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Résistances de l’huile d’olive dans la Tunisie coloniale

Resistance Trough Olive Oil in Colonized Tunisia
Mohamed Frini
p. 133-146

Résumés

L’histoire de l’huile d’olive en Tunisie n’est pas uniquement liée aux civilisations antiques, mais aussi à l’histoire récente qui a été assez mouvementée par une série d’actions de résistance face à l’huile végétale envahissante à la fin du xixe siècle. Ce constat s’explique par une prépondérance totale de l’huile d’olive au début du xixe siècle. En effet, l’huile d’olive domine largement le marché dans la Régence de Tunis ; Ses usages varient entre huile de consommation alimentaire, huile à utilisations non alimentaires pour l’éclairage, produit dans des pratiques thérapeutiques et cosmétiques mais aussi pour les besoins de l’industrie locale. Matière première de choix, l’huile d’olive trouve ainsi en Tunisie de nombreuses utilisations industrielles, notamment pour le savon et le textile. Dans une société, une économie et politique oléicoles, les huiles végétales n’avaient trouvé aucun écho favorable dans la Tunisie coloniale. En fait, cette huile importée a été mal accueillie par les consommateurs, les producteurs et le régime politique colonial. Ceci nous mène à mettre en évidence le phénomène de l’insubstituabilité de l’huile d’olive par d’autres huiles végétales qui, malgré leur cout inférieur et leur présence sur le marché local, ne furent pas rapidement intégrées à l’alimentation.

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Texte intégral

1L’oléiculture en Tunisie est un secteur particulier à plus d’un titre. C’est d’abord une activité synonyme d’histoire ancienne, mais c’est aussi un secteur dont l’histoire récente a été assez mouvementée. Avec le xixe siècle les oléagineux tropicaux apparaissent, envahissent les marchés peuvent concurrencer et même supplanter les produits locaux. Dans la Tunisie coloniale, les huiles végétales : l’huile d’arachide, en particulier, a rigoureusement voulu concurrencer l’huile d’olive traditionnelle.

2Un tel constat nous conduit à aborder la question de l’histoire de la consommation locale des huiles végétales dès leur arrivée sur le marché tunisien afin de démontrer, l’écho qu’eut cette huile « nouvelle», ainsi que son impact sur un pays oléicole qui n’a ménagé aucun effort pour résister contre cette huile envahissante à la fin du xixe siècle et début du xxe siècle.

3Pour mieux saisir la question et avoir une large ouverture et confronter les différents points de vue sur la question de l’alimentation et les pratiques alimentaires en Tunisie, nous étions amenés à consulter et à faire valoir autant que possible les témoignages à travers les sources écrites, orales et les fonds d’archives officielles. Il s’agit d’un fonds d’archive qui comporte quelques registres beylicaux de nature fiscales et administratives et surtout les publications officielles de l’époque coloniale :( Feuille d’information commerciale, le Journal Officiel, les Rapports sur l’activité du service du protectorat et la statistique Générale de la Tunisie).

Prépondérance totale de l’huile d’olive au xixe siècle

4Au début du siècle, l’huile d’olive domine largement le marché dans la Régence de Tunis : aussi bien comme huile de consommation alimentaire, que comme huile à utilisations non alimentaires pour l’éclairage, mais aussi pour les besoins de l’industrie locale.

Première prépondérance : Comme un aliment de base 

5Le produit de base, l’olive, est fourni par un marché producteur large. Le territoire de l’oliveraie s’étend de l’Est vers l’Ouest soit du littoral vers l’intérieur (Poncet, 1961, p. 528-546). « L’olivier peuple la plupart des régions de la colonie » : (Faucon, 1893, p. 29-30). D’après des évaluations officielles de la direction de l’agriculture à Tunis, les oliveraies de la Régence comptaient en 1891 : 10755906 oliviers qui ont donné 27228913 litres d’huile (Faucon, 1893, p. 30).

6En Tunisie, une localisation climatique précise de la région oléicole nous parait absurde. En fait, l’olivier est présent – mais inégalement – dans presque toutes les régions du pays et touche, aussi bien directement qu’indirectement, une grande partie de la population au xixe siècle (Frini, 2012,) Narcisse Faucon adhère à ce constat :

« À en croire certaines personnes, le sol et le climat de la région du sahel seraient plus propices à l’olivier que ceux du Nord et du Sud. C’est là une opinion que pour mon compte je ne partage point. » (Faucon, 1893, p.  30).

  • 1 . D’autres huiles ont laissé moins de traces dans les archives comme l’huile sakran, huile de foie (...)

7Cette prépondérance de l’huile d’olive qui apparait évidente n’est pas en fait totale ; aussi, trouvons-nous plusieurs indications d’archives qui s’étendent sur toute la période moderne et qui évoquent d’autres huiles repérées dans la Régence de Tunis – autre que l’huile d’olives – avant la colonisation française. Seules, en effet, « les huiles inconsommables » étaient utilisées soit à des fins industrielles, comme l’huile de lin, ou l’huile de poisson etc. (A.NT, registre 500, p. 229,280) soit à des fins thérapeutiques comme l’huile d’amande ou l’huile de ricin etc.1

8D’après le témoignage de Narcisse Faucon,

« bien que de beaucoup la plus importante, la culture de l’olivier n’est pas la seule, parmi celles produisant les matières oléagineuses, qui réussissent en Tunisie à la fin du xixe siècle. Plusieurs autres végétaux, pour n’être pas aussi riches en principes huileux, ne méritent pas moins, dans certaines circonstances, d’être cultivés »  (Faucon, 1893, p.  39-41),

9tels l’arachide  dont on retire 40 % d’huile, le lin qui était l’une des cultures industrielles le plus facilement et le plus économiquement abordable par les colons, le madia sativa (madie du Chili) dont le rendement en grains donne sous la presse 25 à 26 % de son poids d’une huile qui aurait un écoulement facile à Marseille, le colza {Brassica compestris),dont la culture réussit admirablement dans tout le Tell de la Régence et le tournesol (Helianthus annuus) qui réussit très bien et rend une huile qui se place avantageusement dans l’industrie etc. (Faucon, 1893, p. 39-41).

