rapport au reste du village : les extensions des hameaux traditionnels du village accueillent des ateliers toujours plus grands (exemple d’une entreprise de joint de plomberie dans l’extension du xom Trai, surface de 1 500 m²).

74L’activité artisanale est historiquement ancrée dans le cœur du village. De ce fait, il est très difficile de la déplacer ailleurs, en l’occurrence dans la zone artisanale, sur les marges du village. Cependant, une fois de plus, l’accès aux capitaux reste un frein pour l’installation des activités les plus polluantes sur de nouvelles terres.

  • 54  En 1993, l’État cède aux foyers l’utilisation des terres rizicoles pour une durée de 20 ans. Les m (...)

75Les coûts d’installation sont trop importants pour les artisans du village qui préfèrent encore combler des espaces en eau54 plutôt que d’acheter du terrain et de construire dans le site ; à titre d’exemple, 1 000 m² valent actuellement 1 milliard de VND (40 000 euros), auquel il faut rajouter plus d’un milliard de VND pour la construction.

76Enfin, l’attribution des parcelles par tirage au sort et la capacité de financement des artisans ralentit le processus d’installation dans la zone. La nécessaire proximité des ateliers en fonction de leur place dans la chaîne de production n’est alors pas prise en compte.

77La gestion des villages de métier demande de considérer ces territoires comme des particularités du delta. Ils ne sont en rien comparables avec des communes classiques. Ainsi, leur gestion doit prendre en compte l’activité artisanale comme composante majeure de l’organisation villageoise. Le pouvoir villageois n’est pas occulté par la commune vietnamienne, un rapport de force continue d’exister. Ainsi, toutes les décisions prises en matière d’aménagement de l’espace doivent recevoir l’accord (tacite) de la communauté villageoise sous peine d’être rendue caduque.

Conclusion

78Le lang (village) traditionnel a été et demeure la base de la civilisation Viêt. Certains de ces villages se sont spécialisés dans une production artisanale dont les externalités négatives se font de plus en plus pesantes pour l’environnement. La dégradation des milieux accélère la disparition de l’agriculture et par là même le renforcement de l’artisanat.  

79Chaque villageois tente alors sa chance et s’insère dans le processus de production du village. Alors que les étapes de production se multiplient et se dispersent, les déchets changent de nature et leur quantité s’accroît de jour en jour. Les rivières se transforment en égouts à ciel ouvert, des décharges informelles apparaissent çà et là sur le territoire communal ; quant aux véritables égouts, ils débordent dans les rizières… La production, dans son élan, rencontre alors une difficulté notoire : l’insuffisance d’espaces pour assurer son développement. La très forte pression sur les espaces villageois entraine nuisances et conflits.

80Comme le précise Olivier Tessier (2002), une des dimensions attribuée au village est «  sa capacité innée à perpétuer son existence collective, propriété le plaçant à l’origine même de la civilisation vietnamienne dont il serait, en quelque sortes, l’allégorie matérialisée » (introduction). La stratégie de front commun dans la production et dans la destruction de l’environnement s’inscrit dans cette volonté de préserver le village à travers ses activités artisanales. A Phong Khe, entre 60 et 80 % (enquêtes Duchère Y., 2010) de la population pratique une activité artisanale qui s’inscrit dans la longue chaîne de production décrite précédemment.

81Comme on l’observe dans la province de Hanoi, le passage à l’urbain s’accompagne d’une gestion plus stricte des espaces. La production actuelle des villages de métier n’est pas conforme aux normes environnementales de production, c’est une des raisons qui explique leur compétitivité. Dans le cas de Phong Khe, une gestion plus sévère de l’artisanat et de l’industrie par la municipalité de Bac Ninh entrainerait automatiquement une augmentation considérable des coûts de production pour les villages de métier et par là même un durcissement de la concurrence entre eux et la grande industrie.

