LES MANUSCRITS DE LA GRANDE CHRONIQUE DE NORMANDIE DU XIVe ET DU XVe SIÈCLE
Le sujet mis au concours de l'année 1888 par l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres s'intitulait « Études sur les ouvrages en prose et en vers connus sous le nom de Chronique de Normandie ». Paul Meyer espérait bien qu'il en sortirait un travail susceptible de dénouer l'écheveau embrouillé de ces divers écrits dont l'identification et le classement, faisait- il remarquer, n'avaient pas encore été entrepris l. Quelques années plus tôt, Leopold Delisle lors d'un discours adressé à la Société de l'histoire de Normandie, avait pourtant fortement incité ses confrères à se pencher sur les diverses rédactions de ce qu'on appelle la Chronique de Normandie, rappelant que ces textes furent très populaires pendant les trois derniers siècles du Moyen Age, mais il ne leur cachait pas que « de patientes études seront nécessaires pour remonter aux origines, reconnaître les interpolations et déterminer la date des diverses rédactions2 ». A peu près au même moment, Gaston Paris déplorait qu'on n'ait pas encore soumis à une critique satisfaisante les diverses rédactions de la Chronique de Normandie, mais déclarait qu'il n'avait pas l'intention d'entreprendre ce difficile travail3. Quelques tentatives avaient cependant vu le jour. Un érudit du XIXe siècle, l'infatigable éditeur de textes Francisque Michel, publiait, en effet, dès 1839 deux versions courtes des Chroniques de Normandie du XIII* siècle et donnait dans l'introduction une liste accompagnée d'une description de tous les manuscrits qu'il connaissait; mais sa liste est très incomplète et souvent erronée, car il mélange les versions du XIIIe et celles du XIVe siècle4, et ses
1. P. MEYER, Notice sur le ms. II. 6. 24 de la bibl. de l'Université de Cambridge, dans Notices et Extraits des manuscrits..., t. 32, 1888, p. 40. Ce manuscrit, décrit p. 39-56, contient aux f. 1 9-49 une version de la Chronique de Normandie du XIII' siècle. Un malheureux chartistes, Paul Parfouru, avait essayé de traiter le sujet dans sa thèse d'école soutenue en 1873 qui s'intitulait : Examen critique et analytique de la chronique de Normandie ; mais celle-ci fut refusée. Les positions de sa thèse, que seules j'ai pu consulter (Ecole nationale des Chartes. Positions des thèses... 1872-1873, Paris, 1873, p. 35-37, reflètent, en effet, la médiocrité de sa recherche.
2. L. DELISLE, dans Bull, de la Société de Vhistoire de Normandie, t. 2, 1875-1880, p. 8. C'est lui qui donnera la seule étude méthodique qui ait jamais paru, en procédant au classement et à la description de onze témoins de la version du XIIIe siècle dans Histoire littéraire de la France, t. XXXII, 1898, p. 182-194.
3. G. PARIS, Sur un épisode d'Aimeri de Narbonne, dans Romania, t. 9, 1880, p. 528.
4. F. MICHEL, Les Chroniques de Normandie, Rouen, 1839 (d'après les mss Paris, B.N.F.,fr. 24431 et 2137).