  • 2 . A.N.T, registre, 1, 111, 143, 555, etc.
  • 3 . Mariages, naissances, circoncissions, pèlerinages, visites des marabouts etc.
  • 4 . Les deux « ’Aïd », « ras el ‘ãm » et « ‘achoura » etc.

10Toutefois, l’huile d’olive a toujours été l’aliment de base de la population tunisienne. Ce corps gras était utilisé presque exclusivement par tous les habitants du pays. Nombre d’entre eux en abusaient pour la cuisine, au préjudice d’autres aliments comme les protides animaux, et cela même dans les couches prospères de la population. La consommation de la viande était désirable pour le tunisien, mais réduite, réservée chaque fois que l’occasion le permettait,2 dans les cérémonies privées3  et religieuses4. Selon Léon Laitman, l’importance de la consommation découlerait de la nécessité plutôt que de la tradition ou l’habitude (Laitman, 1953, p. 271).

  • 5 . Un litre de l’huile d’olive pèse 0,915 kilogramme.

11De ce fait, l’huile d’olive produite en Tunisie est destinée à alimenter un marché intérieur de grande consommation. Un rapport publié par l’administration de la colonisation française, nous présente des estimations valables pour la consommation locale de l’huile d’olive au xixe siècle (Rapport : Le commerce et le travail en Tunisie, 1931, p. 5) Ce rapport stipule que la moyenne de la consommation de l’huile d’olive en 1929 varie entre 8 et 9 kg par an et par personne et ceci représente le double de la quantité consommée en 1882, c’est-à-dire entre 4 et 5 kg5.

  • 6 . L.VALENSI,1977, Fellahs tunisiens: l’économie rurale et la vie des campagnes au xviiie et xixe si (...)

12En somme, nous pouvons avancer, à partir des documents disponibles, un phénomène spécifique qui a caractérisé du moins la fin du xixe siècle : l’importance de la quantité de l’huile consommée localement en dépit des conclusions des études historiques6 à propos de la monopolisation de la matière par le pouvoir central pour satisfaire la demande européenne.

  • 7 . En France, on connait la division traditionnelle, entre la France de la cuisine au beurre et la F (...)
  • 8 . Ernest-Gustave, GOBERT, « Les références historiques des nourritures tunisiennes » in. Les Cahier (...)

13En Tunisie, contrairement à d’autres pays méditerranéens producteurs d’huile d’olive tel que la France par exemple7, le marché de consommation de cette huile ne se limite pas à un marché territorialement restreint (Pierrein , 1983, p. 161). En effet, l’huile d’olive est ancrée dans les usages et les rites alimentaires des tunisiens (Gobert, 1955, p. 501-541). 8. Elle fait partie de leur consommation quotidienne. « Huile d’olive c’est la notre » :« zit ʼzitouna ʼmtacna » souligne la maxime ce qui traduit les liens solides qui existent et la place qu’elle occupe dans le quotidien tunisien. Sa consommation était un signe de bon goût et d’appartenance territoriale à la Tunisie méditerranéenne, au sahel oléicole : « je suis sahélien, je consomme de l’huile d’olive » mais aussi par respect au produit d’un arbre sacré, béni dans les textes sacrés.

14En Tunisie, l’huile d’olive fait partie de l’identité nationale. En règle générale, le sahélien considère qu’ « elle fait partie de lui ». D’où, il était assez à l’époque coloniale, mais également durant toute l’époque moderne, de voir des donations d’huile d’olive en tant que pratique privée entre les différentes entités sociales, mais ces donations existaient à un niveau public lorsque l’État poursuit ses œuvres charitables habituelles. L’une des justifications de la dîme d’huile « ushur az-zayt » était de permettre au bey de faire « al catta » (l’aumône) et d’accorder « ihsanat » (des gratifications ou bienfait) et « al cawayid » (donations cérémoniales) à l’occasion des fêtes religieuses. Le bey ne devait pas seulement assurer à ses sujets la possibilité d’acheter les denrées alimentaires de premières nécessités à des prix abordables, il devait aussi secourir ceux qui en avaient besoin « sadaqa » (charité). L’ampleur de ces œuvres varie d’un bey à l’autre et d’une période à une autre. L’intervention de l’État se manifestait donc par l’octroi des sommes d’argent et, le plus souvent, de distribution de produits alimentaires accordés à diverses catégories sociales de consommateur (A.NT, registre111, 158,555). Les registres des dépenses et des recettes beylicales confirment cette dimension d’interventionnisme beylicale sous forme d’aides sociales, une pratique repérée également dans les sources de l’époque coloniale (A.NT, Série, E).

Deuxième prépondérance : un produit alimentaire à multiples utilisations non alimentaires

15La Tunisie se révèle comme un grand marché de consommation de l’huile d’olive, utilisée communément pour l’alimentation et l’éclairage (A.NT, registre, 111, 158,555) et adéquatement dans des pratiques thérapeutiques et cosmétiques mais aussi pour les besoins de l’industrie locale (A.NT, registre, 65, 69, 111, 158, 192, 1877,1908, 2060, 2061, 2402, …). Matière première de choix, l’huile d’olive trouve en Tunisie de nombreuses utilisations industrielles, notamment pour le savon et le textile. Seule la savonnerie intègre l’huile d’olive dans un processus de fabrication comme matière première et cette industrie est la seule à consommer autant. En effet, au-delà des besoins locaux, le commerce de l’huile dépend étroitement de la savonnerie de Marseille (Boulanger, 1999) car la France, qui ne produit pas assez d’huile, doit faciliter l’accès de ses marchés aux huiles de la Régence en les exemptant de tout droit d’entrée. La France demande annuellement à l’étranger 17 à 18 millions de kilogrammes d’huile d’olive. En1896, année de récolte moyenne en olives, la production de la Tunisie a été de 7 millions de kilogrammes d’huile environ ; sur cette quantité, 3 millions de kilos ont été admis en franchise dans la Métropole (Chaudier, 1898, p. 110).

16Pour faciliter le cardage et la filature de la laine, afin de permettre aux cotons de recevoir la couleur « rouge turc » ou « rouge d’Andrinople » alors en vogue, les teinturiers choisissent de préférence l’huile d’olive « tournante », rancie artificiellement par exposition à la lumière et à la chaleur (Boulanger, 1999,p. 66, Boubaker, 1987,p. 116.).