82Le processus d’urbanisation en cours accroît également la concurrence pour l’accès aux terres. Les problèmes environnementaux étant intimement liés à la difficulté pour les artisans de développer leur production, l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché foncier aggrave la situation au détriment du petit artisanat des villages de métier. Plus exactement, la pérennité du système de sous-traitance qui fait vivre la grande majorité des habitants de ces localités est remise en cause. En raison du manque de place, les sous-traitants ne parviennent pas à accroître leur production afin d’améliorer leurs faibles marges de rentabilité. Or, la mise aux normes environnementales imposée par le passage à l’urbain nécessite des capitaux que seules les entreprises générant des profits suffisants sont capables de mobiliser. L’intégration des villages de métier à la ville souligne le risque d’accroissement des inégalités et, par là même, la disparition d’une partie du processus de production que les ateliers les plus à même (disposant de capitaux nécessaires) récupéreront et développeront sur leur espace de production, à condition qu’il y ait de la place.

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Notes

1  Les définitions varient en fonction des organismes. Ainsi, selon la province de Bac Ninh dans laquelle se situent les communes de Dai Bai et Phong Khe, il y aurait 62 villages de métier alors que pour la même province le MARD/JICA (Ministry of Agriculture and Rural Development/ Japan International Cooperation Agency) en recense seulement 32 (Fanchette, 2010). Pour la province de Bac Ninh, un village de métier comprend au moins 50 % d’actifs dans l’artisanat, cette activité devant rapporter au moins 50 % des revenus des villages.

2  Le delta du Fleuve Rouge est une plaine alluviale située dans le nord du Vietnam. Le bassin versant total du Fleuve Rouge s’étend sur 169 000 km2 en comptant son principal affluent le fleuve Thai Binh et les petits bassins versants de bordure du delta.

3  Le périurbain étant considéré comme un espace tiers (ni urbain ni rural) autonome mais sous influence du centre et des logiques de métropolisation à l’œuvre. Dans cette acception du périurbain, l’expansion spatiale de la ville est linaire mais les recompositions sociales créent une mosaïque d’espaces qui ne permettent pas de considérer le périurbain comme un ensemble homogène. Le terme indonésien de Desakota, proposé par le géographe canadien T Mc Gee, caractérise la présence d’une population agricole dense intégrée à la société et à l’économie urbaine.

4  Transformation structurelle d’une région dont la paysannerie travaille de plus en plus à la production artisanale de biens manufacturés destinés à la consommation extra-locale.

5  La culture intensive libère une quantité importante de méthane (environ 120 g par kilo de riz). Le méthane est un puissant gaz à effet de serre. En riziculture, deux types de bactéries agissent : les bactéries anaérobies se développent en l'absence d'oxygène ; les bactéries aérobies se développent en présence d'oxygène. Les bactéries anaérobies produisent du méthane, et les aérobies en consomment. Les techniques d'irrigation couramment utilisées pour la riziculture favorisent le développement principal des bactéries anaérobies, donc la production de méthane n'est que très peu absorbée par les bactéries aérobies. Conséquence, une grande quantité de méthane est produite et lâchée dans l'atmosphère. La riziculture représente le deuxième producteur mondial de méthane avec 60 millions de tonnes/an ; juste derrière l'élevage des ruminants qui lui génère 80 millions de tonnes/an (Roger P.-A, Julian C., 1998).

6  Dynamiques territoriales à la périphérie des métropoles des Suds. Le colloque de restitution a eu lieu les 27, 28 et 29 février 2012 à Paris. Sylvie Fanchette et moi-même y sommes intervenus en présentant : Les enjeux environnementaux dans les villages de métier péri-urbains  autour de Hanoi : quels types de gouvernance pour une meilleure intégration dans la ville.

7  Sur les terres les plus hautes, un troisième cycle irrigué est possible pour une culture maraichère.

8  Les définitions varient en fonction des organismes. Ainsi, selon la province de Bac Ninh dans laquelle se situent la commune de Dai Bai et Phong Khe, il y aurait 62 villages de métier alors que pour la même province le MARD/JICA (Ministry of Agriculture and Rural Development/ Japan International Cooperation Agency) en recense seulement 32 (S.Fanchette, 2010). Pour la province de Bac Ninh, un village de métier comprend au moins 50% d’actifs dans l’artisanat, cette activité devant rapporter au moins 50% des revenus des villages.

9  Chiffres tirés du rapport JICA-MARD intitulé : Etude sur la planification du développement des métiers artisanaux selon  l’orientation d’industrialisation et de modernisation des campagnes en République Socialiste du Vietnam (2004)

10  Réformes économiques de 1986. Cette libéralisation économique, contrairement à la perestroïka, ne s’est pas accompagnée d’une libéralisation politique

11  Cette transition se caractérise par une augmentation du taux d’urbanisation et le passage d’une économie agricole vers une économie davantage tertiaire en passant par une phase d’industrialisation (Quertamp, 2009).

