En l’espèce, à la suite de l’ouverture d’un compte courant, une banque a consenti, par acte sous seing privé, deux prêts à une société. N’ayant pas obtenu le remboursement des sommes dues ni des intérêts convenus, la banque assigna la société en justice devant le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère qui déclara sa demande recevable et bien fondée. Cette juridiction condamna la société au paiement des sommes et des intérêts dus. Souhaitant s’exonérer de sa responsabilité, la société a relevé appel de cette décision en demandant l’annulation de la résiliation du compte courant ainsi que la déchéance du terme des prêts objet du litige. Pour justifier sa demande, la société invoqua qu’elle était dans l’impossibilité d’exploiter son restaurant et d’honorer ses prêts en raison de la pandémie Covid-19 et des fermetures administratives l’ayant accompagné qui constituent un cas de force majeure. Elle se prévaut également du non-respect des dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relatives à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, modifié par l’ordonnance du 15 avril 2020, entrée en vigueur le 17 avril suivant, sans oublier la non réception d’une mise en demeure. La banque contesta la caractérisation de la Covid-19 de force majeure, d’autant plus que la prorogation des délais échus offrait une possibilité pour la société de régulariser sa situation.
La Cour d’appel de Grenoble jugea que la Covid-19 ne peut être qualifiée de force majeure lorsqu’il s’agit d’une obligation de payer une somme d’argent dont l’exécution peut être rendue plus difficile mais pas impossible.
Cette juridiction se conforme à une jurisprudence dominante selon laquelle les obligations pécuniaires, obligations de résultat, sont toujours susceptibles d’exécution1. Cette conception a également été adoptée par la doctrine considérant que l’argent, étant une chose de genre, est toujours susceptible d’être remplacé, par application de l’adage genera non pereunt2. En réalité, l’article 1218 du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 qui détermine les caractères de la force majeure, à savoir l’imprévisibilité, irrésistibilité et l’extériorité, exige expressément que le débiteur soit empêché d’exécuter son obligation. Néanmoins, face à une obligation de paiement de somme d’argent, le débiteur ne peut profiter des avantages de cet article applicable aux contrats conclus après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, à savoir après le 1er octobre 2016, à cause de l’absence du critère d’irrésistibilité3 Ce dernier suppose l’impossibilité d’échapper aux effets de l’évènement en question par des mesures appropriées.
En revanche, les ordonnances mises en place par les pouvoirs publics en matière contractuelle, offraient une vraie opportunité pour le débiteur pour pouvoir respecter ses engagements puisqu’elles assuraient la paralysie des effets des astreintes, des clauses pénales, des clauses résolutoires et de celles prévoyant la déchéance du terme sanctionnant l’inexécution d’une obligation dont le terme arrive durant la période juridiquement protégée. Cependant, une fois cette période terminée, ces délais ne peuvent plus être prorogés et la déchéance prend cours immédiatement. La société débitrice, ayant bénéficié d’une durée supplémentaire pour régulariser sa situation, a décidé de s’abstenir de payer malgré sa mise en demeure (la société n’a jamais retiré les lettres recommandées qui lui avaient été adressées) et doit donc subir les conséquences de son choix.
Bien que le mécanisme de la force majeure semble à première vue la solution idéale face à la Covid-19 pour un débiteur souhaitant s’exonérer de sa responsabilité contractuelle, ne serait-il pas plus avantageux de se prévaloir de la théorie de l’imprévision supposant la preuve d’une difficulté et non pas d’une impossibilité d’exécution ?