17Rappelons, par ailleurs que la progression de la consommation européenne de l’huile d’olive tunisienne est, à n’en pas douter, liée au développement des manufactures qui utilisent cette huile à bon marché comme matière première pour les savonneries ou pour certaines industries textiles.

18Une telle prépondérance totale de l’huile d’olive nous amène à dire qu’il serait trop simple de résumer, en disant que, à la fin du xixe siècle, l’huile d’olive perd son importance tant du point de vue du marché alimentaire que du point de vue du marché non alimentaire au profit des oléagineux. Les choses sont plus lentes et plus complexes.

19En fait, l’huile végétale importée a été accueillie de manière très variée de la part des consommateurs, des producteurs et du régime politique, et l’enchevêtrement de ces réactions rend la classification méthodologique et chronologique de nos informations un peu difficile.

Une série d’action de résistance frappe l’huile végétale « impure» à la fin du xixe siècle

Résistance des producteurs d’huile d’olive et conservatisme des consommateurs

  • 9 . Le premier recensement de la population tunisienne date de 1921, le chiffre de 800000 avancé par (...)
  • 10 . Feuilles oléicoles, revue de l’Office de l’Huile d’Olive en Tunisie, p. 213, cité par Laitman Léo (...)

20La production de l’huile représente pour le Tunisien de la plupart des régions de la Régence une activité économique quasi exclusive. Les différentes phases de l’industrie oléicole, oléiculture, extraction d’huile, commerce, mobilisent des milliers d’ouvriers : laboureurs, cueilleurs, ouvriers d’huileries, commerçants, etc. Au début de l’époque coloniale, plus de 800 000 habitants vivent de l’oléiculture9. C’est ainsi que les oléiculteurs avec leurs familles représentent le tiers de la population tunisienne selon les statistiques de l’administration française au début de l’époque coloniale (Mahjoubi, 1982, p. 574.) En fait, l’olivier constitue souvent l’unique revenu et toujours la principale ressource de milliers de petits agriculteurs et d’un nombre plus important encore d’ouvriers agricoles.10

21Procurer de l’huile d’olive au xixe siècle n’était pas une affaire difficile. Les moyens par lesquels l’huile arrive aux différentes catégories de consommateurs du xixe siècle sont variés. Les approvisionnements en huile d’olive se faisaient directement de leurs récoltes pour les grands, moyens, petits propriétaires des oliveraies – qui sont assez nombreux au xixe siècle – et des stocks pour les commerçants. En fait, de nombreux petits propriétaires se contentent de triturer leur propre huile et vendent le surplus de leurs olives, qui gagne d’ordinaire les circuits commerciaux, mais peut également être vendu à un autre propriétaire ou à des ouvriers. Par ailleurs, les commerçants grossistes de l’huile d’olive distribuaient leur marchandise aux détaillants ou parfois aux demi-grossistes. Le détaillant ou l’épicier achetait et vendait pendant toute l’année et débitait l’huile dans sa boutique désignée « suwayka » où venait se ravitailler la grande masse des consommateurs moins fortunés (A.N.T, registre 1120, p. 41. Lallemand, 1890, p. 135). On retrouve ces « suwayka » dans les quartiers résidentiels de Tunis ainsi que dans les autres villes et villages de la Régence. Ce sont, en effet, de petites épiceries étroites (Braudel, 1979, p. 119). On les nomme aussi, épicerie d’huile « hanout zitt » (A.N.T, registre 99, p. 22, 105).

  • 11 . La« ‘ūla » est une technique qui permet aux familles se profiter de la disponibilité des aliments (...)

22Ces petits souks de quartier« suwayka » sont considérés comme étant les métiers de subsistance les plus importants. Par ailleurs, il existe un autre courant d’échange parallèle allant directement des usiniers «Maasriya » aux consommateurs qui venaient sur place dans les huileries pour se ravitailler en huile pour toute l’année et garantir leur « ‘ūla ».11

23Face à des récoltes d’olives très irrégulières, à une ascension vertigineuse des prix, à l’instabilité du pouvoir d’achat et l’impossibilité de déterminer les moyens de vente, il est légitime de se demander si les consommateurs recourraient aux huiles végétales à bon marché ?

  • 12 . Journal Officielle Tunisien, 1, 8 février 1883,13 septembre 1888, 10 novembre 1892, 12 janvier, 9 (...)

L’évolution des prix de l’huile d’olive (1883-1945) (Unité : franc)12

Années

1883

1888

1892

1898

1902

1909

1914

1916

1918

1920

1924

1945

1 litre d’huile d’olive

0,64

0,85

0,95

0,92

1,20

1,30

1,35

2,65

3,50

6,00

8,50

24À la fin du xixe siècle, les consommateurs restaient malgré tout fidèles à l’huile ancestrale. Beaucoup tentent de s’approvisionner là où elle est moins chère et la plus abondante. De ce fait, s’établissent de nombreuses et complexes tractations qui échappent au circuit régulier. Les sources archivistiques nous fournissent également plusieurs indications quant aux transactions commerciales de l’huile d’olive qui ont lieu dans les maisons. Autour de ces transactions à domicile on constate plusieurs fraudes et dépassements qui touchent à la qualité, aux prix et aux unités de mesure de l’huile (A.N.T, registre 1120 : 45, Série historique, carton 58, dossier 643/3, document 74).

  • 13 . Cette appellation est encore utilisée jusqu’ à nos jours dans plusieurs régions de la Tunisie com (...)
  • 14 . Lettre de Résident Général de France en Tunisie Stephen Pichon destinée au Président de la Chambr (...)

