Études ethnographiques
de la scolarisation
des enfants d'immigrés
Agnès Henriot-Van Zanten Kathryn Anderson- Levitt
Présentation
Ce numéro spécial de la Revue française de pédagogie poursuit un double objectif. Le premier est d'explorer à travers des études de cas et des textes de synthèse les potentialités et les limites d'une approche méthodologique, l'ethnographie, qui a beaucoup contribué au renouvellement des recherches en éducation depuis une quinzaine d'années. Le second est d'offrir un état de la recherche sur une question particulièrement importante pour le devenir des sociétés postindustrielles, celle de la scolarité des enfants d'immigrés. En outre, ce numéro spécial vise également à favoriser le dialogue entre chercheurs et éducateurs américains et français en offrant à ces derniers deux traductions originales, ainsi qu'une note de synthèse sur l'anthropologie de l'éducation aux États-Unis. Celle-ci, qui est le fruit d'une étroite collaboration franco-américaine, devrait permettre de situer les questions soulevées dans les textes de John Ogbu et de Marcelo et Carola Suarez-Orozco au sein d'un champ de recherches où le rôle de l'ethnographie et l'explication des problèmes que pose la scolarisation des enfants d'immigrés font l'objet de débats scientifiques animés.
L'intérêt de la comparaison entre les méthodes et les théories mises en œuvre par les chercheurs des deux pays ne doit cependant pas conduire à en minimiser les obstacles. Ceux-ci sont
rents dans le choix même des termes pour désigner les objets d'étude. Si la notion d'« étude ethnographique » permet de caractériser globalement l'ensemble des textes, il est certain qu'elle recouvre des orientations diverses. Les deux auteurs américains s'inscrivent pleinement dans l'évolution actuelle de l'anthropologie de l'éducation qui, après une phase caractérisée par la richesse et la diversité de la production ethnographique, s'est tournée vers l'élaboration de théories globales permettant d'intégrer dans un ensemble cohérent de multiples interprétations locales. Les auteurs français, qui viennent d'horizons disciplinaires divers — la psychologie, sociale, la sociologie, les sciences juridiques — ont le plus souvent accompli un chemin inverse en cherchant à examiner les zones laissées dans l'ombre par les grandes constructions théoriques qui ont vu le jour dans les années soixante-dix. Pour ce faire, ils ont souvent intégré de façon créative les apports de différents courants de recherche d'origine anglo-saxonne et adopté une démarche que l'on peut globalement qualifier d'« ethnographique », même si elle présente des traits plus divers que « l'anthropo-ethnographie » américaine.
Bien plus problématique encore apparaît l'utilisation de la notion d'« enfants d'immigrés » dans les articles français et américains puisque elle renvoie à des différences historiques, sociales et culturelles entre les deux pays. La plupart des anthropologues américains ont recours aujourd'hui à la notion d'« enfants de minorités » pour faire
Revue Française de Pédagogie, n° 101, octobre-novembre-decembre 1992, 5-6