12  En 1990, un centre urbain est une zone résidentielle qui regroupe au moins 4 000 habitants dont au moins 40 % occupent des fonctions non agricoles.

13  La province de Bac Ninh est entourée par les provinces de Bac Giang au nord, de Hung Yen au sud, de Hai Duong au sud-est et de Hanoi à l'ouest. La ville de Bac Ninh, dont la population est estimée à 168 236 habitants (Statisitical yearbook, Bac Ninh, 2010) se situe à 31km de Hanoi.

14  La commune de Dai Bai est composée de quatre villages : Dai Bai, Doan Bai, Ngoc Xuyen et Song Quynh.

15  Enquêtes comité populaire de Bac Ninh, service de l’environnement et des ressources naturelles, Duchère Y., mars 2012.

16  Nous nous référons ici à la définition vietnamienne du secteur informel qui, selon le décret 88/2006/ND-CP du 29 Aout 2006, distingue deux groupes d’entreprises informelles : les établissements individuels non enregistrés et les établissements individuels enregistrés. Si le nombre d’employés des établissements individuels enregistrés dépasse 10 alors le statut de l’établissement doit être modifié pour devenir une entreprise formelle.

17  Dans la province de Bac Ninh, la valeur brute de la production industrielle totale a été multipliée par six en cinq ans passant ainsi de 5 211 milliards de VND (196 millions d’euros) en 2005 à 14 021 milliards de VND (528 millions d’euros) en 2010.

18  Comité populaire de Phong Khe, 2007. Rapport annuel sur la situation socio-économique de Phong Khe en 2006. Vietnam : Bac Ninh.

19  Bac Ninh DONRE, 2006. Rapport sur la situation environnementale à Bac Ninh. Vietnam : Bac Ninh.

20  Densité calculée par nos soins d’après les données disponibles au comité populaire communal en 2010

21  On distingue au Vietnam trois niveaux administratifs : le niveau provincial qui comprend 63 unités (provinces ou villes-provinces, le Vietnam compte, en 2011, 5 villes-provinces : Hanoi, Ho-Chi-Minh Ville, Haiphong, Da-Nang et Can Tho), le niveau du district et enfin le niveau des communes. Les villes peuvent appartenir à chacun de ces niveaux, ce qui les distingue alors véritablement est leur position dans la classification économique des centres urbains (cette classification, dont le but n’est pas administratif, sert uniquement à délimiter les niveaux d’investissement de l’État dans les infrastructures urbaines lors des plans économiques annuels et quinquennaux). Ce classement compte 5 échelons. La ville de Hanoi appartient au premier échelon, cependant le territoire de la ville de Hanoi inclut des districts ruraux et des communes rurales au même titre que des arrondissements urbains et des quartiers urbains.

22  Le 1er Aout 2008, la ville-province de Hanoi a absorbé la province voisine de Ha Tay, un district de la province de Vinh Phuc (Mê Linh) et quatre communes de la province de Hoa Binh. Par ce processus, Hanoi est passé d’une superficie de 900 km2 à 3300 Km2 et a doublé sa population (de 3 millions à 6,4 millions d’habitants).

23  En 2007, la commune de Phong Khe est rattachée administrativement à la ville de Bac Ninh qui, dorénavant, la gère au même titre que le faisaitle chef-lieu du district auquel elle appartenait auparavant (Yen Phong).

24  Par exemple, un projet de traitement des eaux financé à 80 % par la ville est en cours de réalisation. Le coût de ce projet est estimé à 15 millions d’euros (enquêtes Duchère Y., comité populaire Phong Khe, 2010).

25  Notons que seule la province a le droit de modifier le statut des terres en fonction de la compatibilité des projets défendus par les investisseurs avec le Master Plan. Ainsi, une terre intégrée dans un arrondissement urbain sera à terme transformée en terre à vocation urbaine. Cependant, depuis la loi de 2003 et certains de ses décrets d’application, les districts et les communes ont vu leurs compétences s’accroître.

26  1 sao = 360 m2.