25Toutefois, l’huile alimentaire que l’on pouvait obtenir des huiles végétales importées au début de l’époque coloniale était assez mal acceptée par les consommateurs tunisiens : c’était une « huile sans goût »  « zyt sânkû » 13 .De là, l’idée de mélanger l’huile d’olive : «Zyt mkhaleit ». En fait, pour faire accepter petit à petit cette huile végétale jugée « sans goût » et en modifier les saveurs, des commerçants tricheurs ont effectué des mélanges d’huiles végétales importées et d’huile d’olive locale pour bénéficier de la différence de prix qui était devenue manifeste à la fin du xixe siècle. Cette huile mélangée était vendue sur le marché comme un produit pur, ce qui n’était pas du goût des consommateurs d’huile d’olive. De plus, les autorités coloniales ont intercepté en 1897 de grandes quantités d’huile frelatée. En 1903, le Résident Général de France en Tunisie Stephen Pichon (19 mars 1901, jusqu’en 1907) a entamé également plusieurs procédures face aux huiles frelatées afin de protéger l’huile locale14. (La Dépêche sfaxienne, 1897. Archive de la Chambre mixte de Commerce et d’Agriculture du Sud, 1897, p. 16)

26Ultérieurement, avec le tournant des années trente, un dispositif plus sévère a été mis en place pour lutter contre la fraude. Il est bien clair que suite à cette demande massive de l’huile d’olive, les prix firent une ascension vertigineuse. En plus, le marché intérieur connut des difficultés pour la satisfaction de la demande locale. Déjà pour remédier à cet état de fait, un décret du 7 octobre 1936, avait autorisé à titre temporaire, l’admission de quantités assez importantes d’huile d’arachide dans la Régence, afin de permettre le ravitaillement de la population. Il se trouve que les tunisiens, habitués à la consommation de l’huile d’olive s’adaptèrent très mal à cette nouvelle variété  (Yazid, 2011, p. 337).

  • 15 . A.N.T, série E, carton 251, dossier5, document 10. Statistique Générale de la Tunisie, 1931, 1932 (...)

Production locale de l’huile d’olive et importation de l’huile végétale en Tunisie (1931-1935)15

Années

Produits

1931

1932

1933

1934

1935

Production de l’huile d’olive (unité : quintal)

315 000

550 000

600 000

550 000

600 000

Importation d’huile végétale (unité : quintal)

14 921

5 898

33 317

27Cette situation encouragea les fraudeurs à s’enrichir en faisant passer des huiles contenant une forte proportion d’huile d’arachide pour de l’huile d’olive pure. En effet, au mois d’août 1938, le directeur des affaires économiques faisait savoir au Résident Général la découverte d’importantes quantités de l’huile mélangée (A.N.T, série E, carton 251, dossier 5, document 35). Pour combattre ce phénomène, une méthode artisanale a été appliquée, selon laquelle on ajoutait de l’huile de sésame « Jiljlân » aux huiles végétales autres que l’huile d’olive pour éviter de les faire passer pour de l’huile d’olive pure. Ainsi, quand on leur ajoutait des petites quantités d’huile d’olive, un précipité se formait révélant la fraude. (Yazidi, 2011, p. 337, note 18).

  • 16 . Un grand tournant dans l’histoire du commerce oléicole entre la Tunisie et la France durant l’épo (...)

28À la suite de cette affaire de fraude, un décret a été promulgué le 12 août 1938 qui autorise dans son article 8 l’Office de l’Huile16 à créer des Laboratoires d’Analyse de l’huile d’olive à Tunis, Sousse et Sfax. Dans ce sens, un arrêté chargera le chef du Laboratoire de Chimie des Services Administratifs et la Répression des fraudes du contrôle des huiles d’olive. (A.N.T, série E, carton 243, dossier 15, document 40).

29En effet, l’huile végétale était très mal perçue par les consommateurs locaux habitués à un goût de fruit très prononcé Elle est considérée comme grasse, ayant un mauvais goût, doté d’une odeur « puante » et impropre à la consommation (La Dépêche sfaxienne, 14 ; 16 février, 16 mars 1897. Le colon français, 20 juin 1928. La Tunisie française, 29 juillet 1928).

30Pour compléter certains manques dans les archives, il a fallu avoir recours à des témoignages directs. Le témoignage d’une personne âgée vient confirmer cette idée : 

  • 17 . Entretien réalisé avec une femme âgée (mars 2015), réputée dans la ville de Monastir pour son sav (...)

« Je ne connaissais que l’huile d’olive, la seule utilisée alors, Je me rappelle que mon père avant la deuxième guerre mondiale achetait de grandes quantités, de 100 à 120 litres pour toute l’année afin de garantir sa « ‘ūla ». L’huile d’olive était utilisée dans la préparation de tous les repas. Ma mère ne trouvait pas de contraintes à en offrir aux proches et aux voisins. C’est pendant les années de disette de la guerre, que j’ai découvert les huiles de graine importées qui étaient moins chères. Pour moi, j’ai continué à cuisiner entièrement avec notre huile, je préfère en mettre moins, que de cuisiner avec l’huile d’arachide « impure « qui ne donne aucun goût. La consommation de l’huile d’arachide était considérée comme un indice de la grande misère à l’époque et elle était classée au même degré que la maladie de la gale : «la gale et l’huile d’arachide : ajrab wu zyt al kakaouia» »17.

Résistance et protectionnisme des autorités coloniales

  • 18 . En fait, la production française s’était réduite entre 1870 et 1890. L’olivier a connu un net rec (...)

31L’huile d’olive apparaît depuis le début de l’époque moderne comme une denrée d’échange avec la France notamment avec la ville de Marseille, qui est un marché international de l’huile d’olive (Boulanger, 1999). Différentes sources historiques indiquent que ce trafic n’avait pas disparu quand, au xixe siècle, la France a pris un intérêt accru dans les affaires oléicoles de la Régence.18 Ainsi, pour répondre à ses besoins (satisfaire) et se maintenir dans le marché des huiles, malgré la montée menaçante des huiles d’arachide, Marseille se tourna vers la production du nouveau protectorat (Laitman, 1953 p. 281), ce qui permit à l’huile d’olive venues de Tunisie de s’imposer. (Pehaut, 1996, p. 281).

  • 19 . Feuille d’information oléicole, 1936, p. 351.

Prix d’un quintal de l’huile d’olive tunisienne dans les marchés extérieurs (Unité franc-or)19

Années

1929

1930

1931

1932

1933

1934

Prix de l’huile d’olive tunisienne dans les marchés extérieurs

172 ,9

94,6

121,6

87,9

55,8

64,3

32Les huiles d’importation tunisiennes, moins chères que les françaises (la moyenne décennale est de 413 francs entre 1921-1930 et de 330 francs entre 1931-1940) (Feuille d’information oléicole, 1936, p. 351. Le marché français de l’huile, in : Études et conjoncture - Union française / Economie française, 5e année, N°2, 1950. p. 8-50), pouvaient mieux résister à la nouvelle concurrence d’un grand nombre d’oléagineux. Ainsi, favorisé durant des siècles par des liens commerciaux que renforcèrent des liens politiques, le marché métropolitain est devenu le plus important pour la production tunisienne.

