LÉGITIMITÉ ET POUVOIR LOCAL

JEANNE BECQUART-LECLERCQ

L ÉMERGENCE d'un pouvoir semble inhérente à toute vie en groupe, aussi bien chez les animaux que chez les hommes, et s'accompagne dans les communautés humaines d'une production idéologique et, notamment, d'interrogations sur la légitimité de ce pouvoir : comment les membres d'une communauté acceptent-ils le pouvoir de leurs gouvernants ? Comment le légitiment-ils et pourquoi ? De telles interrogations sont cruciales et ont alimenté toute une réflexion politique mais peu d'études empiriques. Cette réflexion est cependant assez récente1, souvent plus confuse que complexe, plus spéculative que sociologique, elle invite le sociologue à un effort de clarification et de confrontation avec des données concrètes. Souvent spéculative, l'étude théorique de la légimité politique est alors imbriquée dans la réflexion sur le fondement du pouvoir et comporte surtout des typologies et des séries de définitions a priori : causes, moyens ou fins du pouvoir sont arbitrairement pris comme base du pouvoir, soit qu'un facteur soit privilégié aux dépens des autres — comme la force ou le prestige — soit qu'ils se servent mutuellement de fondement réciproque dans un discours dont la clarté verbale compense mal la gratuité des assertions. Parfois encore le mot « légitime » intervient comme facteur explicatif d'une définition, sans qu'il soit lui-même défini.

Faudrait-il alors éviter l'emploi d'un concept aussi flou qui risquerait

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