27  Selon l’enquête JICA –MARD (2004), 1,3 millions de personnes travaillent dans l’artisanat en 2004.

28  Ngu Huyen Khe se déverse dans la rivière Cau 4 km plus en aval de Phong Khe. Ce canal a été creusé par les rois d’Annam quand ils habitaient Coloa, (Mille P., 1903. Projets de canaux et d’irrigation en Indo-Chine. Annales de Géographie, vol 12, n 66, p. 428-439)

29  La zone industrielle d’une superficie de 12,6 ha a été créée en 2002 et accueille 58 entreprises (enquêtes Duchère Y., 2010)

30  Du point de vue administratif, làng (le village) est appelé xa (dénomination administrative de la commune, un xa peut comprendre plusieurs làng) et le xom (hameau) est appelé thon (un thon peut comprendre plusieurs xom).

31  En 2009, à Duong O, il y avait 3 foyers agricoles (sur un total de 927 foyers) ; en 2009, à Dao Xa, 123 foyers agricoles (sur un total de 230 foyers) ; et, à Cham Khe, 725 foyers agricoles (sur un total de 774 foyers). (enquêtes Duchere Y., 2009)

32  On recensait un grand nombre de types de papiers, tous fabriqués à la main à partir de la pulpe du bois de l’arbre gio (cay gio) (Oger, 1909) : Giây Phuong utilisé comme papier votif, Giây truc utilisé pour faire des éventails, des pétards et du papier à lettre, Giây khay utilisé comme papier d’emballage, Giây ban  papier de médiocre qualité pouvant servir d’emballage, Giây sac papier royal de haute qualité sur lequel sont imprimés des dragons dorés et argentés, Giây do lua papier lisse et propre utilisé pour les documents officiels, Giây hanh ri papier à lettre embelli de dessins traditionnels, Giây bia papier épais utilisé pour les couvertures de livres, Giây in tranh papier produit pour le village de Dong Ho que les habitants recouvrent de poudre de coquilles saint Jacques. Actuellement, d’après nos enquêtes, seule la production de giay do, de giay ban et de giay bia perdure à Phong Khe. Notons que le papier do a été utilisé pendant la guerre pour imprimer le journal de résistance « Save the nation ».

33 Par exemple à Dai Bai, Xom Tay est spécialisé dans la production des plateaux,  xom Ngoai spécialisé dans la production des marmites,  xom Giua spécialisé dans la production des théières, bouilloires, celui Son spécialisé dans la production des bassins.

34  D’après un entretien avec S. Fanchette, ce phénomène est commun à tous les villages producteurs de papier du delta du Fleuve Rouge, tels ceux localisés au bord du lac de l’Ouest à Hanoi (Yen Thai, Yen Hoa, Ho Khau, Dong Xa and Nghia Do), à Ha Tay (An Coc) et Bac Ninh (Duong O, Dao Xa and Cham Khe) : aucun ne connaît l’origine du métier.

35  Pour cette zone industrielle, 14 parcelles furent édifiées sur une ancienne zone de battage du riz.

36  A Phong Khe, la mécanisation du papier implique l’utilisation de machine fonctionnant au charbon. Par ailleurs, la quantité de déchets (sous forme de pulpe principalement) produite est beaucoup plus importante dans le cas d’une activité mécanisée que dans le cas d’une activité manuelle en raison des productivités différentes. Lorsqu’un artisan produit manuellement 10 kg de papier/jour, un atelier mécanisé d’une surface moyenne comprise entre 500 m² et 1 000 m² en produira 1 000. Ainsi, les surfaces, les types de métier exercés et les niveaux d’investissement totalement différents ne permettent pas la comparaison entre les activités manuelles et les activités mécanisées en termes d’atteintes à l’environnement.

37  Par exemple, de grandes essoreuses pour séparer la partie plastifiée de la partie cartonnée des sacs de ciment, les deux composants étant revendus par la suite.