33Cette politique coloniale s’explique par l’intérêt que la France portait à la production oléicole de la Tunisie qui a débuté avant même l’établissement du protectorat. En effet, depuis l’institution de la commission financière en 1869, des plantations d’oliviers autour de Sfax ont été créées par le comité exécutif de la Commission Financière de 1871 jusqu’à la pénétration française (Direction Générale de l’Agriculture : La colonisation en Tunisie, Bourg, 1931, p. 18).

34En effet, les besoins du marché métropolitain en huile d’olive ont incités les autorités à cultiver les terres, et par la suite de plusieurs autres terrains qui allaient avoir une vocation oléicultrice, d’autant plus que la France dépendait d’autres pays producteurs. La Tunisie était appelée à remplacer ces importations « coûteuses » pour les caisses de l’État français (Yazidi, 2011, p. 331-332).

35Par l’arrêté du 22 octobre 1891, M. Massicault a institué une Commission chargée de rechercher les modifications qu’il y avait lieu d’apporter à la législation fiscale des oliviers. Cette Commission était présidée par M. Bourde qui a estimé que l’olivier constituait une des principales richesses de la Régence et a multiplié tous ses efforts pour en développer la culture. Ainsi, l’heure d’une réforme sérieuse était devenue indispensable pour les autorités françaises pour satisfaire les besoins de la métropole (Faucon, 1893, p. 34).

36Une conférence faite à Chalons-sur-Marne et à Reims, les 21 et 22 octobre 1899 par M. René Millet Résident Général de France à Tunis, prouve également l’intérêt porté par la France dès les premières années du protectorat à l’oléiculture. :

  • 20 . Une conférence faite à Chalons- sur-Marne et à Reims, les 21 et 22 octobre 1899 par M. René Mille (...)

« …Consultez les statistiques de la douane, et vous verrez que la Tunisie a encore un bel avenir, si elle remplace seulement les millions de kilogrammes d’huile que nous importons de l’étranger... »20.

37La Tunisie était appelée à devenir un important « partenaire » sur le marché mondial du commerce oléicole. Le protectorat tenait à la disposition de la Métropole, et bien au-delà, les quantités d’huile qui lui sont nécessaires, huile d’une qualité supérieure et d’un prix nettement inférieur aux huiles espagnoles. En effet, tout au long de la période coloniale, le principal débouché des huiles tunisiennes demeurait essentiellement la France, l’Algérie et le Maroc. Mais, la régence exportait aussi vers d’autres zones comme l’Italie, l’Espagne au moment de la guerre civile (1936-1939), les pays nordiques et l’Amérique. Cependant, des voix s’élevaient pour dénoncer cette politique coloniale d’exportation massive vers d’autres marchés et à des prix insatisfaisants pour les producteurs tunisiens : 

  • 21 . Archives Quai d’Orsay, bobineG147, dossier253, folio125.

« le gouvernement a exporté des huiles sur l’Amérique de manière massive pour se procurer des devises et pouvoir acheter des automobiles destinées aux potentats et notabilités »21 (Archives Quai d’Orsay, bobineG147, dossier253, folio125).

38Sous le régime politique de protectorat commence l’extension de l’oléiculture de Sfax, tandis qu’augmentent les ventes d’huile à la France. Ces liens commerciaux sont renforcés par des lois telles que celle de 1890 sur la libre entrée des huiles tunisiennes en France et la réglementation des importations en provenance des autres pays. La colonisation de Sfax et le développement de l’industrie oléicole semblent avoir pour objet de garantir l’écoulement de l’huile d’olive en France (Laitman, 1953 p. 281).

  • 22 . Avec le xixe siècle de nouveaux types de produits exotiques apparaissent et bientôt s’imposent, l (...)
  • 23 . Journal officiel de la République française débats parlementaires Année 1949. N° 61 C. R. Le Numé (...)

39Dans ce cadre de libre-échange entre la Tunisie et la métropole, une offensive de l’huile d’arachide est lancée depuis la fin du xixe siècle et le de début du xxe siècle. C’est surtout, lorsque cette huile végétale a tendu peu à peu à remplacer sur le marché métropolitain toutes autres huiles. Entre les deux huiles, arachide et olive, il a fallu prendre position, et il semble que c’est l’huile d’arachide qui ait prévalu. La métropole s’est adaptée aussi vite que possible à ce changement, et a souhaité l’introduire en Tunisie. Toutefois la question se compliquera encore en Tunisie avec l’introduction d’autres huiles végétales et le fait qu’elles n’avaient suscité aucun écho favorable dans la population tunisienne (Yazidi, 2011, p. 333). Cependant, la politique métropolitaine en faveur de l’arachide ne prit de l’ampleur qu’après la création du Groupement National d’Achat des Produits Oléagineux22 (GNAPO) au cour de la deuxième guerre mondiale23. Cet organisme, qui a connu des conflits constants avec l’industrie oléicole tunisienne, n’a pas hésité à fermer à cette dernière le marché métropolitain en 1948 :

« nous devons boycotter les marchandises françaises du moment que la France boycotte nos huiles et les remplace par les huiles espagnoles malgré leur mauvaise qualité et leur prix élevé…Cela montre à quel point l’opinion publique est indignée de voir le GNAPO ne pas se soucier ni des intérêts de la Tunisie ni celui de la France et ce pour réaliser de...s bénéfices … Ce problème épineux qui risque de porter un coup mortel à notre économie nous pousse de nouveau à revendiquer le droit de gérer nos propres affaires » (Ez-zohra, le 30 juin 1949)

40La chronologie d’adoption des oléagineux d’outre-mer est cependant très différente entre la métropole et la colonie. C’est surtout, lors des menées protectionnistes de la dernière décennie du xixe siècle que la contre-offensive sera féroce, car elle mobilisera tout le pays, consommateurs, producteurs et nouveau régime politique de protectorat. Le maintien de l’huile d’olive dans les importations de la métropole et son augmentation s’explique par le fait que l’huile tunisienne permettait de remplacer des importations « coûteuses » pour les caisses de l’État français.

41De surcroît, l’évolution du commerce tunisien de l’huile d’olive est dominée par un désir d’association économique des deux pays qui se résume dans l’histoire de la loi douanière française du 19 juillet 1890 et du décret beylical du 2 mai 1898. Ces deux lois complémentaires l’une de l’autre, établissent entre la France et son protectorat tunisien un régime privilégié transitoire qui se transforme rapidement en union (Chaudier, 1898, p. 36-34).

  • 24 . Bulletin de la direction de l’agriculture et du commerce, n° 4, 15 juillet 1897, n° 3, 15 avril 1 (...)
  • 25 . « Le marché français de l’huile », Études et conjoncture - Union française / Economie française, (...)

42Cette loi douanière du 19 juillet 1890, dont les dispositions ont accordé aux huiles d’olives et de grignons et aux grignons d’olives le bénéfice de l’entrée en franchise, avait des conséquences bénéfiques pour le développement des relations commerciales entre la France et la Tunisie. Mais ces « traitements de faveur » accordés aux huiles d’olives sont subordonnés à certaines conditions destinées à empêcher la fraude. Les expéditeurs doivent justifier l’origine tunisienne des produits, au moyen d’un certificat de provenance délivré par un Contrôleur Civil et visé par un Receveur des Douanes de nationalité française24. L’application de cette loi douanière, qui a pour objet de favoriser la production tunisienne dans une proportion déterminée, entraîne une double série de mesures administratives prises d’une part pour éviter la fraude étrangère, et d’autre part pour arrêter l’exportation lorsque la limite est atteinte25.

43À ce sérieux contrôle sont venues s’ajouter des mesures répressives énergiques ; un décret beylical, du 26 novembre 1895, punit les fabricants ou falsificateurs de certificats d’origine, ou ceux qui auraient fait usage de certificats fabriqués ou falsifiés, d’un emprisonnement de 3 à 6 mois. Un emprisonnement de 3 mois à 1 an peut être prononcé contre ceux qui auraient fait une fausse déclaration à l’autorité compétente en vue d’obtenir un certificat d’origine, ou qui auraient fait usage, pour l’expédition en France de marchandises d’origine étrangère, d’un certificat délivré par les autorités françaises les faisant passer pour des marchandises d’origines tunisiennes.

44Les résultats commerciaux de la loi du 19 juillet 1890 ont été instantanés. Dès que les barrières qui faisaient obstacle aux relations commerciales entre la France et la Tunisie furent abaissées par la loi douanière, les transactions des deux pays se développèrent avec rapidité. Les huiles tunisiennes admises en franchise, ne cherchèrent plus de débouchés à l’étranger, et, délaissant le marché italien, elles se dirigèrent vers le marché français. L’exposé graphique de l’exportation totale de la Tunisie, pendant les dix dernières années, montre nettement le progrès du commerce tunisien et le rôle prépondérant de la France dans les rapports économiques de la Régence avec les nations européennes.

45La France a préparé l’union douanière avec son protectorat par la loi du 19 juillet 1890 ; la Tunisie l’a réalisée presque complètement par le décret beylical du 2 mai 1898 (Chaudier, 1898, p. 47-56). La franchise était accordée aux produits destinés à l’agriculture quelle que fût leur provenance. Un droit prohibitif fermait la régence aux huiles d’olives et aux autres huiles étrangères, aux fruits et graines oléagineuses (Décret du 28 décembre 1897, art. 3) .Seules les huiles d’olives françaises étaient reçues en franchise, faveur bien légère pour un produit qui, insuffisant en France, ne pouvait être importé dans un pays où il était très abondant.

46Le nouveau régime douanier tunisien est un régime mixte qui abolit l’ancien tarif uniforme de 8 % sans établir l’assimilation complète entre la Métropole et son protectorat. C’est un régime transitoire qui accorde un traitement privilégié à la France au détriment des nations étrangères, sans toutefois octroyer la franchise à tous les produits français, ni opposer le tarif général de 1892 aux produits des autres pays. En fait, la réforme du 2 mai 1898 vise à protéger la production tunisienne.

47Les huiles d’olives, contrairement aux autres produits locaux, avaient, en effet, besoin d’une double protection : d’abord, elles avaient à se défendre contre

« les produits similaires extraits des graines oléagineuses ; ensuite, elles étaient soumises au droit d’exportation de 12, 37 fr. par 100 kilos, taxe excellente au point de vue fiscal, mais très lourde au point de vue commercial. La concurrence des fruits et graines oléagineux, dangereuse pour la production nationale, avait été écartée, avant l’établissement des nouveaux tarifs, par des décrets beylicaux prohibitifs (28 décembre 1897) portant à 12 fr. par 100 kilos le droit d’entrée de ces produits en Tunisie ; ce taux a été maintenu. D’un autre côté, à la sortie, le droit exorbitant de 12, 37 fr. par 100 kilos a été abaissé à 6 fr., sur le désir de la Conférence consultative et malgré une perte pour le Trésor évaluée à 500.000 fr. Enfin, un droit d’entrée de 20 fr. sur les huiles d’olives et de 35 fr. sur les huiles d’une autre nature permet aux huiles tunisiennes de lutter victorieusement, en Tunisie, contre les huiles étrangères, et en particulier contre les huiles italiennes récoltées en abondance, produites à peu de frais et indemnes des impôts nombreux qui atteignent les huiles de la Régence » (Chaudier, 1898, p. 88).

48Selon une correspondance de Robert, Président de la Chambre mixte de Commerce et d’Agriculture adressée au Résident Général de France en Tunisie, cette majoration de droit de douanes à l’importation sur l’huile importée a provoqué un contentement et une profonde satisfaction de la population autochtone de la région du Sahel (Chambre de Commerce mixte de Commerce et d’Agriculture du centre à Sousse : Registre des correspondances, 5 janvier 1898, N° 636, N°637, N°639).

Conclusion

49Face à une société« huilivore», face à une économie et politique oléicoles, face à une culture « oléophile », les huiles végétales n’avaient trouvé aucun écho favorable dans la Tunisie coloniale. Mais, si l’adoption des huiles nouvelles a demandé plus d’un siècle – et n’a souvent été admise qu’a l’issue d’une lente détérioration de l’alimentation populaire – d’autres produits alimentaires exotiques sont entrés beaucoup plus rapidement dans le régime tunisien : piment, tomate, café,  ont, été adoptés beaucoup plus vite que d’autres  et chez certaines catégories sociales plus démunies.