38  Certificat attestant des Droits d’Usage du Sol.

39  Notons toutefois que,  à Dai Bai et Phong Khe, il existe trois systèmes spatiaux différents : les ilots d’extension, l’urbanisation linéaire et le système d’impasse propre aux tissus ruraux. Ces trois configurations spatiales impliquent une organisation et un développement différent de l’activité artisanale. Ainsi, comme nous pouvons le voir sur la carte 6, à Cham Khe, l’activité manuelle est prédominante en raison du système de ruelles et d’impasses de type rural. (observations Duchère Y., 2009)

40  D’après les prélèvements réalisés par  le département des ressources naturelles et de l’environnement de la province de Bac Ninh en mars 2003 (Analyse des eaux industrielles de la commune de Phong Khe, mars 2003, Province de Bac Ninh, Département des ressources naturelles et de l’environnement), les eaux usées de la commune de Phong Khe (hors zone industrielle) ont un pH de 5,5-9, contiennent 1,08 mg/l de MN, 5,4 mg/l de Fe, 0,54 mg/l de Pb,  2mg/l de Cu, 3 mg/l de Zn, 10 mg/l d’ammoniac, et nécessitent 50 mg d’oxygène par litre d’eau pour oxyder les matières organiques (DBO). Des prélèvements ont également été réalisés à la sortie du réseau d’évacuation des eaux usées de la zone industrielle : ces prélèvements attestent d’un degré de pollution identique à celui de l’espace villageois.

41  Les autorités provinciales (DONRE, 2006) estiment que, en 2006, les ateliers de la zone industrielle de Duong O rejetaient 600 m3 d’eau non traitée dans l’environnement contre 450 m3 pour Duong O, 150 m3 pour  Dao Xa et 50 m3 pour Cham Khe.

42  Comité populaire Phong Khe, coopérative agricole, (enquêtes Duchère Y., 2011).

43  Au contraire de la police de l’environnement de la province, la commune ne peut amender au-dessus de deux millions de VND. Seule la police de l’environnement de la province peut amender au dessus de deux millions de VND.

44  Nous n’avons pas vérifié.

45 Les premiers huong  uoc, dont l’apparition remonte au XVe-XVIIe siècle, énonçaient « les règles particulières du village » (Phan Huy Lê, Tu Chi, Nhuyen Duc Nghinh, 1993), régissaient les comportements, notamment en matière d’environnement. Ces coutumiers, rédigés au niveau du village, sont disponibles dans les dinh (maisons communales). A Phong Khe et Dai Bai, les nouveaux Huong Uoc n’existent pas encore.

46  Dans les provinces de Ha Tay, Bac Ninh, Nghe An, Quang Binh et Ha Tinh, 90 % des villages ont déjà rédigé de nouveaux Huong Uoc. (Dr Le Hong Son, 2004. New Huong Uoc and its role in social management, Vietnam law and legal forum,  http://vietnamlaw.vnanet.vn )

47  Nous traitons ici uniquement des conflits liés à l’environnement et à la production artisanale. Notons toutefois que de nombreux autres types de conflits existent. Les plus prégnants, de par les conséquences qu’ils peuvent avoir, sont les conflits inter lignagers qui opposent le plus souvent les 3 ou 4 lignages les plus puissants du village ; l’enjeu étant le plus souvent l’accès au pouvoir économique et politique. (Bergeret, 2002)

48  Telle que l’association des femmes, des jeunes ou encore des anciens combattants.

49  Chaque individu était classé par rapport aux autres, devenir notable était un honneur convoité par l’ensemble de la paysannerie. Généralement on évoluait dans ce classement avec l’âge. La classe des notables comprenait les vieillards, les mandarins civils et militaires, les anciens officiants du culte du génie du village, les lettrés, les anciens administrateurs du village ou du canton, ou encore ceux qui achetaient leur titre. Les conflits entre une partie des paysans et le groupe des notables étaient fréquents : « Bien entendu l’activité des notables, qu’elle soit désintéressée ou concussionnaire, soulève le mécontentement d’un nombre plus ou moins grand de villageois et des partis se forment dans la commune ; des rivalités se déchainent à propos des événements les plus futiles, où chacun s’acharne à faire perdre la face à l’adversaire. » (Gourou, 1936, p. 265). « Peu à peu la concussion s’érigea en système, et le paysan, au lieu de s’indigner, se promit d’imiter les actes malhonnêtes des notables à condition qu’il parvienne à acquérir ce statut… » (Gourou, 1936)

50  Le fait que les autres villages ne pratiquent pas l’artisanat pose le problème de la gestion des affaires spécifiquement liées à l’artisanat, notamment lorsque des responsabilités élevées au sein du comité populaire sont données à des membres n’appartenant pas au village de métier. Cela peut être source de dysfonctionnements.