50En outre, ce constat nous mène à insister sur le phénomène de l’insubstituabilité de l’huile d’olive par d’autres huiles végétales. Malgré leur prix plus bas et leur présence sur le marché local, elles ne furent pas intégrées à l’alimentation rapidement.

51Enfin, cette lenteur de la diffusion des huiles végétales – que l’on constate jusqu’ à nos jours – ne doit pas être considérée comme caractéristique du rythme de transformations de sociétés anciennes. Chaque fois que le prix de l’huile d’olive chute, à cause d’une crise financière mondiale ou du freinage des exportations de l’huile d’olive tunisienne par la réduction de son prix à l’échelle internationale, on constate un mouvement de retour vers cette huile ancestrale. De ce fait, l’étude de l’histoire de la consommation de l’huile végétale demeure un bon exemple qu’on pourrait citer pour montrer que le passé et le présent appartiennent à la même sphère.

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Bibliographie

Archives

Archive Nationale de Tunisie (A.N.T), Registres beylicaux, 65, 69, 99,111, 158, 192, 229,280, 500, 555, 1877, 1908, 2060, 2061,2402.

Archive Nationale de Tunisie (A.N.T), série E, carton 251, dossier5, document 10, série E, carton 251, dossier 5, document 35, série E, carton 243, dossier 15, document40.

Archives de la Résidence Générale, microfilm conservé à ISH, bobine R713, dossier3, nom folioté. 

Sources imprimées

Archive de la Chambre mixte de Commerce et d’Agriculture du Sud, Sfax, p. 16 janvier 1897.

Bulletin de la direction de l’agriculture et du commerce, n° 4, 15 juillet 1897, n° 3, 15 avril 1897 : législation.

Chaudier-J., 1898, Le régime douanier de la Tunisie : La loi française du 19 juillet 1890, le décret beylical du 2 mai 1898, thèse pour le doctorat soutenue le décembre 1898.

Faucon Narcisse, 1893, La Tunisie avant et depuis l’occupation française : histoire et colonisation.

Gobert Ernest-Gustave, 2003 « Les références historiques des nourritures tunisiennes », Les Cahier de Tunisie, 4éme Trim, n°12, 3éme année, 1955, p. 501-541. Usages et rites alimentaires des Tunisiens suivi des références historiques des nourritures tunisiennes, Présentation et glossaire de Yassine ESSID, Tunisie.

Ez-zohra, le 30 juin 1949.

journal officiel – de la ré publique française débats parlementaire Année 1949. N° 61 C. R. Le Numéro : 5 francs, Jeudi 21 Juillet 1949.

La Dépêche sfaxienne, 14 et 16 février et 16 mars 1897.

Le colon français, 20 juin 1928.

la Tunisie française, 29 juillet 1928.

Statistique Générale de la Tunisie, 1932, 1933,1934.

Une conférence faite à Chalons-sur-Marne et à Reims, les 21 et 22 octobre 1899 par M. René Millet Résident Général de France à Tunis, Revue Tunisienne, 1900, p. 20.

Rapport « Le commerce et le travail en Tunisie », Bourg, 1931, Imprimerie, Victor Berthod p. 59.

Rapport « Le marché français de l’huile », Études et conjoncture - Union française / Economie française, 5e année, n°2, 1950, p.  8-50.

Registre des CORRESPONDANCES de la Chambre de Commerce mixte de Commerce et d’Agriculture du centre à Sousse : 5 janvier 1898, N° 636, N°637, N°639.

Ouvrages et articles

Boulanger Patric, 1996, Marseille, marché international de l’huile d’olive : un produit et des hommes de 1725 à 1825, Institut historique de Provence.

Boulanger Patric, 1999, Le Savon de Marseille, Équinoxe-carrés de Provence, Barbentane

Boubaker Sadok, 1987, La Régence de Tunis au xviie siècle : ses relations commerciales avec les ports de l’Europe méditerranéenne, Marseille et Livourne, éd. Centre d’études et de recherches ottomanes et Morisco-Andalouses, Zaghouan.

Braudel Fernand, 1979, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, xve- xviiie siècle, Armand Colin, Paris, t2.

Frini Mohamed, 2012, l’huile d’olive dans la Régence de Tunis à l’époque moderne : histoire d’une denrée alimentaire de base, (en langue arabe), Thèse en histoire, Université de Tunis, dactylographiés, (dir.) de S. Boubaker.

Laitman Léon, 1953, « Le marché et la production de l’huile d’olive en Tunisie », Annales de Géographie, t. 62, n°332. p. 271-286.

Mahjoubi Ali, 1982, Les origines du mouvement national en Tunisie 1904-1934, Université de Tunis, Faculté des lettres, p. 574.

Péhaut Yves, 1996, « L’invasion des produits d’outre-mer », in Jean-Louis FLANDRIN et Massimo MONTANARIE (dir.), Histoire de alimentation, Fayard, Paris.

Poncet Jean, 1961, La colonisation et l’agriculture européenne en Tunisie depuis 1881. Etude de géographie historique et économique, Thèse de lettres, Paris (1958), Imprimerie Nationale.

Pierrein Louis, 15 et 16 novembre 1983, « Huile d’olive et huile de graines au xixe siècle en France (vu de la région Marseillaise) », p. 161, in Acte de la table ronde, L’huile d’olive en méditerranée : Histoire, Anthropologie, Economie de l’Antiquité à nos jours, du groupement d’intérêt scientifique, «sciences humaines sur l’aire méditerranéenne «et de la chambre de commerce et l’industrie de Marseille, Aix- Marseille.

Yazidi Béchir, 2011, « Le commerce de l’huile en Tunisie à l’époque coloniale », in Actes du colloque organisé à Sousse du 6 au 10 février 2007 Université de la Manouba, Faculté des Lettres, Arts et Humanités. Laboratoire Régions et Ressources Patrimoniales de Tunisie, p. 337.

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Notes

1 . D’autres huiles ont laissé moins de traces dans les archives comme l’huile sakran, huile de foie de morue, huile de noyau de cerise ou huile de cacao …voir : A.N.T, registre 125, p. 25, registre, 3183, 3287.

2 . A.N.T, registre, 1, 111, 143, 555, etc.

3 . Mariages, naissances, circoncissions, pèlerinages, visites des marabouts etc.

4 . Les deux « ’Aïd », « ras el ‘ãm » et « ‘achoura » etc.

5 . Un litre de l’huile d’olive pèse 0,915 kilogramme.

6 . L.VALENSI,1977, Fellahs tunisiens: l’économie rurale et la vie des campagnes au xviiie et xixe siècle, Mouton, Paris-La Haye ,1977. KH.CHATRER, Dépendance et mutation pré-coloniales : la régence de Tunis de 1815-1857, Université. de Tunis,1984. S.BOUBAKER, La Régence de Tunis au xviie siècle: ses relations commerciales avec les ports de l’Europe méditerranéenne, Marseille et Livourne, Zaghouan, 1987.

7 . En France, on connait la division traditionnelle, entre la France de la cuisine au beurre et la France de la cuisine à l’huile. Dans cette dernière, on peut régionaliser : le Nord utilise de l’huile d’œillette, le Centre de l’huile de noix, le Midi de l’huile d’olive. Donc, un marché restreint à l’intérieur.

8 . Ernest-Gustave, GOBERT, « Les références historiques des nourritures tunisiennes » in. Les Cahier de Tunisie, 4éme Trim, n°12, 3éme année, 1955, p. 501-541. Usages et rites alimentaires des Tunisiens suivi des références historiques des nourritures tunisiennes, Présentation et glossaire de Yassine ESSID, Tunisie, 2003.

9 . Le premier recensement de la population tunisienne date de 1921, le chiffre de 800000 avancé par les services du protectorat au début de l’époque coloniale est une simple estimation.

10 . Feuilles oléicoles, revue de l’Office de l’Huile d’Olive en Tunisie, p. 213, cité par Laitman Léon, 1953, « Le marché et la production de l’huile d’olive en Tunisie », in : Annales de Géographie, t. 62, n°332. p. 271.

11 . La« ‘ūla » est une technique qui permet aux familles se profiter de la disponibilité des aliments sue le marché et d’éviter la hausse de prix. Acheter des vivres à bon prix, les préparer et les stocker pour une consommation ultérieure est en effet une technique efficace dans l’économie familiale.

12 . Journal Officielle Tunisien, 1, 8 février 1883,13 septembre 1888, 10 novembre 1892, 12 janvier, 9 mars 1894,1 février ,10 mai 1895,2 février 1897,26 janvier 1898,1 avril 1899,8 mai 1900,18 mars 1901,19 mars 1902. A.N.T, série E, Carton 244, Dossier 36.

13 . Cette appellation est encore utilisée jusqu’ à nos jours dans plusieurs régions de la Tunisie comme Gafsa ou Kairouan… pour designer l’huile végétale subventionnée par l’État.

14 . Lettre de Résident Général de France en Tunisie Stephen Pichon destinée au Président de la Chambre mixte de Commerce et d’Agriculture du Sud M.E, SALAVY, 23 juin 1903.

15 . A.N.T, série E, carton 251, dossier5, document 10. Statistique Générale de la Tunisie, 1931, 1932, 1933, 1934,1935.

16 . Un grand tournant dans l’histoire du commerce oléicole entre la Tunisie et la France durant l’époque coloniale est en rapport avec la naissance de l’Office de l’Huile d’Olive le 13 juin 1930 dont l’un des présidents, le président H.Benna, déclarait que la Tunisie «  n’est pas un pays riche mais elle possède quelques produits riches qui, si nous savons les exploiter, équilibreront toujours sa balance commerciale. Nous classons parmi ces produits l’huile d’olive… » : Archives de la Résidence Générale, microfilm conservé à ISH, bobine R713, dossier3, nom folioté. 

17 . Entretien réalisé avec une femme âgée (mars 2015), réputée dans la ville de Monastir pour son savoir-faire culinaire.

18 . En fait, la production française s’était réduite entre 1870 et 1890. L’olivier a connu un net recul dans le midi à partir de la crise du phylloxéra des années 1870 ce qui entraina la conquête par la vigne des meilleures terres qu’il occupait. L’oliveraie française recula de 152000 hectares en 1866 à 125000 en 1910 et 80000 en 1946 et la production d’huile chuta de 26000 tonnes en 1874 à 16000 en 1914 et à 8000 en 1946. Au cours de cette période, la plupart des huileries rurales non modernisées fermèrent. Voir : Yves, PéhauT, « L’invasion des produits d’outre-mer », in. Jean-Louis, FLANDRIN et Massimo MONTANARIE, (sous la direction), Histoire de alimentation, Fayard, Paris, 1996, p. 749.

19 . Feuille d’information oléicole, 1936, p. 351.

20 . Une conférence faite à Chalons- sur-Marne et à Reims, les 21 et 22 octobre 1899 par M. René Millet Résident Général de France à Tunis, in. Revue Tunisienne, 1900, p. 20.

21 . Archives Quai d’Orsay, bobineG147, dossier253, folio125.

22 . Avec le xixe siècle de nouveaux types de produits exotiques apparaissent et bientôt s’imposent, les oléagineux tropicaux (soja, colza, coton, arachide, tournesol, palmier à huile, etc.), pendant près d’un siècle, envahissent les marchés.

23 . Journal officiel de la République française débats parlementaires Année 1949. N° 61 C. R. Le Numéro : 5 francs, Jeudi 21 Juillet 1949.

24 . Bulletin de la direction de l’agriculture et du commerce, n° 4, 15 juillet 1897, n° 3, 15 avril 1897 : législation.

25 . « Le marché français de l’huile », Études et conjoncture - Union française / Economie française, 5e année, n°2, 1950, p.  8-50.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mohamed Frini, « Résistances de l’huile d’olive dans la Tunisie coloniale  »L’Année du Maghreb, 14 | 2016, 133-146.

Référence électronique

Mohamed Frini, « Résistances de l’huile d’olive dans la Tunisie coloniale  »L’Année du Maghreb [En ligne], 14 | 2016, mis en ligne le 21 juin 2016, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/2700 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anneemaghreb.2700

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Auteur

Mohamed Frini

Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Sfax

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Droits d'auteur

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