51  A Dai Bai, un projet de zone industrielle financée par un investisseur coréen  est en cours de réalisation. Le taux d’indemnisation est de 69,7 millions/sao, 12 ha ont déjà été « libérés », il reste encore 60 ha à exproprier, les habitants s’opposent fermement à ce montant d’où la lenteur du processus.

52  L’ancêtre du métier (Monsieur Nguyen Cong Truyen) est né en 989 avant JC (rapport histoire de la commune de de Dai Bai, comité populaire).

53  Selon Digregorio (1999), ce phénomène est commun à tous les villages producteurs de papier du delta du Fleuve Rouge, tels ceux localisés au bord du lac de l’Ouest à Hanoi (Yen Thai, Yen Hoa, Ho Khau, Dong Xa and Nghia Do), à Ha Tay (An Coc) et Bac Ninh (Duong O, Dao Xa et Cham Khe) : aucun ne connaît l’origine du métier. La première référence à l’utilisation de papier pour les examens mandarinaux date de 1450.

54  En 1993, l’État cède aux foyers l’utilisation des terres rizicoles pour une durée de 20 ans. Les mares, considérées comme des terres pour la production sont mises aux enchères, le bail est également de 20 ans. Aujourd’hui, à Phong Khe et à Dai Bai, de nombreux foyers souhaitent agrandir leur espace de production en comblant ces espaces en eau. Une demande doit alors être adressée au district pour obtenir l’autorisation du changement d’usage du sol.

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Table des illustrations

Titre Illustration 1 – La commune de Phong Khe dans la province de Bac Ninnh
Crédits Source : Fond cartographique : Service de l’environnement et des ressources naturelles de Bac Ninh ; réalisation :Y. Duchère.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 508k
Titre Illustration 2 – La commune de Dai Bai
Crédits Source : Carte communale, Comité populaire, 2009 ; réalisation : Y.Duchère.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 316k
Titre Illustration 3 – La commune de Phong Khe
Crédits Source : Carte communale, Comité populaire, 2009 ; réalisation : Y.Duchère.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 508k
Titre Illustration 4 – Recyclage des chutes de papier à Phong Khe
Crédits Auteur : Y. Duchère, 2009.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 596k
Titre Illustration 5 – Recyclage des douilles d’obus à Dai Bai
Crédits Auteur : Y. Duchère, 2012.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 300k
Titre Illustration 6 - L’organisation du travail à Duong O, commune de Phong Khe
Crédits Source : enquêtes de terrain Y. Duchère, 2010 ; réalisation : Y.Duchère.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 360k
Titre Illustration 7 – Fabrication manuelle du papier à Cham Khe
Crédits Auteur : Y. Duchère, 2009.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 432k
Titre Illustration 8 – Répartition des activités artisanales dans la commune de Dai Bai
Crédits Source : Google earth, 2002 ; réalisation Céline Hamel, Bénédicte Dubiez.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 232k
Titre Illustration 9 – Les 3 sites industriels de Phong Khe
Crédits Source : Carte communale, observations, 2010 ; réalisation : Y. Duchère.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 248k
Titre Illustration 10 – Le difficile transport des marchandises à Duong O
Crédits Auteur : Y. Duchère, 2009.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 456k
Titre Illustration 11 – Répartition des activités polluantes à Cham Khe, commune de Phong Khe
Crédits Source : Enquêtes Y. Duchère, 2010 ; réalisation Y. Duchère.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 308k
Titre Illustration 12 – Fonte de l’aluminium à Dai Bai
Crédits Auteur : S. Fanchette, 2012.
URL http://journals.openedition.org/echogeo/docannexe/image/13153/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 383k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Yves Duchère, « La rareté de l’espace dans les villages de métier du delta du Fleuve Rouge : l’exemple des stratégies socio spatiales villageoises dans la commune de Phong Khe, province de Bac Ninh »EchoGéo [En ligne], 21 | 2012, mis en ligne le 10 octobre 2012, consulté le 30 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/echogeo/13153 ; DOI : https://doi.org/10.4000/echogeo.13153

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Auteur

Yves Duchère

Yves Duchère, yduchere@gmail.com, est doctorant à l’Institut Français de Géopolitique, Université Paris 8.

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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